Or, bien qu'on ait «maintenu une surveillance étroite des naissances dans ces secteurs», comme l'a indiqué François Bourdillon, directeur général de l'agence, l'enquête s'est achevée sans qu'on ait réussi à en déterminer la cause commune.
Emmanuelle Amar, épidémiologiste et directrice du Remera, organe chargé de recenser les malformations en Rhône-Alpes, qui est à l'origine de la première enquête sur cette réalité, estime que le problème sanitaire est en passe de prendre une ampleur retentissante et revient sur les premiers cas.
«Tout a commencé en 2010 lorsqu'un médecin a signalé deux cas de bébés sans bras à la cellule interrégionale d'épidémiologie dans un même village situé dans l'Ain. Elle nous a alors demandé de l'aide, puisque notre travail est de recenser les malformations. On a décidé d'enquêter», a-t-elle indiqué, citée par Le Parisien.
«Le temps est passé, la surveillance a continué. En 2012, on a découvert une 5e cas, en 2014, un 6e et un 7e. Le taux de malformation était 58 fois supérieur à la normale dans l'Ain. Cette situation est inédite en France d'autant qu'elle touche, au total, trois départements».
Quatre autres cas de malformations ont été constatés en Bretagne et trois en Loire-Atlantique. L'hypothèse principale est celle de causes environnementales, mais elle n'a pas encore été confirmée.
«Nous avons interrogé les mères sur leur histoire, leurs habitudes de vie, leur métier, leurs consommations pendant la grossesse», a ajouté Emmanuelle Amar dans une interview accordée au Figaro. «Les expositions des pères ont aussi été passées au crible. Le fait que les familles vivent en milieu rural est le seul point commun qui s'est dégagé.»
Pour les mères, l'accouchement a été un choc et aboutissait à une culpabilisation énorme. «Elles disaient, "pourtant je n'ai pas bu d'alcool"… Les parents n'ont pas compris ce qu'il leur arrivait. Toutes cherchent des réponses. Quand on leur dit que c'est la faute à pas de chance mais que leur voisine a aussi un enfant sans bras, ça fait beaucoup de fautes à pas de chance», a-t-elle déclaré encore au Parisien.
«Cette affaire est en train de devenir un scandale de sanitaire, la négation poussée à l'extrême de Santé Publique France nous interroge», a mis en valeur Mme Amar, commentant les affirmations de Santé publique France sur le non excès de cas dans l'Ain.
«Ils se trompent! Ils partent du principe que le taux n'est pas anormal, car il y a eu sept cas de 2000 à 2014. Or, ce nombre a été recensé sur une période bien plus courte, entre 2009 et 2014. Comment pouvons-nous dire qu'il n'y en a pas eu de cas avant? C'est impossible de le savoir, il n'existait pas de surveillance des malformations avant 2009 dans l'Ain!»
Malgré l'intention d'Emmanuelle Amar de creuser encore «une fois les causes connues éliminées», de «mettre les mères autour d'une table et en lançant une étude bibliographique sur tous les produits susceptibles d'être responsables», l'enquête s'est arrêtée là.
L'agence Santé publique France a promis d'élaborer des outils complémentaires pour remédier aux lacunes du système de surveillance des naissances en France.