Sous-marin «mini» et «supercorvette»: ce qui a marqué le Salon maritime d'Extrême-Orient

Un millier de participants, 15 réunions d'affaires, 21 délégations de différents pays et une chaleur de 30°C – le Salon maritime international d'Extrême-Orient s'est déroulé le weekend dernier sur l'île Rousski à Vladivostok.
Sputnik

Contrairement au forum naval organisé chaque été à Saint-Pétersbourg, le Salon maritime international d'Extrême-Orient (MDMS 2018) était consacré à la construction navale civile. Néanmoins, ce salon, organisé pour la première fois dans la ville où est stationnée la flotte du Pacifique, ne pouvait pas se dérouler sans une note militaire. Quelles questions de développement de la marine russe ont été mentionnées directement ou indirectement en marge du MDMS 2018?

Un sous-marin miniature

Les activités d'affaires et d'exposition du salon ont été organisées dans les locaux centraux du campus très moderne de l'Université fédérale d'Extrême-Orient construit sur Rousski pour le sommet de l'APEC en 2012. L'établissement forme des cadres dans des dizaines de spécialités plus ou moins liées à la mer, de nombreux étudiants, malgré les vacances, sont venus entendre les discours des maîtres de la construction navale russe. La chaleur record pour Vladivostok de 30°C a apporté des changements à la tenue des participants qui ont tombé la veste et ont desserré la cravate. Cependant, dans les locaux, où sur des milliers de mètres carrés ont été installés des stands, régnait le frais salvateur.

L'envergure de l'exposition après la diversité des salons navals de Saint-Pétersbourg n'était pas impressionnante, la plupart des maquettes représentaient les navires déjà en service dans la marine de la Russie et d'autres pays. Mais il y avait tout de même certaines nouveautés navales curieuses. L'une d'elles — le sous-marin miniature côtier P-650E du bureau de construction mécanique Malakhit. Sa longueur est de seulement 55 m, largeur — 6,5 m, déplacement d'eau — 720 t. En dépit de ses gabarits modestes ce sous-marin peut donner du fil à retordre à tout ennemi naval.

«Le sous-marin est doté de torpilles, de mines et de missiles Kalibr, explique le constructeur en chef de Malakhit Igor Karavaev. Le P-650E est l'un des représentants de notre série de projets conceptuels de sous-marins petits et miniatures avec un déplacement d'eau compris entre 200 et 1.000 tonnes. Ils remplissent les mêmes missions que leurs frères aînés, mais dans les eaux où les grands sous-marins ne travaillent pas. Par exemple, en mer Caspienne et Baltique. Le P-650E se sentira confortablement dans les détroits, les régions peu profondes et les ports. Il est même capable d'entrer dans les ports et les bases navales adverses. L'un des principaux avantages du P-650E est sa propulsion anaérobie permettant au sous-marin de recharger les batteries sans refaire surface.»

Spectaculaire plongée à bord du sous-marin le plus silencieux du monde
Un autre grand avantage du P-650E est le haut niveau d'automatisation. L'équipage compte seulement 9 personnes. Ce n'est pas un secret que la formation d'un équipage compétent d'un sous-marin est aussi longue et coûteuse que sa construction. L'effectif réduit du sous-marin permet d'entraîner plusieurs équipages à la fois et donc de mettre en service davantage de sous-marins de taille réduite.

Parmi les autres nouveautés — le patrouilleur océanique du bureau d'étude et de construction de Zelenodolsk. Il sera construit sur la base du patrouilleur du projet 11661 (des frégates russes Tatarstan et Daghestan et quatre navires acquis par le Vietnam sous le nom d'exportation Guepard-3.9), la version modernisée a été baptisée Guepard-5.1. Le navire destiné essentiellement aux acheteurs étrangers affichera une meilleure navigabilité que les premières frégates et pourra travailler dans les régions lointaines, contrairement aux Tatarstan et Daghestan affectés à la flottille caspienne. Son déplacement d'eau — 2.000 t, autonomie — 20 jours, vitesse maximale — 23 nœuds, équipage — 60 hommes. Le patrouilleur n'embarque pas de missiles de croisière, en revanche il est muni d'un canon de 76,2 mm AK-176MA, d'un canon d'artillerie de 30 mm AK-306-09, de mitrailleuses et de lance-roquettes anti-sabotage.

