La France renvoie ses migrants en cachette, Salvini dénonce des «reconductions abusives»

Paris pris la main dans le sac. Le 12 octobre, les forces de l’ordre italiennes ont filmé un fourgon de la gendarmerie française déposer deux migrants au bord d’une route, en Italie. Informé, Matteo Salvini a rapidement dénoncé l’attitude «à vomir» de la France. Pour en savoir plus, Sputnik a interrogé Mario Borghezio, député européen.
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Il fallait oser, la France l'a fait. Le 12 octobre, un fourgon de la gendarmerie française a été filmé par la Division des enquêtes générales et des opérations spéciales des forces de l'ordre italiennes en train de déposer deux migrants près de Claviere, à la lisière d'une forêt à plus d'un kilomètre de la frontière.

«Reconduire des migrants sur le territoire [italien, ndlr] avec des moyens et des armes, les déposer à la lisière d'un bois au lieu de les remettre aux forces publiques italiennes, c'est quelque chose de totalement nouveau», s'est indigné Mario Borghezio, député européen de la Ligue dans une interview à Sputnik.

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Si l'affaire ne fait pas beaucoup de bruit dans l'Hexagone, elle est considérée comme un véritable scandale en Italie. Le 15 octobre, le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, s'est emporté contre le gouvernement français.

«Si quelqu'un pense réellement nous utiliser comme un camp de réfugié pour l'Europe, enfreignant de ce fait les lois, les frontières et les accords, il se trompe lourdement. Nous exigeons des explications, en particulier venant de ceux qui nous sermonnent tous les jours.»

Selon le député européen, la France dépasse largement le cadre des accords de Dublin sur la répartition des migrants en Europe en reconduisant les migrants sur le sol italien sans avertir les autorités transalpines.

«Je pense que l'État français a violé le droit international et en particulier la souveraineté de l'État italien. Ce n'est pas normal que des forces de l'ordre françaises entrent sans permission, armées, sur le territoire italien. La France exfiltre les immigrés sans respecter les règles prévues par les accords internationaux», dénonce Mario Borghezio.

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Alors qu'à Rome on parle de violation de la souveraineté italienne, les autorités françaises assurent qu'il s'agit d'une erreur. La préfecture des Hautes-Alpes a déclaré avoir «prévenu les italiens» même si elle reconnaît que le véhicule de la gendarmerie n'aurait pas dû «traverser la frontière sans autorisation». Mario Borghezio assure quant à lui que les autorités italiennes n'ont jamais été prévenues de la reconduction «totalement abusive» du 12 octobre:

«On doit avoir une consigne directe et l'autorité française doit recevoir une autorisation des autorités italiennes, que ce soit le préfet, la police ou les carabinieri italiens. Ce n'est pas le cas. Il est évident que les autorités italiennes n'auraient pas autorisé la reconduction de migrants dans les bois, dans les montagnes de Claviere. Dans cette manière de se libérer de leur présence, il y a une irrégularité de fond.»

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Cette affaire aurait pu être enterrée, mais ça aurait été sans compter sur le vice-président du conseil des ministres qui se positionne comme l'anti-Macron sur la scène européenne. Matteo Salvini a en effet profité de l'aubaine pour tirer à boulet rouge sur le Président français, sans toutefois le nommer:

«Ce qui est arrivé à Claviere est une offense sans précédent à notre pays, et je me demande si les organisations internationales — de l'Onu à l'Europe — ne trouvent pas "à vomir" de laisser des gens dans une zone isolée sans assistance», a déclaré le ministre italien de l'Intérieur le 15 octobre.

Suite à ces déclarations, l'Élysée a publié un communiqué dans lequel il mentionne des propos «individuels», «qui ne représentent pas la position de Rome». Mais, de l'avis de Mario Borghezio, la position du ministre italien de l'Intérieur «ne peut pas être ignorée par le gouvernement de coalition».

«Matteo Salvini parle en tant que secrétaire d'un parti de la majorité. Il n'est pas ministre des Affaires étrangères, il est donc contraint de parler à titre personnel en tant que chef de parti mais je pense que le gouvernement italien ne pourra pas ignorer l'affaire. La position de Matteo Salvini est légitime», observe le député européen de la Ligue.

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Interrogé sur la raison de la virulence des attaques contre la France à la suite de cette reconduction abusive, le député européen estime que les propos de Matteo Salvini doivent être interprétés à travers la rivalité politique entre Emmanuel Macron et le ministre italien de l'Intérieur autant que par la gravité des faits reprochés à la France.

«Il est évident qu'il y a une polémique politique depuis longtemps entre Salvini et Emmanuel Macron. Mais il y a aussi une situation objective délicate. C'est une question qui mobilise les rapports diplomatiques. Il faut vérifier que les autorités françaises ne continuent cette politique et agissent contrairement aux accords internationaux», conclut Mario Borghezio.

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