Il aura fallu plus de deux semaines à Emmanuel Macron pour remanier le gouvernement mais c'est désormais chose faite. L'Élysée a en effet annoncé la nomination du nouvel exécutif le 16 octobre et il y a peu de surprises. Pour Frédéric Saint-Clair, politologue et écrivain, cela ressemble même «à un pétard mouillé».
«15 jours d'attente pour finalement pas grand-chose, le signal politique envoyé est dans le meilleur des cas un peu faible, si on y regarde de plus près, il pourrait être considéré comme contre-productif», explique l'auteur de La Droite face à l'islam.
«La société civile disparaît à la culture. Françoise Nyssen est renvoyée dans ses locaux pour y gérer les questions de déclaration et à la place on promeut un proche de Bruno Le Maire qui n'a pas de compétences particulières dans le domaine de la culture.»
L'écrivain voit également dans ce remaniement gouvernemental une occasion de calmer les tensions qui commencent à se faire sentir entre La République en marche et leurs alliés du Mouvement démocrate (MoDem):
«Il y a une volonté de prendre mieux en compte le MoDem parce que François Bayrou recommence à devenir critique et donc on lui donne des gages. […] Ils n'ont actuellement pas besoin du MoDem pour gouverner mais c'est quand même mieux si la majorité ressemble à une majorité et si le MoDem ne passe pas dans l'opposition. 40 députés, ça fait tout de même un peu de poids.»
Plus largement, Frédéric Saint-Clair voit dans ce remaniement le retour «d'anciennes pratiques» comme la «récompense politique» au détriment de l'expérience et de l'expertise.
«Il n'y a pas de compétence manifeste, on est dans le calcul partisan, relativement bien tenu d'ailleurs. […] L'équilibre partisan est globalement respecté mais en ce qui concerne l'efficacité de ce nouveau gouvernement, on est dubitatif.»
Et pour le politologue, une personnalité cristallise à la fois la récompense politique et le manque d'expérience, c'est le successeur de Gérard Collomb place Beauvau, Christophe Castaner:
«Finalement, aujourd'hui on apprend que Christophe Castaner, qui n'a aucune expérience pour le poste [de ministre de l'Intérieur, ndlr], a obtenu néanmoins ce poste essentiellement parce qu'il est un fidèle d'Emmanuel Macron.»
«Suite à la démission de Gérard Collomb, on s'attendait à ce qu'un ministre de l'Intérieur remplace immédiatement le ministre partant, ça n'a pas été le cas et on a compris au fil des jours que l'équation était complexe pour Emmanuel Macron et qu'il n'avait sous la main pas grand monde qui puisse "faire le job".»
L'auteur développe ensuite son propos:
«Dans le cas de Christophe Castaner, la question clé c'est "Qu'est-ce qu'on fait d'un fidèle de la première heure qui réclame Beauvau depuis longtemps, que c'est de notoriété publique et que la place vient de se libérer?". C'est quand même difficile de lui dire non, sauf si on a un ministre politique qui s'impose. Et ils ne l'avaient pas.»
«Ils ont cherché par tous les moyens à placer quelqu'un qui soit plus légitime que n'importe qui à Beauvau. N'ayant pas cette carte rare sous la main, ils ont sorti la deuxième, Castaner, en lui adjoignant un spécialiste de la sécurité parce que ça va quand même être nécessaire.»
Car de l'avis de l'analyste politique, Christophe Castaner ne deviendrait rien de moins que le communiquant du ministère.
«Le ministre de l'Intérieur, ce n'est pas Christophe Castaner, sauf pour la presse, pour les images, pour que les Français voient un ministre politique, mais en réalité il ne va pas y avoir de dichotomie. Le ministre transmet les ordres d'Emmanuel Macron au secrétaire d'État […] et ensuite on a un secrétaire d'État qui fait le boulot.»