Retour au Canada de djihadistes de Daech: «des bombes à retardement»

Parmi les 160 Canadiens partis un jour ou l'autre rejoindre Daech* en Irak et en Syrie et toujours en vie, 60 se trouvent encore sur place. Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu estime qu'ils représenteraient des «bombes à retardement» si le Canada les rapatriait. Sputnik s'est entretenu avec lui.
Sputnik

Rapatrier les djihadistes canadiens partis combattre avec Daech*, un «devoir moral» dont le Canada devait s'acquitter? C'est en tout cas l'avis d'Agnès Callamard, Rapporteur spécial de l'Onu sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, qui demandait au Canada de rapatrier les djihadistes canadiens partis combattre avec Daech*.

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Le Rapporteur spécial de l'Onu pense qu'il est peu probable qu'un tribunal international soit chargé de juger les anciens djihadistes de Daech*. Par contre, le Canada pourrait très bien s'en charger pour ses ressortissants, pense Mme Callamard. Avec sa Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre votée en 2000, le Canada disposerait de tous les outils nécessaires pour traduire en justice les ex-combattants de l'organisation terroriste.

Le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu ne partage pas du tout l'avis du Rapporteur spécial de l'Onu. Selon lui, les anciens djihadistes représenteraient des «bombes à retardement» s'ils étaient rapatriés sur le sol canadien. M. Boisvenu estime que le «niveau de dangerosité» des 60 ex-soldats canadiens restés en Irak et en Syrie est largement sous-estimé. Il craint aussi que le système judiciaire ne se montre pas assez sévère envers eux.

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«Sur les 60 djihadistes canadiens qui sont toujours en Irak ou en Syrie, la Gendarmerie royale du Canada nous dit qu'il y a environ 15 noms qui sont connus des autorités. On connaît leur profil, donc les crimes et les atrocités qu'ils ont commis avec l'État islamique. Sur les 60 au total, il y a une dizaine de djihadistes féminins, ce sont donc des jeunes filles, et plusieurs d'entre elles auraient eu des enfants là-bas, ce qui vous donne une idée de la problématique», a d'abord affirmé le sénateur lors d'une entrevue avec Sputnik.

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Reconnu pour ses interventions-chocs dans les médias canadiens, M. Boisvenu ne croit pas que les anciens djihadistes aient fait leur mea culpa. Dans l'ensemble, le sénateur conservateur croit que les crimes qu'ils ont commis sont trop graves pour mériter le droit de revenir dans un pays libre comme le Canada. Des crimes horribles qui vont du génocide aux viols, en passant par les exécutions sommaires.

Le sénateur critique aussi la politique du Premier ministre Justin Trudeau, trop clémente à ses yeux. D'un côté, le multiculturalisme de Trudeau l'empêcherait de se montrer ferme envers les djihadistes. Mais de l'autre, le Premier ministre se verrait obligé d'adopter un ton plus dur pour ne pas déplaire à un électorat plus «conservateur»:

«Le discours du Premier ministre Trudeau est assez ambivalent. Il y a 1 an et demi, il disait qu'on devrait rapatrier ces jeunes pour en faire des modèles pour notre jeunesse, pour qu'ils aillent dans les écoles pour inciter les jeunes à ne pas s'engager dans le terrorisme. C'est ce que j'appelle le discours rose. C'est le côté le plus romantique de Trudeau. D'un autre côté, à la Chambre des Communes, le Premier ministre essaie de se montre plus ferme», a aussi mentionné le sénateur en entrevue avec Sputnik.

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Pierre-Hugues Boisvenu a beaucoup moins confiance dans le système judiciaire canadien que Justin Trudeau et le Rapporteur spécial de l'Onu. Loin d'être efficace, le système judiciaire canadien fonctionnerait tellement lentement que les ex-djihadistes pourraient être remis en liberté avant de passer en procès. Une remise en liberté qui permettrait à des éléments radicaux de réintégrer des cellules terroristes.

«Quand on connaît la lenteur du système judiciaire au Québec et en Ontario en particulier, il y a des grandes chances que ces jeunes-là soient remis en liberté avant qu'ils puissent subir leur procès. Ils pourront alors reformer des réseaux sans que les autorités connaissent encore ce qu'on pourrait appeler leur degré de désintoxication. Ils représentent des bombes à retardement. Si on rapatrie ces gens-là, on s'achète des troubles.»

Le sénateur conservateur croit même que des ex-djihadistes pourraient poursuivre le gouvernement fédéral une fois revenus au Canada. Il donne l'exemple d'Omar Khadr, cet ex-soldat des talibans à qui le gouvernement canadien a fini par verser 10 millions de dollars (CAD) (6,6 millions d'euros).

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Considéré par certains comme un enfant-soldat, le gouvernement Trudeau a offert ses excuses à Khadr et l'a dédommagé pour ses 10 années passées à la prison américaine de Guantanamo. Formé par Al-Qaïda* durant son adolescence, il avait été fait prisonnier par l'armée américaine durant un sanglant combat en Afghanistan. Omar Khadr avait 15 ans à cette époque.

«C'est évident que ces jeunes-là peuvent se servir actuellement de la Charte des droits et libertés du Canada, car ils sont toujours des Canadiens. […] C'est clair qu'on risque de se retrouver avec d'autres cas du genre Omar Khadr. Les anciens djihadistes vont poursuivre le gouvernement canadien, sous prétexte qu'ils ont été maltraités et que leurs droits n'ont pas été reconnus», a soutenu M. Boisvenu.

Enfin, le sénateur conservateur met en garde contre le danger que représente «l'islamisation» de certaines prisons canadiennes. De plus en plus de Canadiens «de souche» se convertiraient à l'islam dans les prisons fédérales, souvent à l'une de ses versions radicales. Si les ex-djihadistes de Daech* étaient emprisonnés au Canada, ils pourraient agir comme agents de radicalisation en milieu carcéral. Un autre scénario qui a de quoi inquiéter.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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