S’emparer d’un avion pour prendre la fuite, survoler plusieurs pays, éviter des avions ennemis et la défense antiaérienne de son propre pays? Ce mode d’évasion rappelle plutôt le scénario d’un film, mais il y a des histoires réelles qui n’ont rien à envier aux inventions des scénaristes. En voilà quelques-unes.
Un avion-cargo qui s’enfuit de Kandahar
Le 16 août 1996, les sept membres d’équipage d’un avion de transport russe Iliouchine Il-76 capturé par les talibans en Afghanistan sont parvenus à s’évader après 378 jours en captivité.
Cette histoire a commencé le 3 août 1995, lorsque l’Il-76TD transportant des munitions pour les armes d’infanterie de Tirana (Albanie) à la base de Bagram à Kaboul (Afghanistan) a été forcé d’atterrir à Kandahar, un bastion des talibans, synonyme de terreur pendant de nombreuses années.
Capturés, les aviateurs ont souffert du manque d’eau et de nourriture et ont été soumis à des tentatives constantes de les convertir à l’islam. En plus, ils craignaient pour leur vie, puisque les munitions découvertes à bord de leur avion étaient destinées à l’Alliance du Nord du commandant Massoud qui luttait contre les islamistes.
Les pilotes ont réussi à persuader les islamistes qu’il fallait effectuer des travaux de maintenance réguliers sur l’Iliouchine. Le 16 août 1996, l’équipage commandé par Vladimir Charpatov a réussi à mettre en marche les moteurs de l’avion pendant une visite de maintenance, alors que la plupart de leurs gardiens faisaient leurs prières du vendredi. Les services aéroportuaires de Kandahar n’ont pas pu empêcher le décollage.
L’avion, volant à basse altitude, a traversé l’espace aérien iranien avant d’atterrir à Charjah, aux Émirats arabes unis.
Les pilotes sont rentrés en Russie le 19 août.
En 2010, un drame passionnant intitulé Kandahar et consacré à cette évasion a fait un tabac au moment de sa sortie en salles.
Son réalisateur Andreï Kavoun a directement consulté Vladimir Charpatov, que le cinéaste considérait comme étant «une sorte de Bruce Willis russe», d’après le site Eurochannel.com.
Première évasion à bord d’un avion ennemi pendant la 2e Guerre mondiale
Le 11 août 1943, Nikolaï Lochakov est devenu le premier pilote à détourner un avion ennemi pour rentrer chez les siens, alors qu’il avait moins de 20 ans. Blessé pendant un combat, ce pilote de chasse a été fait prisonnier le 27 mai 1943.
Après de nombreux interrogatoires, il a formellement accepté d’être pilote de l’aviation allemande ce qui lui a permis d’avoir accès à l’aérodrome. Il a fait connaissance avec un autre prisonnier de guerre soviétique, Ivan Denissiouk, qui était chargé de ravitailler les avions en carburant.
Denissiouk s’est procuré un uniforme allemand et a fait plusieurs dessins des tableaux de bord des avions nazis pour Lochakov. Les deux hommes sont parvenus à voler un avion de reconnaissance Fieseler Fi 156 surnommé Storch (Cigogne).
Quand l’appareil a décollé, les Allemands ont alerté toutes les unités militaires voisines, mais l’avion piloté par Lochakov a réussi à s’enfuir malgré les nombreux tirs. Lochakov a encore été blessé, mais après trois heures de vol, il a parcouru une distance de 300 km avant de se poser sur un territoire contrôlé par les troupes soviétiques.
En 1960, le réalisateur Veniamin Solomonik a tourné un documentaire consacré à cet exploit où les spectateurs pouvaient voir le lieu d’atterrissage du Storch. Cette histoire a également inspiré le réalisateur Grigori Tchoukhraï qui a créé un film intitulé Ciel pur (1961).
Évasion audacieuse d’un détenu de camp de concentration
Le 8 février 1945, un groupe de 10 prisonniers militaires russes dirigé par le pilote Sergueï Deviataïev s’est évadé au nez et à la barbe des nazis à bord d’un bimoteur Heinkel He 111 de la base d’essai de Peenemünde située sur l’île côtière d’Usedom, en mer Baltique.
Deviataïev a été fait prisonnier après que son avion a été abattu en juillet 1944 dans un combat près de Lvov. Il est passé par le camp des prisonniers de guerre de Lodz, où sa première tentative d’évasion a échoué en août. Condamné à mort, il a été envoyé au camp de concentration d'Oranienbourg-Sachsenhausen où il a réussi à se procurer le numéro de matricule d’un autre détenu, un enseignant tué par les gardiens. Plus tard, il a été envoyé au laboratoire militaire de Peenemünde avec d’autres détenus. Et il y a réalisé un nouveau plan d’évasion.
Deviataïev et ses complices faisaient partie d’un groupe chargé de camoufler les avions sur l’aérodrome de Peenemünde. Ils ont mis des jours pour étudier les habitudes du personnel. Le jour J, ils se sont emparés d’un Heinkel, tuant une sentinelle.
D’après un survivant du camp cité sur le site Résistance-Massif-Central, un gros avion a brusquement commencé à rouler sur la piste, avant de prendre de la vitesse et de décoller péniblement.
Deviataïev ne connaissait presque rien de l’appareil dont il a dû prendre les commandes. Mais cela ne l’a pas empêché de réussir le décollage, d’atteindre les positions des troupes soviétiques malgré les tirs de la défense antiaérienne et de poser l’avion près de Varsovie. Pendant le vol effectué à ras le sol, le bombardier est resté invisible pour les chasseurs qui le recherchaient à une plus haute altitude et n’a éveillé aucun soupçon chez les nazis qu’il survolait.
Les passagers de l’avion sont arrivés sains et saufs. En plus, l’avion a conservé tous les équipements de télémétrie utilisés par les Allemands pour tester les missiles meurtriers V1 et V2. Cela a plus tard facilité la tâche des ingénieurs soviétiques qui travaillaient sur un missile de même type.
Deviataïev, qui a révélé aux services de renseignement de son pays la vraie position de l’aérodrome de Peenemünde, aurait même changé le cours de la guerre. Les bombardements menés d’après ses coordonnées ont mis fin aux essais du V2 et à l’exploitation du polygone de Peenemünde. Deviataïev a été fait Héros de l’Union soviétique en 1957. Plusieurs monuments ont été érigés en URSS et même en Allemagne en mémoire de son exploit.