Des caravanes de Honduriens «à l’assaut» des États-Unis

On en parle assez peu et pourtant, c’est bien une crise migratoire qui inquiète outre-Atlantique. Après le Venezuela, c’est désormais le Honduras qui est à l’origine d’un exode massif. Des «caravanes» de migrants tentent de rejoindre les États-Unis en marchant. Sputnik s’est intéressé à ce phénomène qualifié «d’assaut» par Donald Trump.
Sputnik

Si l'Europe doit faire face ces dernières années à une crise migratoire majeure, c'est aussi le cas en Amérique. Après l'exode massif de vénézuéliens, un second phénomène agite actuellement le nord du continent et plus précisément les États-Unis et le Mexique: des «caravanes» de migrants partis du Honduras pour rejoindre le sol américain.

1 / 4
Miles de personas migrantes en el puente internacional entre Guatemala y México intentan cruzar para pedir el asilo mexicano
2 / 4
Un migrante hondureño entra a México por la falta de respuestas sobre el puente internacional limítrofe con Guatemala
3 / 4
Miles de personas salen del puente internacional entre Guatemala y México al no tener respuesta del Gobierno mexicano para darles paso
4 / 4
Una persona salta del puente internacional entre México y Guatemala a falta de respuestas del Gobierno mexicano para abrirle el paso a la Caravana de Hondureños

Depuis 2013, entre 1,6 et 4 millions de vénézuéliens auraient émigré pour fuir une situation économique chaotique, une inflation de 2.616% sur l'année 2017 et une débâcle des institutions de l'État, provoquant un des plus importants mouvements de population dans l'Histoire du continent.

Pour autant, d'autres foyers de crise se sont embrasés ces derniers temps, bien qu'ils aient été masqués par l'ampleur de l'exode vénézuélien. C'est le cas du Honduras, dont les populations ne migrent pas vers la Colombie ou le Brésil, mais vers les États-Unis.

Ce sont ces migrants venus du Honduras qui forment, selon l'Onu, la majorité des près de 7.000 personnes qui forment la «caravane» qui se dirige vers la frontière américaine à pied et qui a provoqué l'ire de Donald Trump.

«C'est un assaut contre notre pays, un assaut», s'est emporté le Président des États-Unis lors d'un meeting à Houston, au Texas.

Les États-Unis, inquiets, avaient dès le 11 octobre organisé une réunion entre Mike Pompeo, le Secrétaire d'État américain, et des représentants du Honduras, du Guatemala, du Salvador et du Mexique, au cours de laquelle Washington avait souligné la nécessité de contenir le phénomène migratoire.

Mais les résultats ne semblent pas au rendez-vous, ce qui n'a pas manqué d'irriter le locataire de la Maison blanche. Dans un tweet du 22 octobre dernier, le Président américain a annoncé mettre un terme aux aides accordées aux pays du «triangle d'or» (Guatemala, Honduras, Salvador).

​Le Guatemala, le Honduras et le Salvador n'ont pas été capables de faire leur travail et d'empêcher les populations de quitter leur pays et de venir illégalement aux États-Unis. Nous allons maintenant couper ou du moins réduire drastiquement les aides que nous leur accordons.

Une stratégie qui pourrait s'avérer être contre-productive. Sputnik s'est intéressé de près au phénomène migratoire hondurien et a interrogé Rodolfo Pastor, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2017 et porte-parole de l'Alliance de l'opposition contre la dictature au Honduras. Il en ressort que la fin des aides de Washington pourrait aggraver les raisons de l'émigration.

A en croire Rodolfo Pastor, il y a trois causes majeures à l'exode des Honduriens vers les États-Unis: le manque d'opportunités — qui se traduit par une précarité économique —, l'inefficacité de l'État et les ingérences américaines dans la politique de ce petit pays d'Amérique centrale.

«Les Honduriens sont un des peuples qui souffre le plus en Amérique centrale. Comment ne serait-ce pas compréhensible qu'ils émigrent à la recherche d'opportunités qu'ils n'ont pas dans leur pays?»

Le candidat de l'opposition à la présidentielle de 2017 dénonce «des problèmes endémiques de pauvreté et d'inégalités» et un «mal-être généralisé au sein de la population», dont plus de 40% vit sous le seuil de pauvreté, avant d'ajouter:

«Ce sont des gens qui voient comment une classe privilégiée vit de leur misère et c'est quelque chose qu'ils refusent. De l'opposition politique jusqu'à la population en général, on chante […] contre un système qui les a maltraité.»

