Le monde secret de l’intranet, des réseaux Wi-fi et des smartphones en Corée du Nord

En ce qui concerne la vie quotidienne en Corée du Nord, plusieurs éléments demeurent encore secrets pour le grand public, ce qui est notamment le cas des moyens de communication présents dans le pays. Y’a-t-il du Wi-Fi en Corée du Nord? Qu’est-ce que ce smartphone nord-coréen? Comment vivre sans internet mais avec intranet? Déchiffrage.
Sputnik

Vingt ans après avoir changé la vie de la plupart des habitants du reste du monde, internet ne reste qu'un concept pour le Nord-Coréen moyen… mais voici un mythe qui vaut la peine d'être déboulonné en 2018.

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Les services de téléphonie mobile sont assez développés en Corée du Nord, affirme Konstantine Asmolov, chercheur principal au Centre d'études coréennes de l'Institut d'études de l'Extrême-Orient de l'Académie des sciences de Russie. «Même en province, quand j'ai été en dehors de Pyongyang, j'ai vu des situations où une femme se déplaçant à vélo tenait un téléphone portable dans ses mains », partage-t-il.

Selon lui, il existerait deux versions du mode de fonctionnement de la téléphonie mobile en Corée du Nord: on peut soit appeler et recevoir des appels de ceux qui sont uniquement dans notre liste de contacts, soit utiliser un réseau mobile séparé du reste du monde.

«Néanmoins, l'affirmation que les Nord-Coréens n'ont aucun moyen de communication interne, n'ont aucuns contacts avec le monde extérieur, est tout à fait fausse», déclare-t-il.

Un smartphone de production domestique

Mesdames et messieurs, voici le Jindallae 3, smartphone nord-coréen produit par Mangyongdae, une corporation des technologies de l'information.

Avec son nom inspiré par les rhododendrons coréens, ce smartphone est «entièrement produit sur le territoire», affirme le média d'État DPKR Today. Toutefois, notre expert en affaires coréennes met en doute ce fait:

«Je pense que c'est de l'assemblage chinois, assez bon à mon avis», suppose M. Asmolov.

Ses caractéristiques officielles n'ont pas été communiquées dans le détail, mais ce smartphone local serait en tous cas «polyvalent et multifonctionnel», et comprendrait «divers types» d'applications «nécessaires aux affaires et à la vie des habitants», selon NK News. Ce que l'on sait grâce aux images, c'est qu'il dispose d'un écran 2,5D, de bords en aluminium et d'un capteur d'empreintes sur la façade.

Le smartphone en Corée du Nord: un objet de luxe ou un gadget commun?

D'après NKNews, 2018 marque les dix ans de la mise en circulation légale des smartphones en Corée du Nord. D'après M. Asmolov, au début, les appareils auraient été délivrés principalement comme téléphones de fonction. De plus, seules des personnes jouissant d'un statut social élevé pouvaient en acheter.

Les premiers portables dans les rayons des magasins nord-coréens seraient plutôt de production chinoise que sud-coréenne, car «à ce moment-là, il n'y avait déjà pas de bons contacts avec le Sud», estime le professeur, soulignant toutefois que «bon nombre d'informations sur la Corée du Nord est basé sur des hypothèses».

À l'aéroport de Pyongyang, un poste de location de portables pour les étrangers

Le média affirme, en se référant au média d'État nord-coréen Sogwang, que le nombre d'abonnés mobiles a augmenté considérablement depuis lors, mais il reste cependant assez bas: plus de 3,5 millions de personnes sur 25 millions de Nord-Coréens.

«Ce n'est pas un objet que chacun possède, comme en Corée du Sud. Mais ce n'est pas non plus un objet de luxe. Il y avait une époque où un frigo en état de marche était un objet de luxe à Pyongyang, mais elle est révolue», souligne le scientifique.

Du Wi-Fi en Corée du Nord?

«Autant que je sache, le Wi-Fi n'existe que dans des zones appartenant à des ambassades, mais [les autorités] tenteraient de lutter contre ces installations pour que le peuple ne s'y connecte pas illégalement», a répondu l'expert à cette question.

En effet, en août 2014, les autorités de régulation de la radio d'État nord-coréenne ont informé les missions diplomatiques et autres organisations internationales opérant au sein du pays, que leur «droit d'utiliser les réseaux Wi-Fi et/ou locaux venait d'être abrogé», comme le rapporte NK News. La raison principale étant la sécurité nationale, les autorités ont néanmoins tenu à préciser qu'elles étaient «honorées d'informer [les entités étrangères] que les signaux émis par les réseaux sans fil de la région impactaient de manière négative le milieu environnant».

Un intranet national qui «brille»

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Kwangmyong, qui signifie «brillant», est un réseau IP national, l'intranet nord-coréen créé en 2000.  Destiné à un usage domestique, Kwangmyong n'est pas connecté à internet pour éviter des contacts entre des utilisateurs nationaux et des sources étrangères d'information et pour empêcher la fuite de données classifiées.

Ce réseau relie actuellement les bibliothèques, les universités et les différents ministères, comprend un certain nombre de sites nationaux, un système d'apprentissage en ligne, des bibliothèques électroniques et un service d'e-mails.

Cependant, selon M. Asmolov, fonctionnaires et personnes aisées ont une connexion internet. «Disons que, depuis la Corée du Nord, des gens jouent au jeu vidéo World of Tanks. D'après l'analyse du trafic, des gens jouent à des jeux, se rendent sur des services chinois de films et de musique, tout ce qui intéresse la jeunesse nord-coréenne. Outre des bases de données connectées à l'intranet, on peut également se connecter à internet: soit on tape directement l'adresse du site, soit on se rend sur des bases de données occidentales. La majeure partie des besoins d'un Nord-Coréen moyen est couverte par intranet. À en juger ce que l'on m'a raconté, des tableaux d'affichage, des chats, des sites de rencontres, des serveurs pour les jeux, etc., existent déjà dans l'intranet nord-coréen. Ils ont des tablettes connectée à intranet», explique le professeur.

Acheter des appli dans un véritable magasin

Étant donné que la majorité des utilisateurs de smartphones n'ont pas accès à internet, les utilisateurs doivent se rendre dans des centres de services technologiques où des techniciens installent les applications demandées sur leur téléphone portable. «La plupart des utilisateurs mobiles n'ont pas de bases de données même s'ils achètent un smartphone, ils doivent donc se satisfaire des applications installées telles que les jeux et les dictionnaires», a déclaré à NK News un expert de l'Institut économique coréen, Yonho Kim.

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D'après l'Android Authority, il existe près de 700 centres de ce type en Corée du Nord. L'une des applications les plus populaires serait une combinaison de Netflix et d'un lecteur de livres électroniques. Le portail mentionne également un jeu de course de moto appelé «Mt. Paektu to Mt. Hanna» et une application appelée «Ullim» qui permet aux utilisateurs de transférer de l'argent à d'autres utilisateurs en utilisant le numéro de téléphone du destinataire, ce qui ressemble au service PayPal.

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