Périple d’un Français de Paris à Moscou, bouée de sauvetage des migrants de l’Aquarius

Neuf pays, 6.000 km parcourus, pas un seul centime en poche: le périple extraordinaire entrepris par un Français, qui l’a emmené de Paris à Moscou, visait à lever 11.000 euros pour le navire des migrants Aquarius. L’aventurier a confié à Sputnik quels obstacles l’attendaient en Europe sur la route du pays accueillant le Mondial.
Sputnik

11.000 euros, voici le prix d'un jour de dérive du bateau Aquarius qui vient en aide aux embarcations de migrants en détresse au large de la Libye. C'est cette somme que le Français Sasha De Laage s'est donné pour mission de récolter lors d'un énorme périple intitulé Get him to Moscow qu'il a effectué sans un seul euro en poche, mais pourtant, étant extrêmement motivé pour pouvoir atténuer la crise migratoire qu'il considère comme «une honte européenne».

Le défi pour contrer «l'indifférence générale» 

Ayant décidé de voyager de Paris à Moscou dans la période où a eu lieu la finale de la Coupe du Monde, Sasha avait surtout envie d'agir pour les réfugiés, outre son goût pour le challenge qu'il a de nature:

«Je ne pouvais pas rester là, les bras croisés, pendant que des hommes, des femmes, des enfants se noient aux portes de l'Europe. Je suis convaincu que dans 50 ans, on regardera cette crise migratoire comme une honte européenne, et je ne veux pas faire partie de l'indifférence générale.»

La Coupe du Monde, «symbole de respect et d'espoir» qui rassemble les gens, s'est avérée être le meilleur cadre pour la réalisation de cette initiative et a facilement fait de Moscou le point final de ce voyage, a confié Sasha à Sputnik avant d'expliquer que c'était un épisode en Colombie qui l'avait poussé à faire ce choix:

«Je me suis retrouvé coincé sans argent pendant cinq jours à Carthagène, tous les gens ont été tellement sympa avec moi que je m'étais dit qu'il faudrait retenter l'expérience, de façon plus structurée. […] J'ai eu l'idée de faire cette marche solidaire pour SOS Méditerranée qui est une association que je suivais depuis sa création en 2015».

De la bienveillance à l'agressivité en Europe à propos des réfugiés

Tout n'a pas été si facile lors de ce voyage. La réaction des gens variait énormément d'un pays à l'autre. Alors que les uns manifestaient beaucoup de cordialité, d'autres réagissaient à l'initiative de soutenir l'Aquarius avec incompréhension, voire agressivité:

«En Allemagne, tout le monde était très enthousiaste par exemple. En Autriche et en République tchèque, beaucoup moins. Et dans les pays baltes, les gens étaient plus indifférents. Je pense qu'ils sont moins confrontés à cette réalité là-haut.»

Pour illustrer l'un des épisodes les plus durs du voyage, Sasha revient sur une journée en Tchéquie, lorsqu'il s'est retrouvé sous un orage au milieu de nulle part, sans un toit.

«Je me suis mis à paniquer et j'ai éclaté en sanglot. Et je me suis dit: "Allez, évacue la fatigue et le stress. Par contre dans trois minutes, tu te relèves parce qu'après ça sera trop tard!". Finalement, j'ai trouvé un vieil arrêt de bus sous lequel j'ai posé mon hamac juste à temps.»

Et de poursuivre:

«Plus tôt dans la journée, j'ai cru que j'allais me faire casser la gueule par un camionneur! C'était encore en République tchèque. J'étais sur une aire d'autoroute vide, et il n'y avait qu'un camion. Je lui demande s'il peut m'emmener jusqu'en Pologne, ce qu'il accepte. Mais quand je lui ai expliqué que je faisais cette marche solidaire pour financer l'Aquarius et venir en secours aux réfugiés, il a pris mon sac, l'a balancé, et m'a poussé agressivement! C'est la seule fois que j'ai eu un peu peur pendant le voyage!»

Et ceci, par opposition à la Pologne, qui a étonné Sasha par son hospitalité, ou à l'Allemagne où il a ressenti le plus de soutien moral. Il a réalisé son voyage en faisant du stop, sauf parfois où des gens lui offraient des billets de train ou de bus, il cherchait des logements sur internet ou sur place et avait sur lui un hamac portable:

«Franchement, en général, les personnes étaient surtout très intriguées par ma démarche. Souvent, les personnes m'aidaient, m'offraient un café ou un bout de pain, mais plus pour supporter mon défi que la cause des réfugiés.»

Voir l'Aquarius et les personnes engagées de ses propres yeux

Une fois le point final du voyage atteint, l'aventure n'était toutefois pas terminée. Quand Sasha est rentré à Marseille, il est allé voir l'Aquarius, ayant réussi à récolter 7.500 euros durant son voyage:

«C'était très émouvant de rencontrer les marins, les sauveteurs, toutes les équipes. C'était eux qui me donnaient la force de continuer tous les jours!»

Par ces temps, alors que l'Italie tient à interdire l'entrée au bateau humanitaire Aquarius dans un port italien, la situation ne fait que s'aggraver:

Matteo Salvini refuse de nouveau d’accueillir l’Aquarius dans un port italien

«L'Italie nous a fermé ses portes […]. Du coup, l'Aquarius repart en mer sans même savoir où seront débarqués les réfugiés… C'est un moment clé pour la survie de l'association, et c'est super important que les gens se mobilisent pour que nos gouvernements prennent les décisions nécessaires pour ne pas trahir les valeurs humanistes de l'Europe», estime Sasha.

En ce qui concerne la collecte de fonds, Sasha explique qu'il a des sponsors qui le suivent et qui le soutiennent:

«Dans l'absolu, l'idée était de dire que pour chaque euro que je recevais en solidarité sur la route, l'équivalent de 10 euros serait reversé à l'association. En parallèle des sponsors, j'ai aussi une collecte sur la plateforme HelloAsso où n'importe qui peut contribuer en donnant ce qu'il veut.»

Moscou, point final du périple

Ayant traversé de nombreuses villes dans huit pays européens, à savoir la France, l'Allemagne, l'Autriche, la République tchèque, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, Sasha a finalement atteint son but, Moscou, où il a été époustouflé par la bienveillance des gens et par l'organisation «impeccable» de la Coupe du Monde même si, à défaut d'un Fan ID, il n'a pas réussi à assister à la finale.

«J'ai été très agréablement surpris par l'accueil des Russes. Je pensais arriver dans un pays froid, mais au contraire, j'ai été très impressionné par l'hospitalité des gens ici.»

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