«Les hommes (54%) sont un peu plus nombreux que les femmes (45%) [lors des manifestations des gilets jaunes, ndlr]. Cependant, la forte proportion de femmes, appartenant souvent aux classes populaires, une catégorie sociale traditionnellement peu mobilisée politiquement, est un fait notable.»
C'est le résultat d'une enquête réalisée par un collectif de chercheurs visant à comprendre sociologiquement les Gilets jaunes. Les auteurs de l'étude (basée sur 166 questionnaires distribués sur les ronds-points et lors de manifestations), qui ont publié une tribune dans Le Monde, expliquent que «la forte dimension sociale du conflit et la centralité des revendications sur les conditions matérielles d'existence dans le mouvement social participent à la visibilité des femmes». En effet, après de longues semaines de mobilisation, on constate une très forte présence féminine sur les ronds-points, au niveau des péages, dans les rues de la capitale, mais également dans tous les JT et plateaux télévisés.
Or, l'une des catégories qui ont vu sa situation se détériorer le plus au fil des années est celle des familles monoparentales. En 1990, elles représentaient une famille sur dix, puis une famille sur cinq en 2013. Selon les données du recensement de l'INSEE, on compte deux millions de familles de ce type qui, dans 82% des cas, sont constituées d'une mère avec ses enfants. Par ailleurs, lorsque l'on se focalise sur les familles monoparentales pauvres, on constate que 44% des femmes inactives sont pauvres (au-dessous du seuil de 50% du revenu médian). En outre, 15% des mères actives de ces familles vivent également sous le seuil de pauvreté.
«On a donc une situation très particulière et que l'on retrouve très probablement sur les ronds-points», explique l'économiste Xavier Timbeau sur le plateau de Russeurope Express, l'émission de Jacques Sapir sur Radio Sputnik.
Pour Xavier Timbeau, directeur principal de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et co-auteur d'une étude sur l'évolution du revenu des ménages entre 2008 et 2016 publiée par l'Insee, malgré «le système socio-fiscal (allocations chômage, RSA, etc.) qui a beaucoup contribué à limiter l'explosion des inégalités en France, ce filet de protection sociale a des "trous". Et parmi ces trous, il y a la question des familles monoparentales.»
«On a un système qui a été construit après 1945 par le Conseil National de la Résistance qui est extrêmement familialiste, avec une vision de la famille qui est un homme qui travaille, une femme qui est au foyer et des enfants. On conçoit la protection sociale comme s'adressant à cet ensemble. Aujourd'hui, les familles monoparentales sont assez mal prises en compte par notre système», rappelle Xavier Timbeau.
Cette croissance continue du nombre de familles monoparentales pauvres fait apparaître un nouveau phénomène: celui de la pauvreté des enfants. En 15 ans, le taux d'enfants de moins de 18 ans vivant sous le seuil de pauvreté (1.015 euros) est passé de 16 à 20%, représentant 3 millions d'enfants en France. Pourtant, comme le souligne Xavier Timbeau, une modification du système de protection sociale prenant en compte ses nouvelles réalités pourrait réduire le nombre de familles monoparentales pauvres.
«Ces familles monoparentales sont souvent des couples qui n'ont pas vécu très longtemps ensemble avec au départ des femmes qui étaient inactives, qui se retrouvent avec des difficultés d'insertion sur le marché du travail, donc qui ont de faibles salaires pour des faibles qualifications et qui en plus n'ont pas trois enfants; donc elles n'ont pas accès aux allocations familiales.»
Et de poursuivre,
«Le système d'allocation familiale devrait être affecté et attribué non pas majoritairement quand vous avez deux enfants ou augmenter encore quand vous avez trois enfants, mais devrait être accordé au premier enfant.»
Une piste qui, pour l'heure, n'a pas encore été évoquée par le gouvernement.
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