«Gratuit ne signifie pas que nous ne gagnons pas d'argent, bien au contraire, cela signifie que nous en gagnons plus», précise Dirk Ahlborn, co-fondateur et PDG d'Hyperloop Transportation Technologies (HTT).
Alors que la gratuité des transports en commun séduit de plus en plus de villes et même de pays, ce qui n'est pas sans conséquences sur les finances publiques, le modèle économique de Dirk Ahlborn, pourrait bien faire des émules. En effet, «il n'existe pas de ligne de train, de métro, dans le monde entier, qui soit aujourd'hui bénéficiaire», comme le soulignait déjà cet homme d'affaires né en Allemagne, installé en Californie, lors du dernier forum économique de Davos.
«Au lieu de monétiser sur un ticket, je monétise sur le temps que le passager passe à l'intérieur du véhicule, et c'est quelque chose qui peut valoir pour une voiture, un train, un avion, un hyperloop», expose-t-il.
Pour autant, par «monétisation», les dirigeants de HTT n'entendent pas céder à la facilité d'une frénésie publicitaire à l'heure de l'ultra-consommation et de la surexposition médiatique.
Pour eux, l'important est de «garder au premier plan» l'expérience du passager, relate Dirk Ahlborn, qui insiste sur le fait que «nous allons là où les gens nous veulent» et que l'Hyperloop «a le grand avantage que nous pouvons être rentables».
«Cela peut être financé par des fonds privés, Il ne s'agit pas de travailler avec un gouvernement et d'essayer de gagner de l'argent grâce à lui, mais de les sensibiliser au fait qu'ils savent que nous sommes ici», insiste-t-il.
Une prouesse technique rendue possible grâce aux avancées technologiques, tant en matière de miniaturisation des batteries que de conservation du vide à l'intérieur du tube où les capsules des passagers seront amenées à évoluer à une vitesse subsonique. L'Hyperloop «n'est finalement qu'un large projet» résume Dirk Ahlborn, évoquant les énormes progrès réalisés ces dernières années dans ces domaines.
«Il y a dix ans, les batteries auraient été tellement grosses qu'il n'aurait pas été très productif de les déplacer», relate Dirk Ahlborn, avant d'ajouter qu'«aujourd'hui, ils font des progrès chaque année, chaque mois, alors c'est bien plus facile.»
Pour le président de HTT, sans ce type d'innovations, il serait impossible de donner naissance aujourd'hui à l'Hyperloop. Il tient d'ailleurs à souligner que des projets particulièrement similaires au sien ont existés et ce bien avant qu'Elun Musk (SpaceX, Tesla Motors, Solar City) ne reprenne le concept en 2013. Des projets tels que Swissmetro, né dans les années 90, qui consiste en un train à sustentation magnétique (maglev) qui évolue dans un environnement sous-pressuré et qui visait déjà à supprimer toutes frictions tant avec les rails qu'avec l'air.
«Mais à cette époque maintenir le vide était encore très coûteux. Ainsi, les nouveaux développements dans les technologies de maintien du vide permettent à présent d'avoir un coût très bas. Je pense que nous sommes quelque part autour de 25kWh sur 10 km, aux États-Unis cela représente environ 3 dollars, ce qui est vraiment très bas.»
Pour ces mêmes raisons, il ne se réjouit pas des déboires que peuvent rencontrer ses concurrents. «Les gens ne comprennent pas forcément qu'ils ne s'agit pas de nous», rapporte le PDG, qui évoque certaines remarques faites lors de grands rendez-vous économiques internationaux. Ferait-il allusion à l'oligarque Zuyavudin Magomedov, arrêté en mars dernier en Russie, où il est accusé de détournement de fonds publics? Le milliardaire russe fait également l'objet d'une enquête en France pour blanchiment d'argent. Il siégeait au conseil d'administration du principal concurrent de HTT, la start-up américaine Hyperloop-One, lancée en 2015 et soutenue par Richard Branson, détenteur du groupe Virgin.
Qu'en est-il du marché russe? Pour l'heure, HTT ne semble pas avoir de projet dans le pays, contrairement à son voisin ukrainien.
«Un pays comme la Russie peut tirer un grand profit d'un système comme le nôtre, caractérisé par de longues distances et un très grand pays, qui doit également faire face aux changements climatiques, car il fait très froid et il est difficile dans certaines régions de se déplacer. Notre système serait la bonne solution», soutient Dirk Ahlborn.
En attendant, avec un projet de ligne à Guizhou en Chine, un autre à Abu-Dhabi et l'étude de faisabilité d'une troisième ligne entre Cleveland et Chicago, aux États-Unis, sans oublier l'ouverture à Belo Horizonte, au Brésil, de son centre mondial d'innovation pour la logistique, 2018 fut une année bien remplie pour Hyperloop Transportation Technologies. Avec près de 800 salariés répartis à travers le monde, l'entreprise de Dirk Ahlborn semble bien loin de ses débuts, lorsqu'en novembre 2013, elle vit le jour grâce au financement participatif.
Début octobre, HTT révélait à Carbures, en Espagne, le prototype grandeur nature de sa capsule de transport. Une première mondiale qui s'accompagnera bientôt d'une autre, en France, suite à l'annonce de la construction de deux lignes tests, respectivement de 320 mètres et d'un kilomètre, à Toulouse.