Ce système que dénonce Rodolfo Pastor, c'est celui dont bénéficie le Président Juan Orlando Hernandez, JOH comme l'appellent les Honduriens. C'est ce système qui est, de l'avis de Rodolfo Pastor, à l'origine de «la décomposition du système politique» et de «l'instauration d'un régime autoritaire […] presque dictatorial».

«La migration en provenance du Honduras s'est accélérée parallèlement à la détérioration institutionnelle et économique du pays. On observe une augmentation du niveau de violence sociale, du nombre de violations des Droits de l'Homme, d'assassinats de journalistes et d'activistes. On peut voir une chronologie de la détérioration», analyse Pastor.

Trump menace le Honduras de lui couper les vivres s’il ne stoppe pas ses 2.000 migrants
Quant aux ingérences des États-Unis, il explique en avoir été témoin à plusieurs reprises et donne des exemples pour démontrer que cela a un impact sur le mécontentement de la population et sur le phénomène migratoire.

En poste à l'ambassade du Honduras à Washington lors du coup d'Etat de 2009, il explique être devenu ambassadeur de facto puisque son prédécesseur «s'était prononcé en faveur du coup». Plus récemment, il dénonce la décision des États-Unis de reconnaître la victoire de Juan Orlando Hernandez alors que l'Organisation des États américains (OEA) faisait état «d'irrégularités, d'erreurs et de problèmes systémiques» lors des élections et déclarait ne pas pouvoir «avoir de certitudes quant aux résultats».

«Il y a eu un spectacle médiatique où la responsable du commerce de l'ambassade américaine au Honduras, Heide Fulton, s'est affichée en compagnie du président du Tribunal supérieur électoral, David Matamoros, pour dire publiquement que le processus avait été juste, que les résultats étaient corrects et que [les États-Unis, ndlr] soutenaient la réélection de Juan Orlando Hernandez», assure Rodolfo Pastor.

Si l'émigration hondurienne a certes augmenté ces dernières années, ce n'est pas un phénomène récent et le fait de se déplacer en «caravanes» ne l'est pas non plus. Les grands groupes protègent leurs membres du crime organisé et de la violence sur la route.

Mais s'ils sont, en «caravanes», moins vulnérables face à la violence, ils posent un réel défi au Mexique, qui se trouve sur la route menant aux États-Unis et qui hésite sur la politique à adopter vis-à-vis de ces groupes. C'est en tout cas le constat qu'ont pu faire nos collègues de Sputnik Mundo sur place.

Trump met en état d’alerte des militaires pour faire face à la caravane de migrants
La première interrogation du gouvernement mexicain a été la réaction des forces frontalières au Sud du pays, selon Irineo Mujica, directeur de l'ONG Populations sans frontières, qui a organisé la traversée du Mexique pour plusieurs «caravanes» précédentes.

Il affirme qu'alors qu'un accord pour permettre à la précédente «caravane» de traverser le pays avait pu être trouvé en octroyant un visa humanitaire d'un an à ses membres, cette fois-ci, Mexico n'est pas disposé à offrir une solution autre qu'une demande d'asile au Mexique et dénonce des pressions de Washington:

«J'ai été arrêté pour essayer de calmer un peu la situation. Il y a eu pas mal de pression des États-Unis. Ils ne veulent pas que je rejoigne cette caravane», déclare Irineo Mujica.

Près de 4.000 migrants font route vers les USA, Trump menace
Les autorités mexicaines doivent également faire face à un autre problème, celui des conditions de voyage au sein de ces «caravanes» et l'état de santé des migrants ayant marché depuis le Honduras, estime Carlos Betanzos, coordinateur des brigades médicales de l'église de Nazareno, au Mexique.

Le bénévole explique qu'il est très sollicité par ces «caravanes», principalement pour des cas de déshydratation, de malnutrition et de manque de médicaments contre des maladies chroniques (hypertension et diabète par exemple) et que, selon lui, «beaucoup de gens se mettent en danger».

«J'ai peur qu'au fil des jour, quand ils arriveront à la frontière après avoir parcouru 3.000km, sans argent, sans nourriture et sans médicaments, dans des villes extrêmement dangereuses, ils deviennent de la chair à canon», observe Carlos Betanzos.

La caravane poursuit sa route vers la frontière américaine, mais au vu des déclarations de Donald Trump, rien ne dit qu'elle y parvienne.

Discuter