Pourquoi les Espagnols ont été incapables de conquérir les Amérindiens Mapouches

Il y a 465 ans, les Mapouches ont écrasé les conquistadors dans la bataille de Tucapel. Il s'agit d'une des premières grandes batailles en Amérique latine qui se sont soldées par la défaite des envahisseurs espagnols.
Sputnik

Les Mapouches ont réussi à garder leur indépendance pendant plus de trois siècles après la victoire dans la bataille de Tucapel contre les conquistadors, rappelle le site de la chaîne RT. Mais comment ces Amérindiens, sont-ils arrivés à résister aux Espagnols?

La colonisation espagnole de l'Amérique latine et centrale s'est déroulée assez rapidement. De 1492 à 1533 les conquistadors ont pris le contrôle des îles des Caraïbes et écrasé l'empire aztèque et les forces principales des Incas. Leur progression vers le sud s'est pourtant ralentie.

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Les conquêtes de Pedro de Valdivia

Pedro de Valdivia, que beaucoup de personnes considèrent comme le père fondateur du Chili, est né en 1497 dans une famille modeste de nobles espagnols. Après avoir servi dans l'armée en Europe, il est parti pour le Nouveau monde en quête de richesse et de gloire. Il a rejoint là-bas Francisco Pizarro, gouverneur du Pérou, pour participer à la guerre contre les Incas et aux affrontements entre les conquistadors.

En 1537-1538, il a fait partie de ceux qui ont réprimé l'insurrection de Diego de Almagro, qui avait pris en otage les proches de Francisco Pizarro et s'était proclamé gouverneur du Pérou. Diego de Almagro a été capturé et exécuté, alors que Pedro de Valdivia a reçu une partie considérable du butin qui lui a permis d'acheter une grande résidence et des mines d'argent. Malgré le fait qu'il avait une femme en Espagne, il a eu en Amérique une histoire d'amour avec Inés de Suárez, une veuve de 30 ans qui a joué un rôle important dans son destin.

En 1539, Pedro de Valdivia a proposé de conquérir les terres au sud du Pérou. Francisco Pizarro approuvait cette initiative, mais n'a pas accordé les fonds nécessaires. Pedro de Valdivia a donc été obligé de vendre tout son patrimoine et même emprunter de l'argent chez ses amis et chez Inés de Suárez, qui a voulu accompagner personnellement son amant.

Au dernier moment, Pedro de Valdivia a été rejoint par Pedro Sanchez de la Hoz, qui disposait d'un certificat royal lui octroyant le droit de devenir le gouverneur du Chili. Son attitude envers Pedro de Valdivia avait initialement été assez froide, mais Francisco Pizarro l'a ensuite persuadé de faire partie de l'expédition et de contribuer à son financement.

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En 1540, Pedro de Valdivia s'est dirigé depuis le Pérou vers le sud via une vielle route des Incas. Il était accompagné par 110 Espagnols et des serviteurs indiens. Pedro Sanchez de la Hoz est ses assistants se sont distanciés de l'expédition, mais l'ont rejointe pendant la nuit. Il voulait tuer Pedro de Valdivia dans les ténèbres pour devenir le chef de cette entreprise, mais Inés de Suárez a démasqué les comploteurs. Pedro de Valdivia a voulu pendre les criminels, mais Pedro Sanchez de la Hoz l'a supplié de le pardonner et a renoncé à ses droits au Chili.

Après un voyage très dur qui a pris 11 mois, les conquistadors ont atteint des terres fertiles peuplés par de nombreuses tribus indiennes, y compris par les Mapouches.

Les Mapouches et les conquistadors

Le terme «Mapouches» est le nom des tribus indiennes apparentées qui ont vécu dans la partie centrale du Chili. Il signifie le «peuple de la terre». Les Espagnols les appelaient «Araucans», ce qui constitue probablement une forme altérée du mot «ennemi» de la langue quechua. Les ancêtres des Mapouches avaient vécu sur le territoire du Chili et de l'Argentine modernes encore au milieu du premier millénaire av. J.-C. Avant l'arrivée de Christophe Colomb, les Incas ont tenté de les conquérir, mais ont fait face à une résistance acharnée et ont été obligés de se retirer.

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«Contrairement à beaucoup d'autres Indiens d'Amérique du Sud, les Mapuches étaient un peuple guerrier et militarisé», explique Egor Lidovski, directeur général du Centre culturel latino-américain Hugo Chavez.
Les Mapouches ont accordé aux Espagnols un accueil aussi froid qu'aux Incas. D'abord, leurs affrontements portaient un caractère frontalier. Un jour, les conquistadors ont capturé Leftraru, 11 ans, fils du chef d'une tribu mapouche. Ce garçon est devenu un esclave des Espagnols qui l'appelait Lautaro.

L'intelligence de Lautaro a attiré l'attention de Pedro de Valdivia qui l'a choisi comme son serviteur personnel. Le garçon a tenté de fuir, mais a été capturé et a visiblement accepté son sort. Il n'a même pas été perturbé (d'apparence) par un acte d'intimidation brutal des Espagnols qui ont coupé les mains et les pieds de la plupart des membres de son tribu, y compris de ses parents.

