À Samara, des scientifiques inventent une vaisselle à croquer

À Samara, sur les bords de la Volga, des scientifiques ont inventé un procédé de fabrication de vaisselle comestible. Il permet de réduire la production de déchets et se prête à des conditions d'utilisation extrêmes. Sputnik France a rencontré Nadejda Makarova, qui dirige un groupe de scientifiques de l'Université technique de la ville.
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Une petite pomme pour le dessert? Mangez plutôt votre assiette!

Ce n'est pas un dialogue humoristique, mais bien le résultat de recherches très poussées de l'Université technique d'État de Samara. Les scientifiques de cet institut ont breveté trois inventions qui constituent une percée dans le domaine de films comestibles et biodégradables. Schématiquement, on réduit des pommes en purée, laquelle est transformée en un film fin qui sert lui-même à fabriquer de la vaisselle.

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L'emballage comestible, créé à l'Université technique d'État de Samara
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La palette des films comestibles, créés à l'Université technique d'État de Samara
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La vaisselle comestible, créé à l'Université technique d'État de Samara, résiste au chaud et au froid

Les recherches ont duré plusieurs années, dans le cadre d'une étude portant sur le régime alimentaire des cosmonautes. L'objectif à l'époque était de créer un emballage dans lequel on pourrait stocker et chauffer des aliments, puis le manger avec la nourriture. C'est ainsi qu'est née l'idée du film alimentaire comestible.

Lors de son interview à Sputnik France, Nadejda Makarova, la chef du département de technologie et d'organisation de la restauration de l'Université technique d'État de Samara reste modeste et prétend que de «parler d'une "percée" est un peu exagéré.»
Pourtant, l'invention de son groupe diffère des autres par son approche «gustative»:

«Avant nous, personne n'avait considéré les pommes comme une matière première pour la fabrication de vaisselle comestible. Notre objectif est non seulement de créer une vaisselle biodégradable, mais de créer une vaisselle bonne à manger, que l'on a envie de manger,» précise Nadejda Makarova.

La scientifique rappelle que jusqu'au début du XXe siècle, la plupart des gens vivaient dans une économie de subsistance. À l'époque, le problème de l'utilisation ne se posait pas, puisque l'on utilisait tout. La situation actuelle est plus inquiétante, il y a urgence:

«Au XXe siècle, nous sont devenus si inconscients que pouvons accumuler jusqu'à 50 kg de déchets par personne et par mois. On prend des libertés en imaginant que l'on dispose d'une Terre sans limites. On est trop insouciants», s'indigne Nadejda Makarova.

Pour expliquer l'origine de l'invention de l'emballage comestible, le professeur rappelle quelques anecdotes historiques telles que, par exemple, les «boutons de fromage»: des boutons d'uniforme de l'armée australienne, faits de «cor artificiel», un polymère qui contient des caséines, les protéines de base du lait. Ces boutons ont été portés par le personnel militaire de la Royal Air Force jusqu'en 1953. Une autre légende dit que le fromage «Bouton de culotte» était utilisé par les bergers bourguignons, qui quittaient la maison pour des pâturages lointains. Ils emportaient avec eux un fromage qui ne perdait pas son goût avec le temps. Mais la créativité des scientifiques russes les poussent à ne pas se contenter de simplement chercher un matériau plus performant qu'un film polymère: «on a changé de direction puisque depuis les années 1990, la voie traditionnelle n'avait mené nulle part,» précise à Sputnik Nadejda Makarova.

«Notre innovation consiste à utiliser de la matière première "pratique", ce qui a permis de faire un bond du film comestible vers l'objet comestible fini, raconte la chef du groupe des chercheurs. Le sens de notre technologie novatrice est la matière première et son procédé de transformation, qui n'a jamais été utilisé dans la production d'emballages.»

Il existe plusieurs écoles scientifiques à travers le monde qui travaillent d'arrache-pied sur les films comestibles. Mais le bond en avant réalisé dans les laboratoires de l'Université technique de Samara consiste précisément à créer un objet, cette fameuse vaisselle que les collègues du département appellent entre eux avec tendresse «un verre en pomme»:

«Dans la production de notre vaisselle comestible, on a emprunté certains procédés à l'architecture, comme certains dans le domaine des matériaux composites que l'on utilise dans le bâtiment», raconte Nadejda Makarova.

Dans un avenir proche, les scientifiques souhaitent créer des ensembles complets d'ustensiles à consommer. Actuellement, chaque verre coûte de 30 à 40 roubles (50 cents d'euro). Mais si on passe aux produits issus de la transformation de fruits et légumes, le prix peut être divisé par dix. Le matériau inventé dicte également aux scientifiques une nouvelle forme de vaisselle, les fourchettes et les cuillères «traditionnelles» étant difficiles à fabriquer dans leur matériau novateur, mais

«Je pense qu'en fin de compte, nous créerons quelque chose d'extraordinaire, bizarre peut-être, mais amusant pour tout le monde», s'amuse l'universitaire.

L'équipe de l'Université ne compte pas s'arrêter là, puisque parmi les déchets au niveau mondial, les verres en plastique, les bouteilles et les canettes des formes diverses occupent la première place. Pas de temps à perdre!

«Mon challenge actuel est de créer un bouchon à vis pour les bouteilles. Pour moi, le matériau ne présente pas de difficultés», détaille Nadejda Makarova.

Sachant que l'on peut s'attendre à des complications au niveau des techniques de moulage du bouchon, puisque «créer une bouteille est plus facile que de créer un moyen de la fermer», un problème de commercialisation pourrait également se poser. S'agissant d'un produit innovant, on ne pourrait pas adapter les lignes de fabrication d'emballages pour le produire.

«Si on arrivait à créer un bouchon compatible avec les bouteilles existantes, ça aurait un succès plus rapide», estime la scientifique russe.

Petite cerise sur le gâteau, l'université de Samara souhaiterait travailler avec une région productrice de pommes! Pourquoi pas, française…

«Souvent, les efforts communs poussent à des résultats intéressants. Nous en serons ravis», se réjouit Nadejda Makarova.

En définitive, l'équipe qui a développé cette technologie de production d'emballages comestibles a les pieds sur Terre: si on peut utiliser cette vaisselle dans l'espace, elle est aussi particulièrement adaptée aux conditions terrestres extrêmes, pour des personnes travaillant dans l'Arctique ou sur des plates-formes pétrolières en mer…

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