Pour étudier en France, va-t-il falloir être 10 fois plus riche?

L'augmentation des prix de la scolarité universitaire différenciée pour les étudiants européens et non-européens crée une inégalité au cœur même de l'institution censée former les futurs cerveaux.
Sputnik

La décision, prise «dans le cadre de la stratégie d'accueil et d'attractivité et à compter de la rentrée 2019» par le Premier ministre, de multiplier par 10 ou 15 les droits d'inscription universitaires pour les étudiantes et étudiants hors Union européenne nouvellement inscrits dans un cycle les obligera à débourser annuellement 3.770 euros en master et en doctorat (contre 243 euros en master et 380 euros en doctorat actuellement).

Les étudiants étrangers paieront plus cher leur scolarité: «c’est une mesure injuste»
Si l'augmentation galopante du coût de la scolarité universitaire n'étonne plus, une si grande disparité dans les taux peut surprendre. On parle beaucoup dans le dossier présenté de mesures qui permettraient aux étudiants étrangers de s'intégrer en France: faciliter l'accès au logement ou simplifier les démarches administratives. Mais on ne se gêne pas pour instaurer d'emblée une inégalité entre étudiants européens et extra-européens.

«Les formations que nous dispensons sont orientées vers les échanges internationaux et ont donc vocation à accueillir des étudiants venant du monde entier, au bénéfice de tous», annoncent les signataires d'une tribune dans L'Obs.

«La France est le premier pays d'accueil non-anglophone», déclare Campus France. La France a accueilli en 2017 5.242 étudiants russes. Mais pas que. 1.829 Ukrainiens ont étés inscrits en même temps dans les universités françaises. Et si les mesures à l'encontre des Russes auraient pu être expliquées par une mode des sanctions à tout va, les étudiants ukrainiens qui bénéficient du régime sans visa, accordé par l'UE, trinquent pour de bon.

La Hongrie «force» l’université fondée par George Soros à quitter le pays
Et le fait de doubler le nombre de bourses (7.000 qui passeront à 15.000) ne va pas sauver la situation, puisqu'elles «concerneront prioritairement les étudiants en provenance du Maghreb et des pays d'Afrique». Même si le nombre de bourses d'échange du type Erasmus+ augmente, les Européens et les non-Européens ne seront pas traités de la même manière.

On oublie brusquement que d'Érasme à nos jours, l'histoire européenne a toujours été appréhendée au miroir des lieux, des acteurs et des dynamiques qui ont conduit à la construction d'une sociabilité intellectuelle et à une libre circulation des idées. On crée l'inégalité au cœur même de la naissance d'idées, dans les universités.

Le prix de la scolarité additionné au coût de la vie, risquent d'inverser les flux. La Russie, par exemple, avec une progression de 50% en cinq ans, s'impose ainsi parmi les principaux pays d'accueil et talonne désormais l'Allemagne et la France. Le nombre de programmes éducatifs, de stages et d'échanges d'expériences entre représentants des cercles éducatifs des deux pays ne cesse de croître. Et le coût de la vie en Russie est largement moins cher qu'en France.

Premiers fruits du Dialogue de Trianon: le co-président Morel tire un premier bilan
Le 17 janvier dernier, lors du forum Gaïdar à Moscou «La Russie et le monde: objectifs et valeurs», a été organisée une discussion entre experts sur le thème «Dialogue de Trianon: Coopération franco-russe en matière d'éducation». La stratégie du renforcement des positions des universités russes et françaises dans l'espace éducatif international a été analysée.

«L'université est le point où la société est confrontée à différents types de défis, non seulement éducatifs, mais également politiques et sociaux», avait à l'époque déclaré l'attaché de coopération universitaire de l'ambassade de France en Russie, Pascal Cauchy.

Le diplomate avait également soutenu l'idée que le partenariat entre les universités était en train de devenir une politique d'État. «La Russie et la France connaissent une période similaire de modernisation des systèmes éducatifs: l'internationalisation de l'enseignement supérieur», déclarait-on à l'époque. Mais qu'est-ce qui resterait de ces intentions quand la France va adopter la nouvelle grille de frais de scolarité universitaire: à deux poids, deux mesures?

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