Lautaro jouait le rôle de serviteur loyal de manière si convaincante que les commandants des conquistadors se sont mis à lui donner des leçons d'art de la guerre en espérant de le transformer en chef de leurs troupes auxiliaires. Le garçon s'est pourtant échappé en 1552 après avoir passé plusieurs années en captivité. A cette époque, Pedro de Valdivia était déjà le gouverneur reconnu du Chili. Il a failli périr au cours d'une bataille avec les Indiens, mais sa fidèle Inés de Suárez a décapité de manière ostentatoire les chefs indiens pris en otage et a lancé elle-même une attaque en torpillant le moral de l'ennemi.

En 1550, Pedro de Valdivia a commencé une invasion à part entière sur les terres des Mapouches et a y fondé plusieurs villes et forteresses. Les premières tentatives des Indiens de résister au gouverneur chilien se sont avérées vaines. Ses troupes avançaient, asservissaient les aborigènes et les envoyait travailler dans les mines.

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En 1553, les Mapouches ont convoqué un conseil militaire et élu deux chefs de guerre: Caupolicán et Lautaro qui avait 19 ans à l'époque. Malgré sa jeunesse, ce dernier a réussi à élaborer une tactique réunissant des méthodes de combat indiennes et espagnoles, et l'a expliquée aux Mapouches.

La bataille de Tucapel

Commandant d'une force de 6.000 hommes, il a attaqué le fort espagnol de Tucapel. Les conquistadors ont subi des pertes considérables et ont été obligés de fuir. Pedro de Valdivia a appris les rumeurs sur l'attaque contre sa forteresse et s'est dépêché à son aide, après avoir envoyé des messagers avec des appels aux renforts. Mais le gouverneur n'a pas appris à temps que le fort avait été pris, alors que ses courriers ont été interceptés par les Mapouches.

Le 25 décembre 1553, Pedro de Valdivia s'est retrouvé sur les ruines de Tucapel avec 55 Espagnols et 5.000 auxiliaires. Le gouverneur a tenté d'y organiser des positions défensives, mais il n'a pas eu assez de temps. Des guerriers mapouches entraînés par Lautaro ont lancé une attaque depuis la forêt voisine. Si les Espagnols avaient initialement eu un avantage grâce à leur cavalerie et à leurs armes à feu que les Indiens avaient ignorées, tout cela ne les impressionnait plus. Ils démontaient les cavaliers espagnols à l'aide de bâtons et de cordes. Les Espagnols ont tenté de se retirer, mais Lautaro et ses meilleurs combattants ont pris de flanc leur ennemi.

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Les forces espagnoles ont été écrasées, alors que le gouverneur s'est retrouvé entre les mains des Indiens et a juré à son ancien serviteur que les Espagnols quitteraient définitivement le Chili. Les chefs des Mapouches ont cependant dit qu'ils ne croyaient à aucune parole du conquistador, et l'ont exécuté. Selon une version de ces événements, ils ont coulé de l'or fondu dans sa gorge.

La guerre d'Arauco a duré plusieurs décennies, tant bien que mal pour les deux parties. Lautaro est mort dans une bataille, mais cela n'a rien changé: les Mapouches ont élu de nouveaux chefs de guerre. Fin XVIe — début XVIIe siècle, les Indiens ont lancé plusieurs offensives réussies pour raser sept villes espagnoles et un nombre d'autres localités. Les descendants des conquistadors ont compris qu'ils ne pourraient pas conquérir rapidement les Mapouches.

«Vers la fin du XVIe siècle, les Mapouches ont considérablement progressé dans l'élevage de bétail et de chevaux. Pour les Espagnols, il était de plus en plus avantageux de développer leurs échanges avec les Indiens au lieu de faire la guerre», explique Iouri Berezkine, docteur ès sciences historiques et chef du département des Amériques du Musée d'ethnographie et d'anthropologie de l'Académie des sciences de Russie.

Les Espagnols et — plus tard — les habitants de l'État chilien indépendant essayaient de temps en temps d'envahir l'Arauco, mais toutes ces tentatives ont été en vain avant la fin du XIXe siècle. Qui plus est, les Indiens ont même créé leur propre royaume à l'aide d'émigrés européens.
«Les Chiliens auraient laissé les Mapouches tranquilles, mais une colonie allemande a été créée au sud du continent dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Il était nécessaire de contrôler cette dernière, mais il n'était possible d'y accéder que via les terres indiennes», fait remarquer Iouri Berezkine.

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Selon lui, les Mapouches de cette époque ont changé: ils se sont enrichis et ont partiellement perdu leurs capacités de guerre. Cela a permis à l'armée chilienne d'éliminer facilement 10.000 Indiens et d'asservir les autres. Dans tous les cas, il est à noter que des affrontements avec les Mapouches ont eu lieu dans la première moitié du XXe siècle, alors qu'Augusto Pinochet a lancé plus tard des répressions contre cette communauté. De plus, on constate depuis les années 1990 des contestations contre l'activité d'entreprises chiliennes et étrangères sur les terres des Mapouches.

Selon Egor Lidovski, les victoires des Indiens sur les envahisseurs s'expliquent tout d'abord par les qualités personnelles des Mapouches. «C'est pour la première fois que les Espagnols ont fait face à un tel courage et à une telle prouesse, ainsi que — ce qui est le plus important — à la capacité d'apprendre leur art de guerre. C'est pourquoi, les premiers succès ont encouragé les Indiens et torpillé le moral des conquistadors», conclut-il.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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