Pourquoi le problème de préservation du plus grand sanctuaire judaïque risque de ne pas être réglé?
C'est de la faute à Newton
La pierre de 100 kg qui est tombée du Mur des Lamentations a éclaté juste devant Daniella Goldberg, 79 ans, qui priait. Cette dernière et d'autres personnes à proximité ont eu plus de peur que de mal. Les habitants de Jérusalem ont immédiatement commencé à parler d'un miracle.
Mais les croyants persistent. Des débats s'enflamment sur internet concernant l'interprétation des faits: est-ce un mauvais signe ou un présage des temps meilleurs? Car certains juifs croient que tôt ou tard le Temple sera reconstruit à Jérusalem, et il ne faudra plus prier devant le Mur des Lamentations.
«On peut affirmer que c'est la conséquence de la loi de la gravitation universelle donnée par Dieu et découverte par Isaak Newton. Le reste, selon moi, ce sont des spéculations. Les avis divergent à Jérusalem, et certains attribuent à cet incident une signification particulière en fonction de sa vision du monde», souligne le rabbin Shimon Levin.
Il est persuadé que les autorités israéliennes feront tout pour la sécurité des croyants. La mairie de Jérusalem déjà exigé de vérifier plus souvent l'état des sanctuaires afin de réduire les risques de tels incidents.
Le Mur des Lamentations est le seul sanctuaire dans la partie historique de Jérusalem qu'il est possible de visiter 24 heures sur 24. Cela crée des difficultés pour les archéologues. De plus, différents secteurs sont prévus au Mur des Lamentations pour les différents courants du judaïsme.
En 2016 déjà des spécialistes avaient averti le Premier ministre que les juifs réformistes avaient obtenu la partie la plus problématique. Et voici que leurs craintes se sont confirmées.
«Nous parlons d'un mur de deux mille ans, et il existe évidemment des risques pour sa préservation. Mais je ne suis pas sûr qu'après cette pierre d'autres commenceront forcément à tomber», déclare l'archéologue en chef de l'Autorité israélienne des antiquités Joe Uziel.
«Quoi qu'il en soit, il faut procéder à un vaste travail pour la conservation et s'assurer que le mur ne s'effondrera pas», poursuit le chercheur.
Ce qui devrait prendre beaucoup de temps, selon lui. Après tout, il ne s'agit pas d'un simple renfort de la structure, mais d'une étude scientifique à part entière d'un monument archéologique.
«Un crime contre les religions»
Le projet de préservation du Mur des Lamentations est relativement coûteux, précise le professeur Joe Uziel. Ce n'est pas à la portée de la communauté scientifique, qui aura besoin d'une aide de l'État. Mais il existe en l'occurrence un aspect majeur que les experts préfèrent ne pas mentionner.
Des affrontements ont eu lieu vendredi sur le mont du Temple entre des musulmans locaux et la police israélienne. Et à la veille le porte-parole du Mouvement de libération nationale palestinienne (Fatah) Osama Qawasmeh, en commentant l'incident au Mur des Lamentations, a accusé les Israéliens de creuser sous le mont du Temple.
«Les raids souterrains sous la forme de fouilles archéologiques permanentes sont un crime contre toutes les religions, une violation grossière de la sainteté de l'islam, ainsi qu'un encouragement de l'extrémisme et du fanatisme religieux aveugle. Tout cela a été planifié malicieusement par le gouvernement israélien pour saper toute possibilité de coexistence dans la région», cite ses propos l'agence palestinienne Maan.
Le fait est que sur le mont du Temple se trouve le troisième plus important sanctuaire de l'islam — la mosquée al-Aqsa. Elle est supervisée, comme tout le périmètre du mont, par un habis (waqf) islamique. Et le statut de protecteur du sanctuaire est attribué au roi de la Jordanie qui alloue périodiquement de l'argent pour la restauration des mosquées situées sur le mont.
Le problème juridique
«Tout le complexe de la mosquée al-Aqsa le long du périmètre, y compris le Mur des Lamentations, fait partie intégrante de la propriété du waqf. Cela a été prévu encore par la législation de l'Empire ottoman. Mais depuis l'établissement du mandat britannique, quand les Juifs ont commencé à revenir en Palestine historique, des problèmes survenaient toujours sur ce territoire», explique l'orientaliste Mikhaïl Iakouchev.
Par exemple, l'un des plus importants affrontements entre les juifs et les musulmans dans les années 1920 a commencé à cause d'une chaise laissée devant le Mur des Lamentations. Et depuis 1967, après la guerre des Six jours, le sanctuaire judaïque est contrôlé de facto par Israël. Mais le litige autour de lui, tout comme autour du mont du Temple, n'est toujours pas réglé.
«Au sommet de Camp David en 2000, où était évoqué le statut définitif de Jérusalem, les Israéliens avaient exigé la «souveraineté aérienne et souterraine» sur l'ensemble du complexe de la mosquée al-Aqsa. Yasser Arafat l'avait refusé en disant que ce n'est pas son sanctuaire personnel ni palestinien, mais de l'ensemble du monde islamique», souligne l'expert.
«Mais dans cette résolution de l'Onu le terme «territoire occupé» est précédé par un article indéfini, c'est pourquoi tout le monde interprète ce document à sa manière. Et les Israéliens considèrent qu'elle ne se réfère pas à tous les territoires occupés», explique-t-il.
Tôt ou tard, selon l'orientaliste, les juifs et les musulmans devront s'entendre sur la restauration du Mur des Lamentations. Car ce n'est pas seulement la sauvegarde des sanctuaires religieux qui est en jeu, mais également la paix dans toute la région.