Tel-Aviv a fait comprendre à plusieurs reprises qu'il considérait ces armes comme les cibles principales de ses frappes éventuelles en Syrie. Que peuvent faire les commandants syriens et les instructeurs russes pour que les S-300 soient en mesure de résister à n'importe quel agresseur?
«Cette région abrite un centre de recherche qui a subi des frappes de l'aviation israélienne et occidentale», précise Directorate 4.
Autrement dit, les craintes d'Israël sont devenues réalité: les S-300 sont désormais en service en Syrie. Les avions israéliens ne peuvent donc plus attaquer impunément le territoire de ce pays. Dans le même temps, les systèmes de missiles russes pourraient eux-mêmes faire l'objet d'une attaque, et pas seulement israélienne.
Israël a fait allusion à sa volonté de détruire les S-300 immédiatement après leur «désemballage». Probablement par des frappes aériennes. Certains médias occidentaux ont cité les propos de militaires israéliens — notamment de l'ancien commandant de l'armée nationale Amos Yadlin — soulignant leur volonté de «détruire complètement» ces armes. Avigdor Liberman, ministre des Affaires étrangères du pays, a lui aussi exprimé son mécontentement vis-à-vis des livraisons de S-300, mais sur un ton plus souple et sans aucune menace ouverte.
Mais quelles sont les raisons des craintes des Israéliens concernant les S-300? Ils ne semblaient pas vraiment inquiets des systèmes de missiles de production soviétique — les S-200VE, les S-125 Petchera, le Bouk-M2E, le S-75 Volga, le Kvadrat et l'Oka-AK — dont disposaient déjà les forces syriennes de défense antiaérienne. Les militaires israéliens sont au courant du potentiel des S-200, savent comment on peut combattre ce système et éviter ses missiles. Les modifications modernes des S-300 compliquent pourtant considérablement cette tâche.
Selon le général Alexandre Gorkov, président de la commission militaire et technique de l'entreprise Almaz-Anteï et ancien commandant des forces antiaériennes de l'armée de l'air russe, le S-300 est une arme unique capable de riposter à un raid massif de l'aviation de l'ennemi.
Le S-300 est considéré comme l'un des meilleurs systèmes de missiles de sa classe dans le monde. Toutes les autres modifications suivantes, y compris le S-400 Triumph, déjà en service dans l'armée russe, ou le futur S-500 Prometei, ne font que poursuivre le développement de cette famille affichant des paramètres plus importants de détection et d'élimination des cibles aériennes. Ce n'est pas par hasard que les S-300 ont été exportés dans 15 pays.
Ce nombre est tout à fait suffisant pour protéger les sites cruciaux tels que les bases militaires, les aérodromes et les dépôts de munitions en Syrie.
Mais comment faut-il utiliser ces systèmes de missiles pour assurer la protection des sites vitaux syriens contre tous les avions de l'adversaire? Et qu'en est-il de la sécurité des S-300-mêmes? Comment peut-on rendre leur destruction la plus pénible et la plus coûteuse possible pour l'ennemi éventuel?
«Il nous faut baser le fonctionnement des systèmes de missiles en Syrie sur l'exemple de la défense antiaérienne russe. Il doit être échelonné, automatisé et efficace. La défense antiaérienne comprend non seulement les systèmes de missiles, mais aussi des unités de chasseurs et des équipements de guerre électronique. Tout cela doit être dirigé par un commandement unifié», estime le général de réserve Aïtetch Bijev, vice-commandant de l'armée de l'air de 2003 à 2007.
«En général, ce système est conçu de la manière suivante: les unités radiotechniques s'occupent du renseignement et transmettent les informations au poste de commandement unifié pour que le chef soit en mesure d'analyser la situation générale sur tout le territoire. En cas d'apparition d'un aéronef dans ce champ, le commandant ordonne immédiatement aux systèmes de missiles d'éliminer la cible», explique-t-il.
Qui plus est, les systèmes de missiles ne devront évidemment pas rester stationnaires en cas de frappes israéliennes éventuelles: il faudra préparer des positions de réserve. De plus, il sera nécessaire de créer de fausses positions de déploiement de ces armes pour jouer le rôle de leurres. «De règle, il faut créer au moins trois positions de réserve pour chaque division de missiles. Il faut aussi de faux sites de déploiement où l'on installe des équipements qui émettent les mêmes ondes que la division pour confondre l'ennemi et le forcer à frapper contre des leurres. Ces cibles doivent être visuellement identiques», indique Aïtetch Bijev.
La coordination et l'interaction électronique du système sont extrêmement importantes.
«Il faut créer un champ d'information commun, un centre de commandement unifié, une distribution de cibles universelle, pour que chacun connaisse parfaitement son objectif. Il est également nécessaire d'établir une bonne couverture radar pour que rien ne passe inaperçu. Enfin, les équipements de brouillage doivent être toujours branchés pour empêcher un bombardement ciblé, et perturber le fonctionnement du guidage des missiles et des systèmes de navigation inertiels», précise-t-il.
«Qui plus est, il faudrait réunir la défense antiaérienne russe et syrienne au sein d'un nœud d'information unifié, organiser des entraînements, simuler des situations de crise, assurer un travail concerté des unités russes et syriennes qui devraient avoir un centre de coordination unifié. Enfin, les S-300 doivent être protégés par les Bouk et les Pantsir», affirme Aïtetch Bijev.
Le placement géographique des systèmes de missiles et des radars est également important.
«Il faut choisir les positions de manière à ce que les angles de fermeture soient proches de 0 pour ne pas perturber les radars et permettre à l'adversaire de s'approcher sans être détecté. Il existe dans ce domaine toute une méthodologie, qui fixe notamment la distance entre les systèmes de missiles pour assurer leur coordination efficace en matière de dépistage radar, pour que leurs équipements se couvrent et pour qu'il n'y ait aucun trou dans le champ des radars. Tout cela est calculé mathématiquement», estime le général.
Qui plus est, il semble que le fonctionnement de la défense antiaérienne syrienne devrait être assuré (au moins à l'étape initiale) par les militaires et les instructeurs russes, très expérimentés dans le maniement de ces armes.
24 systèmes de missiles sont suffisants pour créer, sinon une forteresse invincible, du moins une barrière très fiable. Pour surmonter et détruire cette dernière, il faudra utiliser des forces et des moyens considérables: des dizaines voire des centaines d'avions de frappe. L'indice d'efficacité de ces missiles atteint 0,9 — soit la probabilité de la destruction de la cible.
L'aviation israélienne n'a plus connu de telles pertes depuis des décennies. C'est pourquoi elle n'a plus violé les frontières syriennes après la catastrophe du Il-20 et l'annonce des livraisons des S-300. Autrement dit, les armes russes font déjà leur travail en Syrie.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.