Des robots maritimes

Pendant le MDMS 2018 une attention particulière a été accordée à la robotique maritime moderne. Des drones de surface et sous-marins contrôlés à distance sont utilisés depuis longtemps dans les flottes militaires et civiles des pays développés. Le concours pour les étudiants de l'université fédérale d'Extrême-Orient qui souhaitent être formés dans cette spécialité prometteuse atteint 15 personnes pour une place, ce qui témoigne du potentiel de cette sphère. Le secteur d'application des robots en mer est extrêmement large: des recherches du fond marin aux opérations de sauvetage. Le drone sous-marin équipé d'un manipulateur est capable, par exemple, de démêler les hélices d'un sous-marin tombé dans des filets de pêche. Alors que la vedette autonome du groupe Morinformsistema-Agat conçue sur la base d'un jet peut jouer le rôle d'une passerelle de retransmission hydroacoustique ou de transporter le fret dans d'autres régions.

Outre les maquettes et les modèles grandeur nature, l'exposition a présenté un véritable simulateur d'opérateur des robots sous-marins: un tableau de bord avec de nombreux leviers, manettes, deux manipulateurs et des moniteurs qui retransmettent les images des caméras du drone. Deux membres du forum ont tenté, en vain, d'accomplir un exercice — sectionner un câble par un manipulateur à une profondeur de 5 km. Ils étaient constamment emportés par le courant qui empêchait de viser correctement.

«Le simulateur se rapproche au maximum des conditions réelles sous l'eau, explique Nikolaï Zolkine, spécialiste du Centre de formation des opérateurs de drones sous-marins. En allumant son projecteur à grande profondeur, le drone est immédiatement entouré par les poissons curieux, ce qui gêne sérieusement le travail des opérateurs. C'est également pris en compte, entre autres, dans le simulateur. Le spécialiste formé sur ce système saura réagir en situations extraordinaires.»

Le sort des ekranoplans

Les ingénieurs du Bureau d'étude central Alexeev, qui avait conçu à l'époque soviétique les célèbres bateaux rapides à ailes sous-marines Meteor, Voskhod et Raketa, ont présenté au salon une gamme de de navires censés remplacer les vétérans obsolètes du marché de transport de passagers. Pendant la présentation les visiteurs ont pu voir le Valdaï-45R prévu pour 45 passagers qui naviguait en régime d'essai sur les fleuves et les canaux de Saint-Pétersbourg, le Kometa 120M s'élançant jusqu'à 35 nœuds (64 km/h), l'immense Tornado pour 250 passagers atteignant 55 nœuds (100 km/h), ainsi que plusieurs autres nouveautés intéressantes.

Les projets des premiers ekranoplans (engins à effet de sol) post-soviétiques modernes A-050-742D et A-020-538 ont fait sensation. Le bureau Alexeev a beaucoup d'expérience — ses spécialistes avaient conçu les célèbres appareils soviétiques Loun, KM, Orlenok et autres. Les nouveaux ekranoplans peuvent servir, entre autres, dans les missions de sauvetage ou pour les lancements habités depuis le cosmodrome Vostotchny. Si en cas d'incident la capsule avec les cosmonautes se retrouvaient en mer, l'A-050-742D viendrait en aide très rapidement — à 450 km/h. A la question de savoir si les ekranoplans militaires ont un avenir, les responsables du bureau sont évasifs.

«Nous avons une base pour cela, a déclaré Alexeï Alexeev, membre du conseil d'administration du bureau. Mais tout le monde connaît parfaitement l'attitude négative des marins pour le matériel de ce genre. En URSS, le programme des ekranoplans d'attaque était supervisé personnellement par le commandant de la marine l'amiral Sergueï Gorchkov et le ministre de la Défense le maréchal Dmitri Oustinov. C'est pourquoi il a été réalisé. Mais aujourd'hui il n'y a pas de décision politique ferme pour entamer les travaux dans ce secteur.»

De toute évidence, cette décision a été prise immédiatement après le forum. Lundi, le vice-premier ministre Iouri Borissov, qui a participé au salon MDMS 2018, a déclaré que dans le cadre du programme public des armements pour 2018-2027 serait construit un prototype d'ekranoplan lance-missile selon le projet Orlan. D'après le responsable, ce matériel pourra notamment assurer la sécurité de la Route maritime du Nord.

