Quand des Français défient les cavaliers des steppes à un sport millénaire… et viril!

Le Kirghizistan a accueilli du 2 au 8 septembre les troisièmes World Nomad Games. Cette olympiade des sports nomades a pour la première fois vu une équipe française participer à la compétition de kok-boru, un sport hippique millénaire et… atypique. Les acteurs de cette folle épopée l’ont raconté à Sputnik France.
Sputnik

«Lorsque j'avais 10 ans, je suis tombé sur un reportage qui traitait du kok-boru et qui m'avait totalement fasciné. Il se trouve que j'ai eu la possibilité de me rendre au Kirghizistan dans le cadre d'un déplacement professionnel, le tout durant l'organisation des World Nomad Games. Je comptais donc profiter de mon temps libre pour assister à un match de kok-boru.»

Olivier, commercial basé à Paris, ne s'imaginait pas l'histoire extraordinaire qu'il s'apprêtait à vivre en embarquant, début septembre, dans son avion direction Bichkek. Par un concours de circonstances qui tient de la matière à scénariste, il s'est retrouvé quelques jours plus tard à chevaucher sous les acclamations de milliers de personnes en tant que membre temporaire de la première équipe de France de kok-boru.

Mais qu'est-ce donc que le kok-boru? Plus connu des lecteurs des «Cavaliers» de Joseph Kessel sous le nom de Bouzkachi, ce sport hippique millénaire des steppes d'Asie centrale, est entré au patrimoine immatériel de l'humanité en décembre 2017.

Il voit deux équipes de quatre cavaliers s'affronter sur un vaste terrain sablé. Le but? Se disputer le cadavre d'une chèvre ou d'un mouton afin de le placer dans le but adverse. Trois périodes de 20 minutes départagent les adversaires. À noter que l'animal est égorgé avant le match pour être ensuite… mangé après la partie.

«En France, c'est un sport qui n'est pas socialement accepté, car c'est bien trop différent de ce que l'on a l'habitude de voir. J'ai assisté à l'égorgement de l'animal qui a été fait de manière à limiter la souffrance. Je n'ai pas entendu de cri ni vu d'effusion de sang. De plus, après le jeu, la bête est mangée donc il n'y a pas de gâchis», souligne Olivier.

«Il y a beaucoup de théories sur l'origine de ce sport. Nous avons entendu à plusieurs reprises qu'il avait pour but d'entraîner les guerriers. Mais il est fort possible que ce soit une légende», explique Xavier Bremondy, qui a officié en tant que capitaine de l'équipe de France de kok-boru.

Un match de kok-boru durant les World Nomad Games 2018

Sa décision de participer à ces troisièmes World Nomad Games s'inscrit dans le cadre d'un projet monté il y a plusieurs années. En effet, tous les membres de l'équipe de France qui se sont rendus à Bichkek sont des joueurs de horse-ball, un jeu qui pourrait se rapprocher du kok-boru à la différence, importante, qu'il est beaucoup moins brutal et qu'une balle remplace le cadavre d'un animal.

«À la base nous avons rencontré un Kirghize à la coupe du monde de horse-ball en 2016. Il était intéressé par ce sport qui correspond très bien à la culture de ce peuple cavalier. Il nous a ensuite proposé de faire une démonstration de horse-ball aux World Nomad Games, qui avaient lieu plus tard la même année au Kirghizistan. Nous avons accepté et cela a été un succès.»

Les World Nomad Games sont en effet une belle vitrine. Cette compétition, organisée sous le patronage de l'Unesco tous les deux ans depuis 2014 au Kirghizistan, a vu plus de 70 pays, dont les États-Unis et le Canada, participer à la dernière édition, qui s'est déroulée du 2 au 8 septembre. En 2014, seules 19 nations avaient pris part à la compétition.

«Vous avez notamment une région qui s'appelle Toktogul qui s'est mise au horse-ball. Ils ont aujourd'hui huit ou neuf équipes. Vous avez désormais environ 400 cavaliers qui pratiquent le horse-ball au Kirghizistan. En l'espace de deux ans c'est prometteur», se réjouit Xavier.

Pour en arriver à ce résultat, Xavier et une dizaine de compatriotes sont retournés au Kirghizistan en février 2017 et en février de cette année pour organiser des stages de horse-ball. Ils passaient de village en village et ont même organisé les premiers championnats de horse-ball au Kirghizistan, qui ont vu s'affronter huit équipes.

