Les vastes fouilles de ces dernières années, les datations isotopiques et les analyses ADN ont permis aux chercheurs de découvrir pratiquement tous les secrets de Stonehenge. Qui l'a construit? Et pourquoi?
Un henge typique
La construction de Stonehenge a commencé à la fin de l'Âge de pierre, il y a environ 5.000 ans, à l'initiative des tribus autochtones qui vivaient à cet endroit pendant le Néolithique. Dans la plaine de Salisbury (la ville éponyme se trouve à 13 km du monument) elles ont érigé une plateforme ronde limitée par la falaise et un rempart, où les archéologues ont découvert des os de bœuf, de cerf et des ossements humains incinérés.
Les archéologues désignent de tels édifices par le terme henge. Ils sont assez nombreux au Royaume-Uni. Ces monuments étaient complétés par des pierres et des poteaux de bois.
La pierre, symbole du pouvoir
Quelques centaines d'années plus tard, les plans ont changé: il a été décidé de construire un grand monument de pierre à partir du henge de Salisbury. A cet effet ont été érigés cinq trilithes, une structure composée de deux pierres verticales et d'une troisième placée horizontalement au-dessus des deux premières, et un autel de grès rouge en plantant en cercle plusieurs dizaines de mégalithes verticaux. C'est ainsi que Stonehenge — henge de pierre — a fait son apparition.
Deux roches ont été utilisées pour sa construction: le grès siliceux connu dans cette région comme sarsen et la «pierre bleue», qui est une roche volcanique (diorites, rhyolites, tufs).
Comment presque deux cents immenses pierres (85 sarsens et 80 pierres bleues) de 50 tonnes chacune ont été transportées jusqu'à Stonehenge sans aucun matériel? Selon l'une des hypothèses, les pierres de Galles n'auraient pas eu besoin d'être transportées parce qu'elles auraient été apportées par un glacier bien avant le début de la construction. Mais les géologues ne confirment pas cette théorie.
Selon une autre version, les pierres bleues auraient été installées au Pays de Galles avant d'être démontées et transportées vers ce nouveau site. L'analyse des isotopes de strontium présents dans les dents de 25 personnes enterrées dans la zone de Stonehenge a révélé qu'au moins dix d'entre elles étaient effectivement d'origine galloise. Il pourrait ainsi s'agir des ossements des premiers constructeurs.
Un lieu de forces
Stonehenge a été construit par 50 générations d'hommes pendant 1.500 ans. Les scientifiques ont calculé que le seul transport des mégalithes sarsens avait nécessité environ un million d'heures de travail.
Plusieurs cultures se sont succédée durant cette période. La population autochtone a été repoussée par les éleveurs de bétail venus des steppes du sud russe (porteur de la culture Yamna qui s'est transformée au nord de l'Europe en culture de la céramique cordée). Mais Stonehenge est resté un lieu sacré, où des rituels et des pèlerinages étaient organisés.
A l'époque de l'Empire romain, Stonehenge était également un lieu de culte comme en témoignent les monnaies, la céramique, les broches et mêmes les instruments chirurgicaux découverts lors des fouilles. De nombreux objets et différents déchets accumulés depuis des millénaires sont restés présents dans les couches culturelles.
L'incarnation d'une culture ancestrale
Les constructions mégalithiques de l'Âge de pierre et de bronze se retrouvent à travers tout le Royaume-Uni et l'Europe. Un plan rond, des structures en U et ovales, des trilithes: cette disposition est typique des édifices de culte, des tombeaux et des logements.
Les pierres étaient le principal matériau de construction. Par exemple, l'intérieur des tombeaux de Brú na Bóinne en Irlande est pavé de pierres minutieusement sélectionnées selon leur forme, leur taille et transportées d'une carrière située à 40 km. C'est le plus grand monument de l'Âge de pierre, construit des centaines d'années avant Stonehenge.
De par sa taille, Stonehenge est inférieur à Silbury Hill — un tumulus de 40 m de haut et de 170 m de diamètre à sa base, dont la construction a demandé 350.000 m3 de pierres et de terre et au moins 3 millions d'heures de travail.
Ce point de vue est confirmé par la présence de nombreux objets en or retrouvés dans les sépultures de Stonehenge. Ce métal précieux a été découvert dans 15 tombelles de cette période, dont cinq sont situées en Grande-Bretagne. Cela témoigne d'une concentration de tribus puissantes dans cette région, et tire un trait sur les suppositions relatives à l'origine étrangère ou «extraterrestre» des constructeurs du monument.
Un cimetière ou un observatoire
La plupart des débats concerne la vocation du Stonehenge. En effet, cet endroit attirait déjà des gens avant la construction du monument. A proximité, les archéologues ont retrouvé des sépultures encore plus anciennes d'individus d'origine non britannique. On estime que ce monument a été pensé comme un cimetière car des centaines de tombelles se trouvent autour.
Les trilithes pourraient également symboliser les principaux dieux du Panthéon (s'il existait déjà à l'époque) ou les portails vers un autre monde (bien que les passages entre les pierres soient trop étroits pour les hommes).
Quatre pierres stationnaires (deux sont restées en place jusqu'à nos jours) qui forment un polygone régulier et l'orientation de l'axe principal de la symétrie de Stonehenge correspondant aux solstices suggère la pratique de l'astronomie solaire.
Au XIXe siècle, quand on ignorait encore l'âge exact du monument, les Anglais supposaient qu'il avait été érigé par des druides — les prêtres celtiques, dont le culte a survécu jusqu'à notre époque.
Leurs disciples organisaient des cultes dans l'enceinte de Stonehenge, où ils ont laissé de nombreux déchets. En 1985, la police britannique a interdit à la foule d'y accéder. Une échauffourée a éclaté et 520 personnes ont été arrêtées. Par ailleurs, les néopaïens continuent de considérer Stonehenge comme leur édifice de culte.