Victor Massip et Laurent Lebot (les Faltazi), les deux designers nantais qui ont trouvé une solution (presque) miracle contre le fléau urbain du «pipi sauvage» peuvent être fiers: non seulement le concept d'Uritrottoir séduit de plus en plus de villes, y compris Paris, mais il est devenu l'objet de piratage industriel.
Depuis les premiers prototypes et les premières boîtes rouges mises en place à Nantes, les designers ont découvert exactement les mêmes installations chez les Hollandais! De quoi étonner nos inventeurs français…
«On est devenu l'objet d'espionnage industriel, s'insurge Laurent Lebot. à la rentrée, avec mes collaborateurs, nous allons réfléchir quelle attitude avoir vis-à-vis d'eux. C'est une copie conforme.»
Pour le créateur du concept français, l'idée est dans l'air et ces objets arrivent dans les rues des villes européennes, «parce qu'il y a une volonté de lutter contre le réchauffement climatique global. La valorisation des déchets participe au processus, même s'il s'agit d'un petit maillon comme l'Uritrottoir».
La venue des nouvelles vespasiennes dans les rues de la capitale hollandaise coïncide avec un débat public houleux qui a accompagné les premiers Uritrottoirs installés à titre expérimental à Paris.
«On n'est absolument pas étonnées qu'il y ait polémique. Un Uritrottoir sur l'île Saint-Louis est mal placé. Il n'était pas conçu pour "trôner", comme il l'est actuellement.»
«L'Uritrottoir a été pensé compact, avec un urinoir minimaliste, en tenant compte de demande de la police d'éviter l'installation d'une cabine, précise Laurent Lebot. ça changeait des vespasiennes d'antan, qui étaient les lieux insalubres avec des problèmes de vente de drogue, notamment.»
Il est vrai par ailleurs que les blocs sanitaires de JCDecaux, qui ont remplacé les anciennes pissotières, ne sont pas toujours pratiques. Ceux qui sont pressés préfèrent uriner sur un mur plutôt que d'attendre la fin d'un cycle de nettoyage-désinfection après le passage d'un client.
«Pour les pipis urgents, les sanisettes ne sont pas un service adéquat à 100%», explique Laurent Lebot pour défendre son invention.
Conçus pour l'utilisation nocturne et pour être glissés dans les recoins discrets où les hommes ont l'habitude d'aller uriner, ils peuvent être installés aux endroits d'«urgence» les plus appropriés.
L'Uritrottoir fait polémique, mais certains internautes ont choisi la carte de la dérision pour aborder la question.
«On en a huit à Nantes, raconte Laurent Lebot, le positionnement a été fait en concertation avec des riverains, pour qu'il trouve leur place. Un Uritrottoir n'est ni une poubelle ni un lampadaire, c'est un équipement beaucoup plus complexe à positionner. Pour qu'il fonctionne correctement et soit accepté, il faut avoir interrogé les habitants. Après une période d'expérimentation, on valide ou pas cette installation à cet endroit précis.»
«Nous sommes juste les concepteurs. ensuite, pour que le service soit efficace, il est indispensable que la gestion soit optimale», dit le designer.
Pour que l'Uritrottoir soit accepté, le gestionnaire doit arroser le bac à fleurs, le vider. En plus, l'Uritrottoir est un objet connecté, une sonde à l'intérieur signale le niveau d'urine. Mais ce qui a du mal à passer à Paris passe très facilement en Hollande et en Belgique: des urinoirs publics font maintenant partie du paysage, cela ne gêne personne. Pour Laurent Lebot, il s'agit d'un problème culturel. Pourtant, face aux contrefaçons hollandaises, les deux designers —distributeurs sont très déçus que les producteurs n'aient pas opté pour une version complètement différente. Laurent Lebot ne compte pas baisser la garde et met les points sur les i:
«On a fait un dépôt de modèle. Ils n'ont pas droit de nous copier. Si le cadre juridique le permet, nous pouvons les attaquer. L'Uritrottoir est protégé.»