Un nouveau navire très attendu

En dépit des nombreuses maquettes, des projets et des présentations, le fond principal pour le salon MDMS 2018 est représenté par les navires de guerre de la flotte du Pacifique. Le défilé de pavillons avec le croiseur lance-missile Variag s'est mis au mouillage à l'extérieur de Vladivostok en prévision de la fête principale de tous les marins du pays — Journée de la Marine. Sur ordre du commandant de la flotte du Pacifique l'amiral Sergueï Avakiants, deux navires — la corvette Soverchenny et la vedette anti-sabotage Gratchonok — ne s'étaient pas joints au groupe. Ils ont été amarrés près du quai 33 de la ville dans la baie Zolotoï Rog pour le plaisir des locaux et des touristes.

La corvette a été ouverte aux visites pour seulement une demi-heure: les personnes souhaitant visiter le navire le plus moderne de la flotte, mis en service il y a seulement un an, ont rempli toute la piste pour les hélicoptères. Deux matelots ont été immédiatement placés devant la trappe pour empêcher les intrus de passer. «Vous pourriez dévisser quelque chose, alors que nous devons encore participer au défilé. Nous coulerons sous les yeux de tous et c'est nous qui seront tenus pour responsables», plaisantent les marins.

En réalité, il est impossible d'organiser une excursion à part entière à bord u Soverchenny. La vaste superstructure avec des formes cassées et angulaires selon la technologie furtive occupe le pont sur toute la largeur. Pour rejoindre l'avant du navire il est nécessaire de passer sous le pont. Or ces locaux sont interdits aux civils — les «entrailles» du Soverchenny abritent de nombreux secrets qui intéresseraient les renseignements étrangers.

C'était donc à la vedette anti-sabotage Iounarmeets Primoria du projet 21980 Gratchonok de prendre le relais. La marine russe compte 16 bâtiments de cette classe. Ces vedettes de seulement 139 tonnes de déplacement d'eau n'embarquent pas d'armements d'attaque, mais ils disposent du nécessaire pour lutter contre les pirates et les saboteurs. A l'avant — une mitrailleuse de 14,5 mm, sur la superstructure — un lance-grenade DP-65A à dix canons contrôlé à distance. Sur les bords se trouvent des plateformes spéciales avec des fixations pour les opérateurs des systèmes antiaériens Igla-1. Ils permettent de tirer sur des cibles aériennes sans tenir compte de l'agitation de la mer.

«Les yeux de la vedette — le sonar submersible Anapa, explique l'officier Sergueï Kachperski. En cas de soupçons que des plongeurs ennemis travaillent dans la zone, nous le plongeons dans l'eau par un câble. Il est très précis et peut distinguer un homme d'un grand poisson. Après la détection d'un saboteur nous fixons la profondeur nécessaire de l'explosion et tirons avec le DP-65A. Puis ce sont nos nageurs de combat qui prennent le relais — ils plongent pour découvrir si quelqu'un a été touché par le lance-grenade.»

A l'intérieur, le Iounarmeets Primoria est doté de tous les équipements nécessaires pour une navigation autonome pendant 5 jours. L'équipage de la vedette compte neuf hommes, sans compter l'équipe de plongeurs. Ce Gratchonok est le deuxième navire du projet construit par les chantiers navals Vostotchny de Vladivostok, qui est en service depuis quatre ans. Il y a peu de place sur le pont, mais une vedette n'est pas censée être spacieuse. Le plus important est qu'il soit agréable de servir à bord.

«Un navire moderne est tout de même une excellente chose, a reconnu le commandant du Gratchonok le maître principal Alexandre Kozine. Ils ont pris beaucoup d'avance par rapport aux vedettes soviétiques Flamingo de par la qualité et la composition des équipements électroniques, les performances de navigation et l'ergonomie. Nous ne restons pas les bras croisés. Pendant la célébration de la Journée de la Marine nous veillerons à la sécurité des navires qui participent au défilé. J'espère vraiment que dans les années à venir de nouveaux pavillons feront leur apparition parmi eux. Cela fait longtemps que la flotte du Pacifique n'avait pas vu de nouveaux navires. Mais nos vedettes et la corvette Soverchenny prouvent que la situation s'améliore.»

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