La peste tue les hommes plus rapidement que les rats et d'autres porteurs à cause de dysfonctionnements de l'une des versions du système d'autodestruction des cellules humaines. Les conclusions des chercheurs russes ont été publiées dans la revue PNAS.
«Les cellules humaines ne pouvant pas mourir continuent de servir de réservoir pour l'infection. Cela permet de comprendre pourquoi, au Moyen-Âge, la peste a été aussi fatale pour l'homme, alors que les rongeurs qui propageaient cette maladie survivaient», explique Alexandre Poltorak de l'Université d'État de Petrozavodsk.
Les secrets de la peste noire
Ces dernières années, les généticiens ont réussi à extraire des échantillons d'ADN des bactéries contenues dans les ossements de victimes de la peste pour prouver que toutes les épidémies avaient été provoquées par des souches différentes mais ressemblantes de la même bactérie — Yersinia pestis. Il s'est également avéré que la peste avait accompagné l'humanité pendant toute la période de sa colonisation de l'Europe et de l'Asie depuis dix mille ans, apparaissant et disparaissant périodiquement.
Ces découvertes ont poussé les spécialistes à se demander comment, exactement, la peste se propageait sur le Vieux Continent, si les rats étaient les seuls porteurs, ou encore quelle était la fréquence et les régions de sa réapparition. Par exemple, la question revient souvent de savoir comment les animaux pouvaient propager Yersinia pestis sur des distances aussi grandes si la peste était fatale en seulement quelques jours.
Quand le microbe pénètre dans l'organisme, il attaque les cellules du système immunitaire, y pénètre et secrète des protéines qui les empêchent de digérer les bactéries. Après cela, la peste se fixe sur les cellules et émet des toxines qui dissolvent les trombes et neutralisent d'autres éléments constitutifs de l'immunité.
Un mauvais service
En règle générale, l'organisme tente d'empêcher une telle évolution et pousse les cellules contaminées à s'autodétruire lors de l'apparition des moindres traces d'enveloppes du microbe. Pendant longtemps, les scientifiques pensaient que ce processus fonctionnait approximativement de la même manière chez les hommes, chez les rats et d'autres mammifères, mais l'équipe d'Alexandre Poltorak a découvert que ce n'était pas tout à fait le cas.
Lors des expériences sur des souris, les chercheurs ont découvert que la pénétration de toxines de la peste ou de Yersinia pseudotuberculosis dans les cellules immunitaires entraînait la destruction des molécules de la protéine TAK1, l'un des principaux inhibiteurs des systèmes d'autodestruction.
Mais il s'est avéré que ce n'était pas inhérent aux macrophages humains, les principaux nettoyeurs du système immunitaire. Lors de la contamination par Yersinia pestis, ils meurent selon le scénario classique d'autodestruction, quand la cellule se désintègre en plusieurs parties disparates qui sont ensuite digérées par d'autres corps immunitaires.
Selon Alexandre Poltorak et ses collègues, cela s'explique par les différences dans la structure des molécules GSDMD. La version humaine de cette protéine résiste très bien à l'action des toxines du bacille de la peste, ce qui, ironiquement, contribue à l'infection au lieu de l'empêcher en cachant sa présence et en l'aidant ainsi à tuer d'autres cellules humanitaires.
Ces différences, selon les chercheurs russes et étrangers, font la lumière sur le secret principal du succès de la peste noire et de sa propagation à une distance aussi grande, si ses porteurs étaient effectivement des rats et des puces.