Incapable d'aboutir à un accord, ne serait-ce que de façade, sur la question des migrants, participants à ce sommet se sont montrés profondément divisés sur la question du BREXIT, qui constituait l'autre sujet important. Cette division, dont Emmanuel Macron, est largement responsable, tourne autour de la question de faire « payer » à la Grande-Bretagne son vote de 2016. Cette volonté de « punir » un pays parce qu'il entend, démocratiquement, quitter l'UE est particulièrement révélatrice de l'état de décomposition de cette dernière, et de sa transformation en une institution de répression des volontés démocratiquement exprimées par les peuples dans chacune des nations la composant.
Migrants: échec à l'UE
De fait, les lignes de clivage sont multiples au sein de l'UE. Elles ne concernent pas seulement ceux que l'on voudrait présenter comme des pays « généreux » pour les migrants (essentiellement l'Allemagne et la France) et des pays que l'on aime à présenter comme « frileux ». C'est toute la politique migratoire qui divise l'Union, non seulement quant à ses orientations que quant à son financement. L'échec à donc été total sur ce point. Cela veut dire que les pays en cause, et qui sont aujourd'hui en première ligne face au flot migratoire (Espagne, Grèce, Italie), n'auront pas d'autre solution que leurs propres politiques nationales. Sur la question migratoire, il est désormais clair que l'UE ne sert plus à rien.
La question du BREXIT
Mais, il y avait un autre sujet d'importance à ce sommet: la question du BREXIT. Là aussi, on a pu voir l'UE se diviser en profondeur (2). Pourtant, Londres et Bruxelles ont en réalité trouvé des compromis sur la plupart des contentieux qui sont nés de la rupture programmée et, notamment sur la facture à la facture à régler. Un accord aurait donc dû être trouvé.
L'opposition de la France aux propositions apportées par Mme Theresa May a provoqué l'échec (3). Cet échec a été humiliant pour la Première-ministre britannique, qui avait pourtant fait de notables concessions. Le Président français, sans doute ulcéré de n'avoir pu arracher un accord sur la question des migrants face à l'opposition résolue des pays mentionnés a-t-il passé ses nerfs sur la Grande-Bretagne ou, tout à sa volonté de « défendre » l'UE, a-t-il voulu montrer que toute sortie de l'UE serait extrêmement difficile? Quoi qu'il en soit, il a pris un risque énorme. Car, si la Grande-Bretagne a un commerce important avec les pays de l'UE, ces derniers ont naturellement un commerce non moins important avec la Grande-Bretagne. La pression montera rapidement sur Mme Merkel, très attentive aux vœux des patrons allemands, car ces derniers font une part non négligeable de leur chiffre d'affaires en Grande-Bretagne. Emmanuel Macron pourrait bien se voir désavoué lors du sommet exceptionnel de novembre sur cette question du BREXIT.
A quoi sert l'UE?
Ces péripéties ne doivent pas masquer un fait important: à quoi sert donc aujourd'hui l'UE?
Bruxelles entend s'opposer au BREXIT, choix pourtant légitime, exprimés de manière démocratique, par les électeurs britanniques. Et Emmanuel Macron a pris le parti de la technocratie de l'UE contre la volonté des peuples. Il faudra s'en souvenir.
L'UE stigmatise aussi des pays comme la Pologne ou la Hongrie qui, quels que soient les jugements que l'on peut porter sur leurs politiques, entendent faire respecter des règles et des choix nationaux. Très clairement, l'UE ici usurpe la souveraineté nationale et populaire qui, seule, est de nature à fonder des choix démocratiques. L'UE s'avère incapable de soutenir des pays qui, comme l'Italie ou comme la Grèce, subissent de plein fouet le choc migratoire. Pire, elle encourage ces flux, dont les conséquences sur le niveau des salaires en Allemagne est déjà évident. Elle encourage aussi le système des « travailleurs détachés » qui permet à des entreprises peu scrupuleuses d'employer des travailleurs des pays « pauvres » de l'UE dans les pays « riches » sans leurs payer le salaire qu'ils devraient ni abonder aux cotisations sociales.
L'obsession pour le libre échange conduit l'Union européenne à négliger, voire à prendre parti contre les intérêts vitaux des peuples de l'UE, que ce soit sur les glyphosates ou sur les clauses tant écologiques que juridiques des traités qu'elle signe et prétende imposer. De ce point de vue, l'UE est une menace directe pour la santé des français.
L'Euro, a été construit pour que l'Allemagne puisse obtenir l'ouverture des marchés des pays membres aux exportations allemandes sans risque d'une soudaine dévaluation. Telle est bien la raison d'être profonde de l'Euro, et non la théorie des zones monétaires (5).
Un prélude aux élections européennes de mai 2019?
La structure des institutions européenne interdit aujourd'hui de croire qu'un quelconque changement pourra être initié du sein des institutions de l'UE. Tout discours appelant à « changer l'Europe » est vain et illusoire. C'est en réalité la dernière défense d'un statuquo insupportable. Ce qu'il faut, c'est changer d'Europe, et — pour cela — provoquer une crise suffisamment grave de l'UE pour permettre une recomposition des rapports de forces et des institutions conduisant à autre chose. La dissolution de l'UE est donc désormais l'horizon historique. Ce sera l'enjeu réel des élections européennes de mai 2019.
(3) https://www.24heures.ch/monde/Nous-sommes-dans-une-impasse-dit-May/story/16107994
(4) Voir http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2017/07/27/2017-external-sector-report et http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2016/12/31/2016-External-Sector-Report-PP5057
(5) J. Sapir, « La Crise de l'Euro: erreurs et impasses de l'Européisme » in Perspectives Républicaines, n°2, juin 2006, pp. 69-84.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.