La scène se déroule le 9 juillet 2017 au Connecticut, aux États-Unis, quelques jours avant une visite de Justin Trudeau dans l'État voisin du Rhode Island. Un fonctionnaire d'Affaires mondiales Canada se fait voler son véhicule dans le parking d'un parc national. Sorti faire une randonnée pédestre avec sa femme, le fonctionnaire ne reverra jamais l'automobile. Sa mission était de préparer la venue du Premier ministre, lequel participait à une rencontre de la National Governors Association.
Des documents sensibles dérobés
Selon l'ex-enquêteur de la Sûreté du Québec (SQ) et consultant international en sécurité, Paul Laurier, cet événement traduit un grave manque de professionnalisme. Les voleurs se sont emparés de l'ordinateur portable du fonctionnaire, d'une clé de cryptage, de dispositifs BlackBerry et d'un mot de passe permettant d'accéder à un système secret d'information. Les voleurs ont aussi pu accéder aux numéros des chambres d'hôtel des membres de la délégation canadienne et connaître la date d'arrivée de l'entourage du Premier ministre. Ce vol est loin d'être «anodin», selon M.Laurier.
«C'est clair que c'est inadmissible. Un fonctionnaire ne devrait pas confondre ses loisirs avec le travail. Le Premier ministre est toujours une cible de choix pour plusieurs raisons», a souligné Paul Laurier.
C'est sur une note diplomatique destinée aux autorités américaines que se trouvaient les noms des agents devant assurer la sécurité de Trudeau. Leur rang dans la hiérarchie policière se trouvaient aussi sur le document. La note diplomatique visait essentiellement à permettre aux agents de porter leurs armes sur le territoire américain.
M.Laurier écarte l'hypothèse du simple vol de véhicule et estime qu'il devait s'y trouver d'autres documents dont on ignore la nature. L'expert en sécurité dit ne pas croire au hasard quand il est question de la sécurité d'un politicien. Rien n'est impossible, mais tous les indices pointent vers une opération bien planifiée.
«Si ç'avait été ça [un hasard, ndlr], il y aurait rapidement eu des démentis. Des communiqués de presse auraient été publiés. Dans une situation comme celle-là, avec des informations aussi sensibles, c'est difficile de croire au hasard», a affirmé Paul Laurier à Sputnik France.
Paul Laurier croit que des hackers, des membres du crime organisé ou des agents de puissances étrangères ont pu s'emparer des documents compromettants. Il ne s'explique pas comment la sécurité du Premier ministre a pu à ce point être défaillante. Il s'agirait au minimum d'un inquiétant «laxisme» de la part de la garde rapprochée de Trudeau.
«Est-ce que c'est un manque de compétences? Sûrement, ces choses-là ne devraient pas arriver», a tranché l'ex-enquêteur de la Sûreté du Québec.
Paul Laurier estime que les Canadiens se montrent généralement plus imprudents que dans les autres pays développés. Le fait que le Canada soit un pays stable et relativement peu peuplé (37 millions d'habitants) créerait une fausse impression de sécurité. Le consultant international rappelle toutefois que le Canada fait partie du G7 et qu'il n'est pas à l'abri des menaces.
«Ce qui est arrivé, on ne verrait pas ça en France ou aux États-Unis. […] Ce serait impensable des services de sécurité français, américains, russes ou allemands, par exemple», a mentionné l'expert.
Rappelons que ce n'est pas la première fois qu'une brèche importante est observée dans la sécurité de Justin Trudeau. Lors de son voyage en Inde début 2018, l'entourage du Premier ministre avait permis qu'un extrémiste sikh participe à une rencontre officielle à ses côtés. La participation de cet individu avait été annulée à la dernière minute. L'extrémiste punjabi était quand même parvenu à se faire photographier avec la femme du Premier ministre lors d'un autre événement. Justin Trudeau est-il bien protégé?