Agacée par l'habitude des hommes d'écarter largement les jambes en s'asseyant (ou manspreading), l'activiste russe Anna Dovgalyuk a décidé d'agir radicalement. Sur sa chaîne YouTube, l'étudiante a posté une vidéo dans laquelle l'une de ses amies s'en prend aux hommes dans le métro de Saint-Pétersbourg, en déversant sur eux un mélange d'eau et d'eau de javel sur leurs parties intimes. Dans la vidéo, les hommes, ignorant du fait qu'ils seront impliqués dans cette action, réagissent parfois violemment.
Je briserais le cou de cette femme si elle m'avait fait ça! Elle doit être emprisonnée!
Je rigolerais si vous aviez essayé cette action sur moi. Je vais vous montrer exactement ce à quoi l'égalité des droits revient après que vous m'ayez agressé…
Cette femme est la définition d'un extrémiste, je ne vois pas comment quelqu'un pourrait justifier son comportement. Honte aux quelques médias qui ont fait la publicité de cela de manière presque positive. Ironiquement, elle fait beaucoup de mal à la cause pour laquelle elle se bat. Quelle blague.
Confrontée à une telle indignation publique, l'organisatrice de l'action controversée, Anna Dovgaluyk, n'a pas pu garder le silence et s'est exprimée dans une interview au journal Lenta.ru.
«Je crois que ce problème n'est réellement remarqué par personne, parce que nous avions quelques mentions, il y a environ un an peut-être, dans les médias russes, et très peu de personnes en ont parlé», a expliqué la jeune femme.
Anna a précisé néanmoins qu'elle ne se présentait pas comme une féministe, mais plutôt comme une «activiste sociale». Selon elle, l'objectif principal d'une telle démarche est de faire la lumière sur le problème du manspreading.
«Nous avons décidé d'utiliser un mélange qui laisserait sur les vêtements des hommes des taches blanches», a déclaré Anna à Metro. «Les moments désagréables étaient des choses que nous avons laissées dans les coulisses. Il y avait des amis avec nous, des jeunes hommes, alors ils calmaient tout le monde au bon moment, personne ne s'est battu et tout était en ordre.»
Cette étudiante en droit n'en est pas à son coup d'essai. En 2017, elle avait fait parler d'elle en publiant une vidéo mettant en scène une femme remontant sa robe. Un moyen, d'après Anna Dovgalyuk, d'attirer l'attention sur l'upskirting, cette pratique qui consiste à prendre des photos sous les jupes des femmes à l'aide de son téléphone.
Le manspreading dans le monde
En 2015, le terme est entré dans la version en ligne de l'Oxford English Dictionary, mais l'histoire du phénomène est naturellement beaucoup plus longue. Selon The New York Magazine, dans le New York Transit Museum, une exposition «L'étiquette dans les transports publics» est en cours, qui présente notamment des publicités sociales imprimées datant de 1915 et attirant l'attention des usagers sur l'inadmissibilité d'un tel comportement.
L'année dernière, les autorités de Madrid avaient lancé une campagne pour s'attaquer à cette mauvaise habitude. Les hommes sont notamment invités à «respecter l'espace des autres» et à refermer leurs jambes parfois envahissantes vis-à-vis d'autres voyageurs quand ils occupaient une place assise.
Des pratiques similaires existent également aux États-Unis, où des publicités sociales s'attaquent de temps en temps au problème. De plus, à New York, le manspreading peut être passible d'une amende de 75 dollars.
Certains hommes assurent que cette posture est avant tout liée à un besoin physiologique de laisser respirer une partie de leur anatomie souvent comprimée et de favoriser ainsi une meilleure ventilation des gonades, ce qui, on le sait, améliore la production de spermatozoïdes. Cette donnée est inscrite dans l'inconscient collectif, a démontré une étude menée par l'Université Berkeley, en Californie. Les chercheurs ont utilisé les applications des sites de rencontres pour mesurer le succès rencontré par la même personne avec deux photos différentes, l'une avec les jambes fermées, l'autre avec les jambes ouvertes. Conclusion: hommes et femmes sont plus sensibles aux profils qui laissent s'exprimer leur morphologie.
L'instrumentalisation du manspreading
La démarche d'Anna a été celle qui a eu le plus d'écho en Russie concernant la lutte des femmes contre le manspreading dans les transports en commun.
En 2017, c'est Vladimir Poutine qui avait été accusé… de manspreading! Dans le cadre de la sortie de son nouveau livre sur les résultats des élections de 2016 «What Happened», Hillary Clinton avait décidé de se moquer du dirigeant russe, qui «a commis un crime particulièrement grave» en affirmant que «Poutine aime s'asseoir les jambes écartées».
Lors de sa tentative pour illustrer la pose, elle avait écarté les bras. N'est-ce pas trop modeste pour les personnes qui ont l'habitude de s'asseoir à l'aise? Sans dire que presque tous les hommes politiques apparaissent à un moment assis les jambes écartées, de Donald Trump et Barack Obama à Benjamin Netanyahu et Emmanuel Macron.