«Les policiers ont utilisé des grenades lacrymogènes et les jets de projectiles continuant, ont tiré au LBD. Un lycéen de 17 ans a été touché à la tête.»
Voici comment une source proche de l'enquête a décrit à l'AFP les événements survenus le 11 décembre devant un lycée de Saint-Ouen. Dans le cadre des manifestations lycéennes qui touchent le pays, un adolescent de 17 ans a été légèrement blessé par un tir de lanceur de balles de défense (LBD). La même source explique qu'«un attroupement d'une centaine de lycéens a bloqué l'entrée du lycée Marcel-Cachin, où des poubelles ont été enflammées et des projectiles lancés sur les policiers et les passants».
Le nombre de blessés se multiplie depuis des semaines lors des manifestations, qu'il s'agisse du mouvement des Gilets jaunes ou des lycéens en colère. Pour l'«Acte III» des Gilets jaunes le samedi 1er décembre, 263 personnes avaient été blessées à travers le pays, dont 81 membres des forces de l'ordre. Une semaine plus tard, pour l'«Acte IV», on comptait 264 victimes, avec cette fois une baisse significative chez les forces de l'ordre, qui ne déploraient plus que 39 policiers et gendarmes blessés.
Alors qu'un «Acte V» est d'ores et déjà prévu malgré les annonces d'Emmanuel Macron en faveur du pouvoir d'achat, la gravité des blessures infligées à certains manifestants interpelle. L'utilisation de plus en plus grande de LBD est notamment mise en cause.
Plusieurs témoignages dénoncent des tirs tendus, c'est-à-dire à l'horizontale. Une pratique normalement interdite au vu de sa dangerosité. Le 9 décembre, un jeune homme a déposé plainte à Nîmes après avoir été blessé à la tête par un tir de lanceur de balles de défense sur les Champs-Élysées le 8 décembre, relate l'AFP. Thomas Belmonte, âgé de 20 ans, a déposé plainte contre X pour violences au commissariat de Nîmes, mais il pointe la responsabilité des forces de l'ordre et notamment des CRS.
«J'étais calme, absolument pas menaçant, en train de défiler lorsque j'ai reçu un tir de flashball en pleine tête», a-t-il affirmé.
Le sort de Fiorina a particulièrement ému sur le Web. La jeune fille de 20 ans se trouvait elle aussi sur les Champs-Élysées le 8 décembre avec son ami Maxime. Elle a été touchée par un tir des forces de l'ordre et a subi une grave blessure: Selon Maxime, elle a perdu son à œil gauche. Le militant de droite Damien Rieu a organisé une collecte d'argent via la plateforme Leetchi pour soutenir la jeune Gilet jaune. Le 11 décembre à 15 h 00, elle dépassait les 32.000 euros.
Les manifestations des lycéens en colère sont aussi le théâtre de graves incidents. Le 11 décembre, l'AFP confirmait une information du Progrès concernant le dépôt de plainte d'un lycéen lyonnais contre la police pour «violences volontaires». «J'ai déposé plainte auprès du procureur pour violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une mutilation et une infirmité permanente», a expliqué Me Maxence Pascal, l'avocat du lycéen.
Après les Gilets jaunes, les «gilets bleus»?
Alors, légitime défense ou dérapages? Difficile de répondre sans enquêtes officielles. Reste que selon Michel Thooris, secrétaire général du syndicat France Police —Policiers en colère, ce sont les autorités qui ont tout pouvoir afin d'autoriser ou d'interdire l'usage de certains types d'armes: «Ce sont les consignes de l'autorité administrative et donc du gouvernement. L'usage de certaines armes non létales dans le cadre du maintien de l'ordre est autorisé ou interdit par le préfet de police.» Il poursuit:
«Par le passé, sur certaines manifestations que l'on a pu avoir dans la capitale avant le mouvement des Gilets jaunes, le préfet de police n'a pas autorisé les forces de l'ordre à faire usage de flashballs, parfois même face à des Black blocs. Il y a effectivement une augmentation de la force qu'on utilise contre les manifestants ou les casseurs.»
Un discours qui fait écho à celui d'un CRS qui a témoigné sous couvert d'anonymat chez nos confrères de L'Humanité. «Quand on voit dans les comptes rendus opérationnels le nombre de lacrymos ou de flashballs utilisés, on est à des niveaux exceptionnels, alors qu'on a vécu des manifestations beaucoup plus dangereuses pour nous où on avait interdiction d'utiliser les lanceurs de balles de défense», a-t-il confié au quotidien de gauche. «Et ça, ce sont des décisions qui viennent du ministère de l'Intérieur», poursuit-il. Avant d'ajouter qu'«aucune consigne de mesure n'est donnée aux CRS, contrairement à d'autres manifestations où on nous met la pression. Là, il y a une volonté que les collègues se lâchent.»
Il pointe également l'état de fatigue extrême dans lequel se trouvent ses collègues et qui est susceptible d'affecter leur jugement: «Quand on doit se lever à 2 heures du matin pour rejoindre sa compagnie à 3 heures et être sur les Champs-Élysées de 7 heures du matin à 22 heures, c'est sûr qu'on est épuisé et qu'on n'a plus le même discernement ni le même self-control.»
«Nous, ce que nous leur disons, c'est de ne pas aller commettre l'irréparable sur la voie publique s'ils sont proches du burn-out et de se retirer. Au lieu de se rendre responsable d'une bavure, qu'ils appellent leurs médecins et qu'ils se mettent en arrêt», expliquait-il à Sputnik France.
La violence dont sont à l'origine certains éléments présents dans les manifestations touche également la police. Un jeune homme de 21 ans a été condamné le 10 décembre à deux ans de prison ferme et écroué. Il est accusé d'avoir agressé à coups de barre de fer un policier en civil en marge d'une manifestation des Gilets jaunes le 8 décembre à Bastia. La victime souffre d'une double fracture à la jambe.
Des images avaient également fait le tour du Web. On y voyait un policier percuté violemment par un individu circulant à moto en marge d'une manifestation de lycéens à Mulhouse le 7 décembre. L'AFP rapporte que le conducteur, mineur, a été mis en examen pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique. Le fonctionnaire de police, lui, va mieux. Il a pu sortir de l'hôpital.
«Nous aussi on va les enfiler, les gilets. Pas les gilets jaunes, mais les gilets bleus, si cela continue. Il faut faire attention, c'est un message que je veux faire passer aux plus hautes autorités de l'État. On est dans une crise politique. Ce n'est pas aux gendarmes et policiers de la dénouer, c'est au politique. Chacun son boulot. On n'en peut plus.»
C'est le lendemain qu'Emmanuel Macron annonçait plusieurs mesures en faveur du pouvoir d'achat. De quoi calmer la colère et apporter du repos aux manifestants comme aux forces de l'ordre? Rien n'est moins sûr. Sur les réseaux sociaux, plusieurs appels à manifester le 15 décembre ont été maintenus. Bientôt l'«Acte V»?