«Ce qui est important c'est que cette guerre cesse. Il est temps, il est plus que temps que cette guerre cesse.»
Cette déclaration n'est pas celle d'un opposant à Riyad, d'un responsable d'une ONG ou d'un activiste pacifiste. Ces propos ont été tenus par Florence Parly, ministre de la Défense de la France, ce 30 octobre 2018 au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC.
«Nous faisons pression sans cesse aux côtés des Nations unies pour qu'une solution politique soit trouvée. Parce qu'en effet, cette situation militaire est sans issue. Il faut donc que cette guerre s'arrête.»
Mais force est de constater que le ton de la ministre sur la guerre au Yémen a changé ce 30 octobre 2018. Auparavant, les responsables politiques se bornaient à tenir un discours convenu, demandant à tous les acteurs impliqués de respecter les droits de l'Homme, de favoriser les accès humanitaires, sans incriminer spécifiquement Riyad et en profitant même pour dénoncer le rôle de Téhéran, parrain désigné des rebelles Houthis. Mais cette fois-ci, Paris vise directement le rôle de la coalition dans la tragédie yéménite. Cette coalition- soutien du gouvernement légal, mais contesté- est composée de neuf pays: Émirats arabes unis, Bahreïn, Jordanie, Qatar, Maroc, Égypte, Koweït, Soudan, sous l'égide de l'Arabie saoudite.
En effet, en lien direct avec l'affaire Khashoggi, Angela Merkel a annoncé le 22 octobre dernier le gel des exportations de tout équipement militaire à destination de l'Arabie saoudite. Mais Florence Parly, qui par le passé, a été plusieurs fois mise dans l'embarras par la presse sur cette question, a tenté de justifier très simplement le choix du gouvernement en refusant de faire de lien entre Khashoggi et l'exportation d'armes.
«L'Allemagne a fait cette déclaration à la suite d'un horrible meurtre qui a été commis, celui de Khashoggi. Il n'y a pas de lien avec ces différents faits.»
Si l'Allemagne est le 5e exportateur d'armements à l'Arabie saoudite, la France occupe la 3e place du podium. En 2017, Paris avait livré à Riyad pour près de 1,3 milliard d'euros d'équipements militaires.
«Ils dépensent 110 milliards de dollars en matériel militaire et dans des choses qui créent de l'emploi pour ce pays. Je n'aime pas vraiment l'idée qui consiste à mettre fin à un investissement de 110 milliards de dollars aux États-Unis, parce que, vous savez ce qu'ils vont faire? Ils vont prendre cet argent et le dépenser en Russie ou en Chine ou ailleurs.»
Mais si les ventes d'armes continuent, cette pression ne serait-elle qu'un artifice? C'est très possible, la vente d'armes à l'Arabie saoudite, principal belligérant, ne pouvant que l'encourager à poursuivre la guerre au Yémen.
Ajoutons tout de même que Paris n'est pas le seul grand allié de Riyad à changer de ton. En effet, Mike Pompeo, Secrétaire d'État des États-Unis, a demandé ce 30 octobre l'arrêt immédiat de tout bombardement de la coalition… sur les zones civiles. Son homologue à la Défense, James Mattis a intensifié la pression sur Riyad en appelant les acteurs à se réunir pour des négociations de paix sous 30 jours.
Mais si l'affaire Khashoggi a assurément contribué à cette nouvelle posture franco-américaine, c'est aussi probablement pour éviter une nouvelle catastrophe. En effet, selon l'AFP, «la coalition anti-rebelles» acheminerait plus de 10.000 hommes vers Hodeïda. Cette ville portuaire —contrôlée par les Houthis, reçoit environ 80% de l'aide humanitaire pour 14 millions de personnes et a déjà été le théâtre de lourds affrontements en juin 2018:
Florence Parly: «Ce qui est important c'est que cette guerre cesse. Il est temps, il est plus que temps que cette guerre cesse. Et il est important aussi, c'est même la priorité de la France, que la situation humanitaire s'améliore et que l'aide humanitaire puisse passer.»