Des études menées de manière indépendante par plusieurs centres de recherche (notamment par le Centre informatique de l'Académie des sciences d'URSS) ont montré que l'utilisation des arsenaux nucléaires accumulés pourrait tuer non seulement l'humanité, mais aussi toute la planète, même les écosystèmes océaniques. Autrement dit, un tel événement pousserait l'évolution de la vie sur la Terre à des centaines de millions d'années en arrière, écrit Nezavissimaïa gazeta.
La «nuit nucléaire» arrive en hiver
Les armes nucléaires ciblent notamment de grands centres urbains qui contiennent beaucoup plus de substances combustibles que les zones naturelles. Des tornades de feu ont été enregistrées au cours de la Seconde Guerre mondiale après les bombardements des villes allemandes et le bombardement nucléaire du Japon. Selon les témoins, des flots d'air captaient ceux qui tentaient de fuir et les jetaient dans le feu. Mais ce n'est pas l'aspect le plus terrifiant.
Des particules fines de cendre et de suie reflètent plus activement les rayons du soleil que la poussière ordinaire et se déposent plus lentement. La circulation atmosphérique distribuera la suie au-dessus de toute la planète en créant une couverture noire. Les particules de suie se réchaufferont sous les rayons du soleil ce qui augmentera la température de l'air entourant et les poussera vers le haut. En résultat, le processus de déposition de la suie et d'épuration de l'atmosphère par les pluies sera très lent.
Tout cela créera pour longtemps non seulement l'hiver nucléaire, mais aussi la nuit nucléaire. Selon les calculs, les effets cumulatifs de la contamination radioactive, du froid et de l'arrêt de la photosynthèse provoqueront la mort de toute l'infrastructure terrestre.
Le modèle de nuit nucléaire a naturellement provoqué des critiques. Certains affirmaient même qu'il s'agissait d'un mythe, gonflé afin d'assurer la victoire des États-Unis dans la guerre froide. Ils estimaient que les belligérants épargneraient les grandes villes en se limitant par des frappes sur les bases militaires et les positions des missiles. On dit également que la suie ne s'élèvera pas à une telle attitude et se déposera rapidement.
Dans tous les cas, un calcul précis des scénarios de l'hiver nucléaire exige des données exactes, qu'on ne peut obtenir que grâce à une expérience grandeur nature, c'est-à-dire à un bombardement nucléaire d'une mégapole moderne. Nous espérons qu'une telle expérience n'aura jamais lieu. Il existe pourtant d'autres expériences, moins convaincantes, qui confirment certains éléments du scénario. Ainsi, on sait que des tempêtes de sable sur le Mars refroidissent le climat.
Est-ce qu'un tel événement suicidaire est en effet possible? Personne ne veut naturellement une guerre nucléaire de grande envergure ou l'hiver nucléaire qui garantit pratiquement la mort de l'humanité, même dans les régions les plus éloignées. Mais…
Premièrement, on n'exclut pas que les perdants veuillent «faire claquer la porte». Deuxièmement, une ingérence terroriste est également possible. Troisièmement, il existe des scénarios d'une «apocalypse par erreur». Cela concerne notamment le «cas du lieutenant-colonel Petrov», rendu public à l'époque de la pérestroïka.
Stanislav Petrov a raconté qu'en 1983, il avait reçu — en tant qu'opérateur du poste de commandement du système d'alerte nucléaire — un message sur le lancement de cinq missiles balistiques intercontinentaux américains Minuteman portant dix ogives nucléaire chacun. Il a pourtant rapporté une fausse alerte aux dirigeants du pays (l'investigation a confirmé plus tard ses conclusions, mais il ne pouvait pas le savoir au juste à l'époque).
Un incident encore plus dramatique s'est déroulé dans une base militaire américaine à Okinawa en 1962. Tous les quatre sites de lancement ont reçu un jour un message indiquant qu'ils recevraient bientôt des ordres spéciaux. Ces derniers sont en effet arrivés. Après avoir écouté ces ordres, l'officier de contrôle des lancements devait ouvrir un portefeuille secret pour y trouver un code spécial. Si ce dernier était équivalent à la troisième partie du message radio, il serait nécessaire d'ouvrir l'enveloppe contenant la liste des cibles et les clés de lancement.
Le commandant d'une unité a cependant refusé de suivre cet ordre. William Bassett a donc envoyé un groupe armé qui devrait l'exécuter s'il poursuivait les préparatifs du lancement sans l'ordre personnel du capitaine. William Bassett a en même temps téléphone à l'état-major — ce qui a été une violation majeure de régime de sécurité — et a exigé soit d'ordonner l'alerte maximale, soit d'annuler le lancement. On lui a répondu par un silence, alors que quelques minutes après ses supérieurs ont annulé le tir. Les messages se sont avérés erronés, alors que l'incident a été classifié.
La réanimation de Dead Hand
La possibilité d'une frappe préventive relativement anodine, mais désarmante — visant à éliminer les moyens de commandement de troupes — et le cas du lieutenant-colonel Petrov ont soulevé la question de la fiabilité du système de riposte. Le système Perimetr (connu comme Dead Hand en Occident), mis en service à l'époque de la première guerre froide, assurait l'utilisation de tout l'arsenal nucléaire soviétique en cas d'incapacité des états-majors et d'existence d'indices d'une attaque nucléaire contre l'URSS. Les États-Unis ont créé un système similaire: Emergency Rocket Communications System. Les deux systèmes ont été désactivés au début des années 1990, mais sont actuellement de nouveau en service.
La logique d'avalanche
L'auteur du livre «Les catastrophes et les civilisations» a calculé le risque d'autodestruction par erreur de l'humanité sur la base du nombre connu d'incidents dangereux entre les forces armées des puissances nucléaires et les estimations d'experts de la transformation d'un incident dangereux en guerre à part entière (1%). Ainsi le ministère britannique de la Défense a enregistré quatre situations de ce genre en 2015.
Cela signifie que la possibilité d'éviter la dernière guerre de l'histoire de l'humanité pendant un siècle se chiffre à 1,8%. D'autres auteurs ont présenté des estimations similaires de la probabilité d'apparition du conflit global (60% au cours de 100 ans). Le même calcul sur la base des données des années 1990 — la période la plus sécurisée — évalue la probabilité d'un siècle pacifique à 90%, ce qui est de 50 fois meilleur que nos estimations actuelles.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.