Zoom sur les capacités et l'expérience mondiale d'usage des lasers de combat.
Simple à l'extérieur, complexe à l'intérieur
«Nous savons bien que plusieurs pays travaillent à la conception d'une arme basée sur de nouveaux principes physiques. Il existe des raisons de croire que là aussi, nous avons une longueur d'avance. Nous avons obtenu des résultats significatifs dans la conception de l'arme laser. Ce n'est pas une simple théorie, un projet, ou même un simple début de production. Les forces reçoivent déjà des canons laser depuis l'an dernier. Je ne vais pas entrer dans les détails. Ce n'est pas encore le moment. Mais les spécialistes comprendront que la présence de telles armes décuple les capacités de la Russie pour garantir sa sécurité. Je voudrais également demander à ceux qui s'intéressent au matériel militaire de proposer un nom pour ce nouveau canon», avait déclaré Vladimir Poutine.
Les experts russes et étrangers ont commencé à exprimer des suppositions diverses et variées sur la nouvelle arme. Certains étaient très sceptiques. Quoi qu'il en soit, le Peresvet est entré en service début décembre 2018. L'infrastructure nécessaire a été mise en place sur les lieux de son déploiement, des bâtiments spéciaux ont été construits pour le matériel et le personnel. A titre de confirmation, le ministère russe de la Défense a publié une vidéo du déploiement du laser de combat.
De par son aspect, le Peresvet semble assez encombrant. A en juger par les images, il ne prévoit pas d'armes conventionnelles, de canons ou de vecteurs. Il fait penser à un conteneur sur roues avec une tourelle contenant un projecteur à l'avant. Cette dernière est guidée à distance et tourne à 360 degrés, ce qui permet d'utiliser le système contre les cibles aériennes et terrestres. Selon les experts militaires, les domaines d'utilisation de l'arme laser seront pratiquement illimités, de la défense antimissile et antisatellite à la mise hors service du matériel de surveillance ennemi et l'interception de cibles aériennes rapides.
Sans une goutte de sang
Les caractéristiques techniques du Peresvet ne sont pas disponibles. Cette information est classée secret défense. Cependant, la plupart des spécialistes sont d'avis que le laser de combat fera partie intégrante des systèmes de défense antiaérienne et antimissile.
«A l'aide du laser il est possible de combattre efficacement les attaques aériennes, les armes de haute précision ou les moyens de renseignement utilisés en tant qu'équipements électroniques optiques. Soumise à un puissant rayonnement, l'électronique se retrouve rapidement hors service. Le Peresvet aveuglera le matériel ennemi efficacement et pour longtemps. Par exemple, quand ils se dirigent vers leur cible, les missiles américains Tomahawk la recherchent visuellement à partir de l'image numérique du relief enregistrée dans l'ogive guidée. Sous l'action d'un système tel que Peresvet, la recherche d'objectif cesserait. Et quand les Tomahawk perdent leur cible, ils s'autodétruisent», déclare l'expert militaire Alexeï Leonkov.
D'après les experts, les lasers de combat sont particulièrement efficaces pour lutter contre les essaims de drones — ces «nuages» de petits drones destinés à percer le mur de défense dressé par la DCA, généralement utilisés comme leurres imitant des missiles ou des avions de combat. «La défense antiaérienne commence à tirer sur ces «nuages» en épuisant ses munitions, ce qui l'empêchera de riposter quand l'aviation réelle attaquera», explique l'expert.
Le Peresvet pourrait également affecter le fonctionnement de cibles plus grandes telles que des avions. En l'occurrence, il ne serait pas question de leur élimination physique mais simplement de désorienter les pilotes. On a déjà connu des cas quand des pointeurs lasers ordinaires avaient empêché des avions civils de se poser. Selon Alexeï Leonkov, si des lasers de faible puissance ont pu entraîner des conséquences aussi sérieuses, on s'imagine ce qui arriverait au pilote d'un avion de guerre visé par le rayon d'un Peresvet.
Il est évident que le nouveau canon sera bien complémentaire avec les systèmes existants de DCA et de guerre électronique avec lesquels il travaillera. La cohésion entre les systèmes de défense antiaérienne et de guerre électronique lors des attaques de drones contre la base aérienne russe de Hmeimim en Syrie avait déjà permis de minimiser les dégâts. En ajoutant des lasers à ce tandem, l'efficacité de la défense antiaérienne et antimissile pourrait être décuplée.
Les premiers modèles de lasers de combat restent toutefois considérablement restreints par certaines de leurs caractéristiques, en particulier leur sensibilité aux conditions environnementales. Ils ne sont efficaces que par temps dégagé, sans brouillard, sans précipitations ni tempête de sable. Et les technologies actuelles ne permettent de créer que des lasers de faible puissance — pour détruire des drones légers.
Une création du siècle dernier
Depuis les années 1970, l'URSS (puis la Russie) et les USA ont planché avec plus ou moins de succès sur la création de l'arme laser. La taille trop imposante des sources d'alimentation était le principal problème auquel étaient confrontés les ingénieurs. Car même pour neutraliser une cible de petite taille, le laser devait afficher une puissance de plusieurs dizaines de kW. A la fin des années 1970, l'Union soviétique a tout de même créé un canon laser A-60 installé sur l'avion de transport Il-76. Pendant les vols d'essai, plusieurs cibles ont été détruites — des aérostats stratosphériques et des avions de type La-17. Deux appareils de ce type ont été construits au début des années 1990, mais le projet a été rapidement clos. Les essais du laboratoire volant n'ont repris qu'en 2009.
En 2002, les États-Unis ont fait décoller le Boeing YAL-1 avec un laser chimique de bord. En cas de forte probabilité de déclenchement d'une guerre nucléaire, il était censé décoller pour patrouiller. Et, en cas de lancement de missiles intercontinentaux ennemis, de les éliminer sur la trajectoire de décollage. Mais le projet, jugé trop coûteux, a été abandonné. Le Pentagone a décidé de perfectionner le système ABM Aegis en le dotant de missiles Standard.
Il a été rapporté par la suite que l'armée de l'air américaine comptait étudier la possibilité d'installer des canons laser sur les ravitailleurs Boeing KC-135 Stratotanker à partir de 2018 afin d'intercepter des missiles sol-air et air-air. De plus, le Pentagone a signé un contrat pour l'élaboration d'une arme laser pour les chasseurs d'ici 2021. La puissance de cette arme devrait avoisiner 100-150 kW.