Il neige sur la France… Le marché de la cocaïne en pleine explosion

Deuxième produit illicite le plus consommé après le cannabis en France, la cocaïne voit sa demande évoluer à des niveaux inquiétants et les saisies se multiplient. Contactés par Sputnik, David-Olivier Reverdy, référent national investigation du syndicat de police Alliance et Nelson*, un consommateur, nous ont parlé de cette tornade blanche.
Sputnik

«La "coke", aujourd'hui, c'est aussi facile à trouver que du "shit".»

Nelson*, commercial dans la publicité âgé de 30 ans, consomme de la poudre blanche depuis 2013. Contacté par Sputnik France, il nous a fait part de la facilité grandissante avec laquelle il se procure ses doses d'année en année.

D'après le rapport annuel du Service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), les saisies de cocaïnes ont atteint le niveau record de 17 tonnes en 2017. En 2016, elles n'avaient été «que» de 8,5 tonnes. C'est une évolution de… +105%. Un prochain article de la rédaction de Sputnik France traitera de l'offre de cocaïne et de ses acteurs. Pour le moment, intéressons-nous à la demande qui, comme nous l'a signalé David-Olivier Reverdy, référent national investigation du syndicat de police Alliance, a tendance à augmenter dans l'Hexagone:

«Ces saisies record traduisent une recrudescence des trafics liés à la cocaïne. Il y a beaucoup plus de prises, parce que la cocaïne circule beaucoup plus abondamment des pays producteurs qui se situent en Amérique latine vers l'Europe. Ce qui veut dire aussi que la consommation est plus importante. C'est la loi de l'offre et de la demande, comme dans tout marché.»

Car quand on parle business, c'est souvent la demande qui provoque l'offre. Selon les chiffres de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), la cocaïne compte 2,2 millions d'«expérimentateurs» et 450.000 «usagers» réguliers en France.

Infographie estimation consommation drogue France

«La part des 18-64 ans ayant expérimenté la cocaïne a été multipliée par quatre en deux décennies (de 1,2% en 1995 à 2,6% en 2005, 3,8% en 2010 et 5,6% en 2014)», note l'organisme. Ces chiffres en font la deuxième substance illicite la plus consommée dans le pays, derrière le cannabis.

«Il est très clair qu'aujourd'hui, le cannabis est le trafic en volume le plus important et celui qui touche le plus de consommateurs. Néanmoins, le trafic de cocaïne, de par les saisies réalisées par les services de police, de douane et de gendarmerie est également très important», souligne David-Olivier Reverdy.

La démocratisation de la consommation du «poney blanc» comme elle est surnommée aux États-Unis a plusieurs causes. La principale est la baisse de son prix. Les sources varient, mais la plupart estiment le prix d'un gramme de cocaïne autour de 65 euros en moyenne contre une centaine d'euros il y a encore quelques années.

«Avant, la cocaïne était une drogue dite festive. Cela ne touchait que certains types de population, dans des proportions très limitées et dans un cadre assez réduit. Nous constatons aujourd'hui une véritable démocratisation de la consommation de cocaïne. Les prix ont tendance à largement baisser», explique David-Olivier Reverdy.

Longtemps cantonnée au show-biz et aux clients fortunés, la cocaïne est aujourd'hui aussi bien sniffée par le banquier de La Défense que par le fils d'ouvrier qui sort en boîte de nuit le samedi soir. L'OFDT note d'ailleurs que «les milieux sociaux concernés par la diffusion de la cocaïne sont devenus tellement larges et hétérogènes qu'il est difficile aujourd'hui de dresser un portrait type du consommateur». D'après l'organisme, ce sont les artisans et commerçants qui sont les plus concernés par l'expérimentation (7,2%) suivis des ouvriers (5,3%) et des cadres qui complètent le podium (4,9%).

«J'ai commencé à en prendre de temps en temps en 2013 et j'ai vu l'évolution. De plus en plus de gens "tapent", comme on dit. Dans mon entourage, c'est devenu un rituel de commander son gramme le vendredi soir pour le week-end. En boîte, on voit des gens faire des allers-retours incessants vers les toilettes. J'ai remarqué que cela concerne de plus en plus de filles et plus généralement des gens de plus en plus jeunes», raconte Nelson.

Car l'augmentation de la consommation est également liée à la facilité avec laquelle les utilisateurs s'en procurent. De véritables réseaux de distribution avec des coursiers qui livrent les grammes de cocaïne à domicile telles des pizzas pullulent dans la capitale et dans plusieurs grandes villes de France. «Les réseaux se sont multipliés, principalement dans les grands centres urbains de la métropole, mais également vers les villes moyennes», selon le Sirasco.

«C'est super facile. J'ai trois ou quatre numéros de dealers dans mon portable. On communique soit par message, soit avec des applications genre WhatsApp. On parle en langage codé du style "tu peux passer à cette adresse avec Caroline". Si tu veux deux grammes, tu peux dire "passe avec Caroline et Cynthia".Pour la MDMA, c'est "Marie-Denise". Le choix est tellement large qu'on met les dealers en compétition. La commande va à celui qui livre le plus vite avec la meilleure came, le tout au prix le plus bas possible», décrit Neslon.

«Paradoxalement, la cocaïne est de moins en moins chère, mais de plus en plus pure», souligne David-Olivier Reverdy. Ce qui pose de véritables problèmes de santé publique. «Pour la cocaïne, le taux moyen de pureté des échantillons saisis dans la rue (< 10 g) se situe à 51% en 2016, soit une teneur en nette hausse depuis 2011 où la teneur moyenne était de 27%. Cette hausse pourrait continuer à favoriser la nouvelle accélération de la diffusion de cocaïne récemment observée», note l'OFDT dans la septième édition de son rapport «Drogue, Chiffres clés» publié en juin 2017.

Infographie teneur en cocaïne

Un chat rentre avec un sac farci de drogues, son maître l’emmène à la police (photo)
Cette puissance grandissante du produit n'en rend que plus importants les risques pour la santé des consommateurs. Selon nos confrères de L'Express, la cocaïne est majoritairement responsable des 25 décès par overdose constatés chaque année par le groupe OD (pour «overdose») de la brigade des stupéfiants de Paris. Nelson* pointe également la nature même de la drogue, dont les effets euphorisants qui provoquent un sentiment de puissance vont de pair avec une sensation de maîtrise totale de soi-même. Ce qui contraste avec d'autres drogues et font que certains consommateurs s'autorisent à en prendre en toutes circonstances:

«Le gros problème avec la "coke", c'est que ta consommation peut très vite déraper. La MDMA ou les "cachetons" d'ecstasy, tu en prends dans un contexte bien particulier qui a très souvent rapport avec le son électro comme la techno. La "coke", tu te retrouves vite à en prendre dans les toilettes du bureau un lendemain de cuite pour te réveiller ou au restaurant alors que tu dînes avec ta copine parce que t'es un peu trop fatigué.»


*le prénom a été changé

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