«Dans un effort pour continuer de populariser le horse-ball au Kirghizistan, nous étions d'accord pour venir au World Nomad Games 2018 et faire à nouveau une démonstration. Nous sommes aussi dans une démarche d'échanges culturels. Nous ne souhaitions pas faire "nos petits occidentaux qui amènent leur sport pour remplacer un sport sauvage". Nous étions déterminés à jouer le jeu dans les deux sens. C'est là que nous avons pris la décision de participer à la compétition de kok-boru», raconte Xavier.

Un match de kok-boru durant les World Nomad Games 2018

Mais un problème s'opposait aux téméraires cavaliers. Le kok-boru se joue certes à quatre contre quatre, mais le sport est si intense pour les joueurs et les chevaux que des remplacements ont lieu à la volée durant toute la partie, un peu à l'instar du hockey sur glace. C'est là qu'Olivier entre en scène:

«Lors de mon arrivée à l'aéroport de Bichkek, je me suis mis à chercher le lieu où retirer ma place pour la cérémonie d'ouverture. J'ai vu un stand des Word Nomad Games avec un drapeau français et me suis donc dirigé vers ce dernier. Après m'être rendu compte que ce lieu était réservé aux participants et non aux spectateurs, j'ai fait demi-tour et c'est à ce moment que j'ai entendu un groupe parler français. Ayant fait quinze ans d'équitation, je me suis vite rendu compte qu'ils s'agissaient de cavaliers.»

Le début d'une belle histoire. Olivier échange avec Xavier et son équipe et se voit proposer de rejoindre leur rang pour un match. Le commercial, qui souhaitait profiter de son déplacement professionnel pour «sortir de sa zone de confort d'Européen» et «être en contact avec des cultures que nous n'avons pas le loisir de rencontrer tous les jours», ne pouvait pas rêver d'un plus grand honneur:

«Le jour de mon décollage, le match France- Bachkortostan avait lieu et j'étais dans la possibilité de repousser mon départ vers Paris de quelques heures. J'ai donc rejoint l'équipe et participé à la partie.»

Un match lors duquel la France a fait très bonne figure pour une première. Les tricolores ont même tenu le 0 à 0 durant la majeure partie du match avant qu'une expulsion ne les force à s'incliner 2 à 0.

«Nous avions un déficit de force et de technique que nous avons su en partie combler en misant sur la défense alors que culturellement ce jeu est basé sur l'attaque. Cela nous a permis de tenir tête à une équipe du Bachkortostan dont les membres jouent régulièrement à ce sport», explique Olivier.

«Les coachs adverses nous ont dit qu'ils allaient s'inspirer de notre système dans les années à venir», se réjouit Xavier.
Les poules étant constituées de trois équipes, la France a pu jouer un autre match contre l'Ouzbékistan le lendemain. Cette fois, la marche était trop haute.

«Ils étaient vraiment meilleurs que nous. Nous avons perdu 19 à 6, mais le tout dans une superbe ambiance et une humeur très fair-play. Ils nous ont même aidé à mettre des buts!», raconte Xavier.

L'Equipe de France de kok-boru qui a participé aux World Nomad Games 2018

Car les cavaliers n'avaient aucun regret après cette élimination, contents d'avoir vécu un moment formidable. Xavier a particulièrement était impressionné par l'organisation de ces World Nomad Games:

«Le premier mot qui me vient, c'est "impressionnant". Le stade dans lequel nous avons joué contenait des tribunes accueillant une douzaine de milliers de personnes. Il a d'ailleurs été construit pour les World Nomad Games de 2016. L'ambiance était très bonne. Il y avait des dizaines de nations représentées et avant la cérémonie d'ouverture, tout le monde été réuni dans une atmosphère cordiale. Nous l'avons senti, alors que même que nous étions confrontés à la barrière de la langue. L'organisation nous a également très bien reçus.»

De quoi le pousser à tenter l'aventure pour les prochains World Nomad Games qui auront lieu en 2020 en Turquie?

«Honnêtement je ne pense pas. C'était une formidable expérience, mais ce n'est pas notre sport de prédilection. Notre but est vraiment de continuer à populariser le horse-ball dans la région. D'ailleurs, notre objectif est qu'une équipe kirghize concourt pour la première fois lors de la coupe du monde de horse-ball en 2020. Cependant, nous laissons la porte ouverte», annonce Xavier.

Une porte que se verrait bien franchir Olivier, qui semble ravi par son expérience kirghize:

«Si nous parvenons à motiver assez de personnes, j'aimerais beaucoup m'y rendre de nouveau et participer de manière plus professionnelle à tous les matchs. Et cela me permettrait d'être beaucoup plus entraîné et beaucoup plus prêt.»

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