À l’Onu, Macron défenseur impuissant d’un ordre mondial à l’agonie

Duel à l’AG des Nations unies. Droits de l’homme ou loi du plus fort? Souverainisme ou gouvernement libéral mondial? D’un côté, Trump, sûr de sa force; de l’autre Macron, plein de fougue et de passion. Mais concrètement, pour quel résultat? Décryptage du discours de Jupiter face à Trump, un combat à distance sans vainqueur, mais avec un vaincu.
Sputnik

L'ordre mondial libéral est en phase terminale. Les chefs d'État, par leurs plaidoyers ou leurs silences sur la plus grande scène diplomatique du monde, l'assemblée générale des Nations unies, l'ont confirmé.

Emmanuel Macron menace de trouver une alternative au G7
Pourtant, face à l'absence de la Chine, de l'Inde et de la Russie, face à la loi du plus fort prônée par les États-Unis, un homme s'est dressé. Il a exhorté toutes les nations à réinventer l'ordre mondial, en défendant les valeurs universelles des droits de l'homme et en militant pour un «nouvel humanisme contemporain». Plein de force et de passion, cet homme a déclamé une ode enflammée au concert des nations et au multilatéralisme. Il s'est opposé- avec finesse parce qu'il ne l'a jamais nommé- à l'homme le plus fort du monde, il a blâmé les lâches et les peureux et incité ses homologues à résoudre les crises que traverse l'humanité. C'est «le champion de la terre», Emmanuel Macron, Président de la République française.

«La loi du plus fort, la tentation pour chacun de suivre sa propre loi: cette voie, celle de l'unilatéralisme, nous conduit directement au repli et au conflit, à la confrontation généralisée de tous contre tous, au détriment de chacun.»

Critiqué et de plus en plus isolé en France et en Europe, Emmanuel Macron a choisi la scène internationale pour réaffirmer son leadership en s'opposant à son «ami» Donald Trump, moqué à la tribune de l'ONU à cause de son narcissisme.

La «bromance» est terminée et le divorce semble consommé entre les deux chefs d'État. L'exemple le plus parlant semble être la gestion du cas iranien. Alors que Donald Trump appelle à isoler «la dictature corrompue», «le principal sponsor du terrorisme dans le monde», Emmanuel Macron a surfé sur l'annonce européenne de la création d'un système de troc, la veille de son discours, pour réaffirmer que seul le dialogue et le multilatéralisme, à l'instar de l'accord de Vienne de 2015, parviendraient à maintenir l'Iran dans le concert des nations.

Bien que la réaction soit tardive, cet acte pourrait être le symbole de la diplomatie traditionnelle française: équilibre dans ses relations au Moyen-Orient, dialogue avec la Chine et la Russie, harmonie européenne. Mais seul l'avenir montrera si Macron incarnera finalement cette politique ou si elle restera au stade de la communication «gaullo-mitterrandienne».

S'il se targue de saisir les grands changements mondiaux, pour rester au Proche-Orient, le Président semble ne pas comprendre la réalité du conflit israélo-palestinien. Après la déclaration de «Jérusalem capitale d'Israël», Washington a arrêté d'allouer des fonds aux réfugiés palestiniens et a bloqué ses investissements à Gaza et en Cisjordanie. Quant à Tel-Aviv, Netanyahou continue son blocus de la bande de Gaza, a fait adopter la loi sur «l'État-nation» et ne cesse d'implanter de nouvelles colonies, rendant absolument caduque la solution à deux États. Et pourtant Macron a répété LA solution:

«Qu'est-ce qui permettra de régler la crise entre Israël et la Palestine? À coup sûr, pas des initiatives unilatérales, ni le fait d'ignorer les droits légitimes des Palestiniens pour obtenir une paix durable, ni de sous-estimer le droit légitime des Israéliens à leur sécurité. Il n'y a pas d'alternative crédible à la solution de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité, avec Jérusalem pour capitale.»

Quant à la Syrie, il appelle à davantage d'échanges entre les puissances impliquées et celles du Conseil de sécurité pour résoudre la crise et construire une solution politique, oubliant que seuls les pays du groupe d'Astana avaient réellement la main dans ce dossier, où la France est hors-jeu depuis le début de la guerre par sa politique incohérente, comme ce fut notamment le cas en bombardant la Syrie en avril dernier.
Et pourtant, cinq mois après, le chef de l'État parvient à déclarer ceci:

«Nous sommes en train aujourd'hui, se voir se déliter ce droit international, toutes les formes de coopération comme si de rien n'était, par peur, par complicité, parce que cela fait bien! Non, moi je ne m'y résous pas!»

La France a-t-elle respecté le droit international ou a-t-elle agi par complicité avec les puissances anglo-saxonnes, parce que «cela fait du bien»? Non, elle l'a fait «pour l'honneur de la communauté internationale, dans un cadre légitime et multilatéral», selon le Président. Le mot est lâché. Jupiter défendra sans cesse le multilatéralisme que l'on pourrait résumer ainsi: seul ou à deux, c'est nul, à trois ou plus, c'est bien. Et il devrait en être ainsi pour les échanges économiques:

«Qu'est-ce qui réglera le problème des déséquilibres commerciaux? Des règles communes permettant d'assurer des conditions de concurrence loyales, égales, et en aucun cas un traitement bilatéral de tous nos différends commerciaux ou un nouveau protectionnisme.»

Emmanuel Macron a donc aussi défendu le multilatéralisme pour le commerce et a dénoncé le protectionnisme et les relations bilatérales mises en place par Donald Trump pour rééquilibrer la balance commerciale de son pays. En effet, le Président américain a appelé son partenaire et concurrent chinois à des échanges plus «justes et équilibrés» puis s'est fendu d'une nouvelle salve contre le système du commerce mondial en fustigeant «l'idéologie du mondialisme». Pour un adapte des traités de libre-échange…

De plus, le nouveau «champion de la terre», plein de pragmatisme, a exhorté ses homologues à conditionner tout accord commercial au respect de l'accord de Paris, donc à isoler les États-Unis d'Amérique, première puissance mondiale, qui a osé sortir du Traité universel sur le climat:

«Ne signons plus d'accords commerciaux avec les puissances qui ne respectent pas l'accord de Paris.»

Enfin, faisant encore référence à son nouvel «opposant mondial», Emmanuel Macron a rejoué un numéro d'équilibriste sur le thème de l'immigration pour critiquer une nouvelle fois la position de ses opposants lors des prochaines élections européennes:

«Face au grand défi migratoire, je ne crois pas aux discours d'ouverture inconditionnelle. Ils ne font que provoquer l'inquiétude et accroître l'intolérance. Je ne crois pas davantage aux discours mensongers de ceux qui prétendent, par exemple en Europe, comme ailleurs, qu'ils seront plus forts abrités derrière une fermeture des frontières, ce n'est pas vrai.»

Ainsi, sur le fond, si son intervention peut être perçue comme équilibrée… ou branlante, question de point de vue, elle semble dénuée de solution concrète, le Président appelant à des réformes en reprenant le même modèle. Quant à la forme du discours, elle est sans appel: Jupiter, plein d'emphase, a dénoncé une société du spectacle… puis s'est fait applaudir… par une salle quasi vide. Menaçant, parfois exalté, il a tapé du poing sur la «table» à de nombreuses reprises… et une nouvelle fois sur la France:

«Nous sommes un pays qui a fait beaucoup d'erreurs, de mauvaises choses.»

Qu'il prenne garde toutefois à ce que certaines de ses formules-chocs ne se retournent pas contre lui…

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