L'«hiver nucléaire», un scénario de la fin du monde

Dans les années 1980, c'est-à-dire à l'époque de la détente, les médias soviétiques évoquaient activement les conséquences horribles de la guerre nucléaire. La formation de la politique de détente a été favorisée non seulement par les politiciens, mais aussi par les scientifiques.
Sputnik

Des études menées de manière indépendante par plusieurs centres de recherche (notamment par le Centre informatique de l'Académie des sciences d'URSS) ont montré que l'utilisation des arsenaux nucléaires accumulés pourrait tuer non seulement l'humanité, mais aussi toute la planète, même les écosystèmes océaniques. Autrement dit, un tel événement pousserait l'évolution de la vie sur la Terre à des centaines de millions d'années en arrière, écrit Nezavissimaïa gazeta

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Ce scénario apocalyptique a été baptisé «nuit nucléaire» (ou «hiver nucléaire»). De qui s'agit-il?

La «nuit nucléaire» arrive en hiver

Les armes nucléaires ciblent notamment de grands centres urbains qui contiennent beaucoup plus de substances combustibles que les zones naturelles. Des tornades de feu ont été enregistrées au cours de la Seconde Guerre mondiale après les bombardements des villes allemandes et le bombardement nucléaire du Japon. Selon les témoins, des flots d'air captaient ceux qui tentaient de fuir et les jetaient dans le feu. Mais ce n'est pas l'aspect le plus terrifiant.

Des particules fines de cendre et de suie reflètent plus activement les rayons du soleil que la poussière ordinaire et se déposent plus lentement. La circulation atmosphérique distribuera la suie au-dessus de toute la planète en créant une couverture noire. Les particules de suie se réchaufferont sous les rayons du soleil ce qui augmentera la température de l'air entourant et les poussera vers le haut. En résultat, le processus de déposition de la suie et d'épuration de l'atmosphère par les pluies sera très lent.

Tout cela créera pour longtemps non seulement l'hiver nucléaire, mais aussi la nuit nucléaire. Selon les calculs, les effets cumulatifs de la contamination radioactive, du froid et de l'arrêt de la photosynthèse provoqueront la mort de toute l'infrastructure terrestre.

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Des études récentes ont confirmé le risque de l'hiver nucléaire en cas d'utilisation des arsenaux de la Russie et des États-Unis (malgré le fait que ces derniers ont été réduits de 60.000 à 13.000 ogives de 1972 à 2012). Un conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan pourrait également se solder par des conséquences très dures malgré le fait que ces pays ne disposent que de 0,03% de l'arsenal nucléaire mondial. Le refroidissement du climat provoqué par les incendies causés par les frappes nucléaires, se traduira par une chute de la production agriculturale de 20% pendant 5 ans et de 10% une décennie ans après.

Le modèle de nuit nucléaire a naturellement provoqué des critiques. Certains affirmaient même qu'il s'agissait d'un mythe, gonflé afin d'assurer la victoire des États-Unis dans la guerre froide. Ils estimaient que les belligérants épargneraient les grandes villes en se limitant par des frappes sur les bases militaires et les positions des missiles. On dit également que la suie ne s'élèvera pas à une telle attitude et se déposera rapidement.

Dans tous les cas, un calcul précis des scénarios de l'hiver nucléaire exige des données exactes, qu'on ne peut obtenir que grâce à une expérience grandeur nature, c'est-à-dire à un bombardement nucléaire d'une mégapole moderne. Nous espérons qu'une telle expérience n'aura jamais lieu. Il existe pourtant d'autres expériences, moins convaincantes, qui confirment certains éléments du scénario. Ainsi, on sait que des tempêtes de sable sur le Mars refroidissent le climat.

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Une apocalypse par erreur

Est-ce qu'un tel événement suicidaire est en effet possible? Personne ne veut naturellement une guerre nucléaire de grande envergure ou l'hiver nucléaire qui garantit pratiquement la mort de l'humanité, même dans les régions les plus éloignées. Mais…
Premièrement, on n'exclut pas que les perdants veuillent «faire claquer la porte». Deuxièmement, une ingérence terroriste est également possible. Troisièmement, il existe des scénarios d'une «apocalypse par erreur». Cela concerne notamment le «cas du lieutenant-colonel Petrov», rendu public à l'époque de la pérestroïka.

