«On voit bien aujourd'hui que l'on a une dérive totale d'une manifestation, qui pour l'essentiel était bon enfant samedi. On voit qu'on a une radicalisation avec des revendications qui ne sont plus cohérentes, qui vont dans tous les sens.»
Christophe Castaner hausse le ton. Le ministre de l'Intérieur s'exprimait sur l'antenne de France 2, le 20 novembre. «Il y aura aujourd'hui des contrôles d'identité et des verbalisations», a-t-il prévenu. Déjà, le 19 novembre, les CRS avaient délogé les Gilets jaunes qui bloquaient le pont d'Aquitaine en Gironde lors d'une intervention musclée. Non loin de là, à Virsac, des manifestants ont mis le feu aux automates d'un péage.
Ce 20 novembre, plusieurs dépôts de carburants sont bloqués à travers le pays et des blocages ont encore lieu dans de nombreuses régions.
Moins nombreux, les Gilets jaunes encore en action semblent plus déterminés que jamais. Même si certains s'interrogent à la suite à donner au mouvement. Marie, porte-parole des contestataires dans la Loire, a publié une vidéo le 19 novembre sur Facebook pour appeler à changer de stratégie:
«Les gens en ont ras le bol des Gilets jaunes. Avec nos opérations escargot et nos blocages, on est en train de se mettre tout le monde à dos.»
Elle appelle à lever les barrages, arguant qu'il y a eu «trop d'accidents et de victimes». Désormais, elle souhaite «viser le gouvernement en menant des actions ciblées sur des administrations, des centres des impôts, des raffineries».
Depuis le 17 novembre, le mouvement des Gilets jaunes a fait un mort et 528 blessés, dont 17 graves. Plusieurs automobilistes mécontents d'être bloqués ont forcé des barrages, avec parfois des conséquences désastreuses. De nombreuses altercations, parfois violentes, ont eu lieu entre protestataires et automobilistes.
Le 14 novembre, un sondage Elabe pour BFMTV soulignait que 73% des Français soutenaient le mouvement. Afin de ne pas saboter une telle popularité, certains Gilets jaunes souhaitent mieux cibler leurs actions. C'est le cas de Marine, organisatrice de la manifestation à Brive-la-Gaillarde. Elle s'est exprimée auprès de Sputnik France:
«Mon souci, actuellement, c'est les barrages. Notre but n'est pas de bloquer les automobilistes. Nous ne sommes pas là pour contrarier les usagers, mais pour pénaliser l'État. Les actions de blocages de ronds-points ou de routes ne sont pas notre but. Il faut taper plus fort. Cette semaine, nous devons bloquer les raffineries, les préfectures, les mairies.»
Plusieurs raffineries et dépôts de carburant qui étaient investis par les Gilets jaunes ont été débloqués par les CRS ce 20 novembre, comme à Cournon-D'Auvergne, Fos-sur-Mer ou Grandpuits. Caroline*, une Gilet jaune résidant dans l'Est a confié à Sputnik son désir de passer à la vitesse supérieure:
«Pour ce qui est de bloquer des raffineries et des préfectures, je suis d'accord. C'est la prochaine étape.»
Si la majorité des Gilets jaunes ne souhaite pas user de violence, certains membres se montrent très menaçants. Un protestataire opérant en Mayenne a été placé en garde à vue le 19 octobre pour menaces de mort contre un préfet. Comme le relatent nos confères deFrance Bleu, il a diffusé une vidéo sur Facebook ou il appelle à la violence contre le haut fonctionnaire:
«Nous, on va donner des ordres au peuple d'aller chercher les pu… de Préfet, on va les crucifier, comme ça. Et ce sera un message direct à monsieur Macron […] Ces préfets-là, ils ont des femmes et des enfants. On aimerait bien qu'ils ne se reproduisent pas ces espèces-là.»
Maintenant, beaucoup se tournent vers la capitale. Le chauffeur routier Éric Drouet, qui est à l'origine du mouvement, a donné rendez-vous aux Gilets jaunes à Paris le 24 novembre. Sa page Facebook «Acte 2 Toute la France à Paris!!!!» a déjà réuni plus de 28.000 participants et 192.000 intéressés le 20 novembre. Il a lancé un appel à la mobilisation:
«Il faut mettre un coup de grâce et tous monter sur Paris par tous les moyens possibles (covoiturage, train, bus, etc.) Paris, parce que c'est ici que se trouve le gouvernement!!!! Nous attendons tout le monde: camion, bus, taxi, VTC, agriculteurs, etc….. Tout le monde!»
Si Marine hésite encore à se rendre à Paris, du côté de Caroline, la décision est prise:
«Je ne souhaite plus agir au niveau local. Le mouvement de samedi était un avertissement. Maintenant, il est temps pour nous, Gilets jaunes, de "frapper" plus fort. Samedi 24 novembre, mon mari et moi serons à Paris.»
* Le prénom a été changé