Le taux directeur grimpe
Depuis fin 2017, la Fed durcit sa politique monétaire en augmentant continuellement le taux directeur. La logique du régulateur est simple: la crise est passée depuis longtemps, l'économie américaine se redresse, c'est pourquoi il est temps de mettre un terme aux mesures de stimulation. Rien que cette année, la Fed a revu à la hausse son taux directeur à trois reprises.
Un tel rythme de hausse du coût de l'argent a mis de nombreuses compagnies dans une posture très difficile: il coûte de plus en plus cher d'emprunter, or il faut rembourser les crédits antérieurs. Donald Trump a déjà fermement critiqué la stratégie du régulateur en déclarant que la Fed était devenue «folle» et s'était transformée en menace principale pour l'économie américaine.
Des années de dépression
Les analystes de JP Morgan Chase ont calculé comment les changements de politique monétaire des USA pourraient influencer le cours du dollar. Selon leurs estimations, la baisse commencera d'ici la fin de l'année prochaine et la monnaie américaine ne pourra plus renverser la tendance descendante avant plusieurs années.
Selon le holding financier, cette trajectoire sera donnée par le refroidissement de l'économie américaine et une pause dans le cycle d'augmentation des taux par la Fed au second semestre.
«Nous devons nous attendre à une chute du dollar sur plusieurs années. Au second semestre 2019, si la Fed marquait effectivement une pause, que l'économie ralentissait et que le reste du monde se stabilisait, nous assisterions à une baisse de la monnaie américaine», analyse, pour l'agence Bloomberg, le stratège de JP Morgan Gabriel Santos.
Un déficit chronique
Le milliardaire Ray Dalio, l'un des principaux experts financiers américains et fondateur du fonds alternatif Bridgewater Associates, est également convaincu que la situation économique ne promet rien de bon au dollar. Toutefois, selon lui, on ne peut pas parler d'une baisse progressive sur plusieurs années: le dollar s'effondrera à cause de l'augmentation continue du «triple déficit» — le déficit du budget, de la balance commerciale, et du compte des opérations courantes.
Ray Dalio explique que le triple déficit des USA éloignera les acheteurs étrangers des obligations du Trésor, ce qui provoquera une hausse conséquente de leur rendement et un effondrement du cours du dollar de 30%.
«Le rôle du dollar diminuera, les détenteurs d'obligations américaines seront touchés. D'autres monnaies sortiront sur le devant de la scène. Comment? C'est un thème trop vaste», a-t-il répondu.
L'or au lieu du dollar?
Barry Eichengreen, professeur de l'université de Californie à Berkeley, estime lui aussi que les jours du dollar en tant que principale devise mondiale sont comptés.
«La puissance des technologies financières modernes détruit les "effets de réseau" qui avaient créé un monopole monétaire naturel, explique-t-il. Aujourd'hui, il est de plus en plus facile d'alterner entre les devises. C'est comparable à l'évolution des systèmes d'exploitation pour l'électronique».
Pas étonnant, donc, que la Russie préfère de plus en plus les lingots au dollar. Sa réserve d'or a déjà atteint un niveau record, et la part des obligations américaines dans les réserves de change de la Banque de Russie a été réduite pratiquement à zéro.
«Je suis convaincu qu'un redémarrage global aura lieu quand les gouvernements du monde auront besoin de se débarrasser de leurs dettes et qu'ils associeront tout au prix de l'or. C'est pourquoi les pays comme la Chine et la Russie accumulent l'or: elles savent ce qui pourrait se produire dans quelques années», a constaté Keith Neumeyer, président du conseil d'administration de First Mining Gold.