Sputnik: Nigel Farage, ancien chef du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), a déjà proposé à Viktor Orban de former un nouveau camp politique composé d'eurosceptiques. Pensez-vous qu'un tel bloc finisse par être formé?
Bill Ravotti: Oui, mais pas tel que beaucoup de nous l'envisagent. Le Royaume-Uni est sur le point de partir, alors qu'Orban semble pour l'instant réticent à quitter le groupe du Parti populaire européen (PPE) pro-UE [au Parlement européen, ndlr].
Nous avons été agréablement surpris de voir Matteo Salvini et le parti au pouvoir en Pologne Droit et Justice (PiS) prendre cette semaine l'initiative de former ce nouveau bloc.
Les médias de l'Union européenne s'appliquent déjà à saboter ce nouveau bloc, mais ils ne tarderont pas à découvrir avoir affaire à une toute autre dynamique.
C'est énorme. Leurs procédés d'autrefois ne seront pas suffisamment efficaces. L'Italie et la Pologne sont deux des six plus grands pays de l'UE.
Salvini a facilement éclipsé Emmanuel Macron, qui est en train de rétrécir, pour devenir un dirigeant puissant en Europe, alors que son parti continue à monter dans les sondages. Le PiS contrôle le gouvernement de la Pologne, qui est une puissance politique et économique émergente en Europe.
La Ligue et le PiS créeraient un puissant bloc dirigé par un chef énergique doté d'une capacité naturelle à gagner les autres à sa cause. Les eurocrates et leurs mercenaires dans les médias sont quelque peu choqués, déjà sur la défensive.
Sputnik: Le 9 janvier, Varsovie et Rome ont convenu de renforcer les frontières extérieures de l'Union européenne. Comment ces changements pourraient-ils être appliqués?
Bill Ravotti: Mais Salvini a déjà appliqué ces changements en Italie. Il a pratiquement fermé les ports et le nombre de migrants qui ont traversé la Méditerranée centrale en 2018 pour rejoindre l'Italie a chuté de 80% pour atteindre un peu plus de 23.000 personnes, chiffre le plus bas depuis 2012.
Bien que la Pologne ait été forte, elle devra encore renforcer sa frontière avec la Biélorussie. Il a été signalé que les migrants clandestins tentaient de plus en plus d'entrer en Pologne pour se rendre en Allemagne. La Pologne devra se concentrer sur cette zone, tout en permettant ainsi à la Hongrie, à l'Autriche, à la Slovaquie, à la République tchèque, à la Croatie et à la Slovénie (groupe de Coopération de défense d'Europe centrale, CDEC) de défendre le flanc sud.
Les chaînons faibles sont la Grèce, l'Espagne et Chypre, leurs dirigeants actuels n'ont pas la volonté de protéger la frontière. C'est pourquoi il est crucial que d'autres refoulent les transferts de migrants en provenance de Grèce ou d'Espagne, tout en isolant leurs frontières des migrants que la Grèce a repoussés.
Sputnik: Matteo Salvini a déclaré que la Pologne et l'Italie devraient remplacer l'influence de l'Allemagne et de la France en Europe. Se peut-il que cela se produise?
Bill Ravotti: Avec l'ascendant et l'influence de Salvini et du PiS, ils deviendront le contrepoids à Paris et à Berlin, bien qu'à mon avis, l'influence de la France soit largement surestimée.
La question principale concerne Viktor Orban de Hongrie. Combien de temps va-t-il continuer à gaspiller ses efforts avec Manfred Weber, Angela Merkel et Andrej Plenkovic au sein du PPE? À l'instar de la CSU en Allemagne, de nombreux membres du PPE ont tout intérêt à élargir le pouvoir et le champ d'action de Bruxelles.
Les véritables alliés d'Orban sont Salvini, la Pologne et le FPÖ [Autriche, ndlr]… et non ceux du PPE qui ont voté avec Guy Verhofstadt et la radicale verte Judith Sargentini pour punir la Hongrie.
Indépendamment de son association actuelle avec le PPE, Orban se battra avec Salvini et le PiS sur le dossier principal. Je crois que le temps passé par Orban avec le PPE touche à sa fin. Ce n'est qu'une question de temps.
Il y aura d'autres partis en Slovaquie, en Bulgarie, en France et même en Belgique attirés par la cause.
Sputnik: Quelles sont les chances des forces opposées aux migrations d'obtenir une majorité au Parlement européen, à la Commission européenne et, enfin, au Conseil européen? Que pensez-vous de l'avenir du mouvement de droite en Europe?
Bill Ravotti: Il n'y aura pas de majorités immédiates car beaucoup en Europe occidentale croient encore en la migration de masse, au multiculturalisme et au super-État européen. Quoi qu'il en soit, les forces anti-migratoires réaliseront des gains importants, suffisants pour contrecarrer l'agenda des fédéralistes de l'UE.
Nous n'avons confiance en aucun des candidats actuels à la présidence de la Commission européenne.
Sputnik: Orban a déclaré un jour qu'il y avait deux camps opposés en Europe: une civilisation mixte chrétienne et musulmane et une civilisation chrétienne-démocrate. Comment voyez-vous l'évolution du rapport de forces en Europe dans un proche avenir?
Bill Ravotti: À long terme, avec des valeurs si contradictoires et des différences aussi flagrantes entre les régions, nous pensons qu'il est peu probable que le super-État de l'UE survive tel qu'il est. Nous n'avons pas de calendrier, mais nous pensons que l'avenir se composera d'alliances régionales plus petites et moins intrusives, qui reflètent mieux les valeurs et les convictions de ses habitants.
L'Initiative des trois mers (IMBAMN) impliquant des États d'Europe centrale et orientale serait un exemple d'une telle alliance, mais elle a besoin de temps pour se développer.
Le noyau originel de l'UE [moins l'Italie] et de nombreuses autres parties de l'UE de l'Ouest pourraient avoir un point de non-retour. Une fois que les sociétés multiculturelles sont établies, elles sont difficiles à briser.
D'autres coalitions plus petites peuvent se développer avec les pays nordiques ou d'autres, mais nous considérons l'UE comme un club beaucoup plus petit à l'avenir.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'interlocuteur.