Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) a été interpellé lundi 28 janvier, dans le domicile d'Albert Dzongang, un militant de son parti, à Douala.
«Un groupe d'hommes en tenues fortement armés a procédé à l'interpellation et à l'arrestation du président Maurice Kamto pour ensuite le conduire vers une destination inconnue en compagnie de Christian Penda Ekoka et Albert Dzongang et plusieurs autres militants» a-t-on appris lundi soir dans un communiqué signé de Me Emmanuel Simh, 3e vice-président du MRC.
Dans le même communiqué,
«Le MRC condamne fermement ces interpellations politiques injustifiées et au demeurant annoncées, dont le but inavoué est de décapiter le MRC et sa coalition gagnante autour de Maurice Kamto.»
Pendant les heures qui ont précédé l'arrestation du leader du MRC, la tension était vive devant le domicile qui l'abritait à Douala. Des centaines de militants de son parti ayant eu vent de cette information se sont mobilisés pour constituer une sorte de bouclier humain face aux éléments de la police. Un rassemblement rapidement dispersé par des tirs en l'air. Les manifestants ont également brûlé les pneus sur les chaussées avoisinantes et la tension était vive jusque tard dans la nuit.
Cette arrestation survient deux jours après une série de manifestations initiée par le MRC contre le pouvoir en place. L'interpellation de Maurice Kamto donne lieu à de nombreuses réactions dans l'opinion au Cameroun.
«L'arrestation du président élu est à la fois une dérive dictatoriale mais un déni de justice! Que lui reproche-t-on? D'avoir organisé des marches? Atteinte à la sécurité de l'État? Les dictatures prennent toujours les décisions à l'aune de leur intérêt et non ceux du peuple», clame au micro de Sputnik France, Gérard Kuissu, président du Comité de résistance pour la revendication, la récupération et la restitution du vote du peuple (C4R), mouvement né après la présidentielle du 7 octobre dernier pour dire «non» à ce qu'ils considèrent comme un «hold-up électoral».
«En cela, cette arrestation est un tournant décisif dans la chute de [Paul, ndlr] Biya. Et désormais le changement peut partir de nulle part! Le peuple ne sera pas écrasé. On n'est plus dans les années 90.»
Dans la même veine, Hilaire Kamga, le leader de l'Offre Orange, un mouvement de la société civile déclare:
«Il s'agit là d'une nouvelle provocation du régime illégitime de Yaoundé qui définitivement a choisi la voie de la force face aux désidératas de la population. L'Offre Orange condamne vigoureusement ces actes d'arrestations et demande la libération immédiate et sans condition du professeur Maurice Kamto et de toutes les personnes arrêtées dans le cadre des marches du 23 et 26 janvier 2019.»
Avant de mettre en garde «le régime de Yaoundé sur les conséquences sur la stabilité du Cameroun de tels actes d'arrestations des leaders qui animent la scène politique camerounaise en portant la voix d'une portion importante de la société camerounaise.»
Dans un communiqué rendu public lundi 28 janvier à la suite de l'arrestation de Maurice Kamto, Kah Walla, présidente nationale du Cameroon People's Party (CPP) souligne que
«En prenant cette décision de résoudre par la force et la violence des problèmes politiques, les dirigeants de ce régime illégitime renforcent en réalité la détermination de tous ceux et celles qui ont soif de justice et de changement.»
Ce mardi 29 janvier dans les rues de Yaoundé, les populations commentent encore ce sujet qui fait l'actualité et la Une des journaux. Paul Djeutche, commerçant et partisan de Maurice Kamto très courroucé, lance
«ça ne va pas nous empêcher de continuer à lutter. Maurice Kamto a dit qu'il est prêt pour le combat. Donc nous n'avons pas peur. On attend le mot d'ordre du parti pour manifester et continuer à dire non au hold-up électoral»
Thomas Essaka, militant du MRC, semble très déçu après la nouvelle de l'arrestation du président du parti.
«L'espoir de notre futur est tombé. Kamto est une personne qui pouvait encore nous faire croire au Cameroun. Imaginez-vous qu'aujourd'hui nos enfants vont à l'école pour rien parce que pour nous qui n'avons personne dans le gouvernement, il va falloir monnayer pour un emploi.»
Pour Jean Marcel, chauffeur de taxi, Maurice Kamto et ses partisans ont franchi la ligne rouge.
«Force doit revenir à la loi. Les marches du MRC étaient interdites, en tant qu'avocat, il [Maurice Kamto, ndlr] le sait. Donc qu'il assume. Ces militants ont cassé les ambassades. C'est inadmissible. Ils ont dépassé les bornes», souligne-t-il très énergiquement.
Au cours d'une conférence de presse tenue samedi 26 janvier, Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale, menaçait déjà de suspendre le MRC.
«Si le responsable d'un parti politique décide de défier systématiquement l'autorité de l'État en organisant des manifestations illégales parfois dangereuses et susceptibles de perturber l'ordre public, le ministre de l'Administration territoriale est en droit de prendre certaines mesures conservatoires.»
L'opposant Maurice Kamto, arrivé deuxième avec 14,23% des voix derrière Paul Biya à la présidentielle, ne reconnaît pas le résultat officiel des urnes validé par le Conseil constitutionnel. Paul Biya, 85 ans, dont 36 au pouvoir, avait été réélu avec 71,2% des voix pour un septième mandat consécutif.