Stanislav Petrov a raconté qu'en 1983, il avait reçu — en tant qu'opérateur du poste de commandement du système d'alerte nucléaire — un message sur le lancement de cinq missiles balistiques intercontinentaux américains Minuteman portant dix ogives nucléaire chacun. Il a pourtant rapporté une fausse alerte aux dirigeants du pays (l'investigation a confirmé plus tard ses conclusions, mais il ne pouvait pas le savoir au juste à l'époque).

Un incident encore plus dramatique s'est déroulé dans une base militaire américaine à Okinawa en 1962. Tous les quatre sites de lancement ont reçu un jour un message indiquant qu'ils recevraient bientôt des ordres spéciaux. Ces derniers sont en effet arrivés. Après avoir écouté ces ordres, l'officier de contrôle des lancements devait ouvrir un portefeuille secret pour y trouver un code spécial. Si ce dernier était équivalent à la troisième partie du message radio, il serait nécessaire d'ouvrir l'enveloppe contenant la liste des cibles et les clés de lancement.

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Les codes ont confirmé l'ordre de tir. William Bassett, officier supérieur de l'équipe ne s'est pourtant pas dépêché de lancer les missiles, mais a souligné que la situation était assez étrange: l'ordre aurait dû être précédé par le niveau d'alerte maximal, ce qui n'était pas le cas. Il était probable que ce signal avait été brouillé par l'ennemi et que le Russes lançaient déjà leurs frappes. Mais dans ce cas-là les missiles soviétiques auraient déjà atteint Okinawa, alors que les militaires américains étaient saufs et sains et n'avaient entendu aucune explosion ni ressenti aucun tremblement. (On peut très bien imaginer ce qui aurait pu se passer si l'on avait enregistré en ce moment un séisme, phénomène récurrent au Japon). Le capitaine William Bassett a donc suspendu le tir.

Le commandant d'une unité a cependant refusé de suivre cet ordre. William Bassett a donc envoyé un groupe armé qui devrait l'exécuter s'il poursuivait les préparatifs du lancement sans l'ordre personnel du capitaine. William Bassett a en même temps téléphone à l'état-major — ce qui a été une violation majeure de régime de sécurité — et a exigé soit d'ordonner l'alerte maximale, soit d'annuler le lancement. On lui a répondu par un silence, alors que quelques minutes après ses supérieurs ont annulé le tir. Les messages se sont avérés erronés, alors que l'incident a été classifié.

La réanimation de Dead Hand

La possibilité d'une frappe préventive relativement anodine, mais désarmante — visant à éliminer les moyens de commandement de troupes — et le cas du lieutenant-colonel Petrov ont soulevé la question de la fiabilité du système de riposte. Le système Perimetr (connu comme Dead Hand en Occident), mis en service à l'époque de la première guerre froide, assurait l'utilisation de tout l'arsenal nucléaire soviétique en cas d'incapacité des états-majors et d'existence d'indices d'une attaque nucléaire contre l'URSS. Les États-Unis ont créé un système similaire: Emergency Rocket Communications System. Les deux systèmes ont été désactivés au début des années 1990, mais sont actuellement de nouveau en service.

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Ainsi, la possibilité d'autodestruction par erreur de la civilisation terrestre est beaucoup plus importante que cette d'une catastrophe spatiale.

La logique d'avalanche

L'auteur du livre «Les catastrophes et les civilisations» a calculé le risque d'autodestruction par erreur de l'humanité sur la base du nombre connu d'incidents dangereux entre les forces armées des puissances nucléaires et les estimations d'experts de la transformation d'un incident dangereux en guerre à part entière (1%). Ainsi le ministère britannique de la Défense a enregistré quatre situations de ce genre en 2015.

Cela signifie que la possibilité d'éviter la dernière guerre de l'histoire de l'humanité pendant un siècle se chiffre à 1,8%. D'autres auteurs ont présenté des estimations similaires de la probabilité d'apparition du conflit global (60% au cours de 100 ans). Le même calcul sur la base des données des années 1990 — la période la plus sécurisée — évalue la probabilité d'un siècle pacifique à 90%, ce qui est de 50 fois meilleur que nos estimations actuelles. 

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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