Le 23 juillet dernier, un tireur faisait 2 morts et 13 blessés dans Greektown, à Toronto. Le tueur, Faisal Hussain, a été abattu par les policiers après la fusillade. Le lendemain, l'attaque a été revendiquée par le groupe État islamique, mais les policiers ne sont pas convaincus de l'allégeance du tueur envers l'organisation djihadiste. Pour l'instant, la police privilégie la piste de la maladie mentale, une hypothèse qui revient de plus en plus souvent lorsqu'il est question de terrorisme…
Des attentats de plus en plus fréquents
Pour en rajouter, en mai 2018, deux personnes ont fait exploser une bombe artisanale dans un restaurant indien à Mississauga, une banlieue de Toronto. L'attaque a fait une quinzaine de blessés, dont trois graves. Au départ, les gens ont cru à un crime haineux visant la communauté indienne, mais les policiers cherchent encore le mobile du crime, de même que les deux suspects.
Dans une lettre parue samedi dernier, le correspondant au Canada du New York Times, Dan Bilefsky, s'étonne que Toronto puisse aujourd'hui être confrontée aux mêmes problèmes que Paris et Londres. Pendant plusieurs années, Bilefsky a été correspondant au Canada, pays où il est récemment revenu. Il note des changements:
«Je n'aurais jamais imaginé que j'écrirais sur les fourgonnettes des rues de Toronto, sur les suites d'une attaque contre une mosquée de Québec ou, maintenant, sur une ville de Toronto apparemment assiégée par la violence armée. Le pays que j'ai quitté a-t-il perdu son innocence?» a-t-il écrit dans les pages du quotidien new-yorkais.
Bilefsky nuance toutefois sa propre vision. Selon lui, Toronto demeure tout de même moins troublée que d'autres métropoles nord-américaines. Est-ce vraiment le cas?
Le nombre de crimes en augmentation
Au lendemain du dernier attentat, la ville de Toronto a demandé au gouvernement fédéral et au gouvernement ontarien de lui verser une somme de 45 millions de dollars canadiens pour l'aider à combattre la violence. Les élus municipaux devront prochainement approuver une demande de subventions pour mettre en œuvre les programmes de prévention et d'intervention de la ville contre la violence criminelle. Selon le maire de Toronto, John Tory, la ville connaît la pire flambée de violence de son histoire. Rien de moins…
Des fusillades qui se multiplient
Le chef de la police de Toronto, Mark Saunders, a aussi annoncé qu'il souhait qu'un plus grand nombre de caméras de surveillance et de capteurs acoustiques soient installés partout dans la ville pour prévenir la violence. Dans la même veine, le 12 juillet, le chef de la police annonçait déjà que 200 policiers supplémentaires seraient déployés dans les rues.
Interrogé en exclusivité par Sputnik, le spécialiste de la violence criminelle et ancien enquêteur de la Sûreté du Québec, Paul Laurier, se dit préoccupé par l’évolution récente de Toronto. Selon lui, les autorités torontoises ont «perdu le contrôle». En entrevueLors de notre entretien, il évoque une situation «catastrophique».
M. Laurier, qui commente régulièrement les affaires criminelles à la télévision, croit que cette situation est le résultat de plusieurs facteurs. Tout d’abord, il affirme que l’augmentation du coût de la vie peut avoir aidé le crime organisé.
«Quand les gens sont moins riches, ils sont plus susceptibles d’adopter de mauvais comportements», explique-t-il».
Ensuite, le départ de certaines tranches de la population vers les banlieues aurait favorisé le développement «ghettos». Selon l’ex-policier, il y aurait même du trafic d’armes illégales dans certaines écoles secondaires du Nord-Est de la ville. Plusieurs jeunes de 16 et 17 ans posséderaientposséderaient une arme illégale dans la Ville Reine.
«Il n’y a pas si longtemps, je suis allé à Toronto, et malgré toute mon expérience d’ancien policier, je ne me sentais pas complètement en sécurité vers minuit, au centre-ville. Nous sentons que la ville a changé », a-t-il dit à Sputnik.
Ceci étant, Toronto se fait aussi remarquer par certaines tensions interculturelles qui y sont apparues dernièrement. Une réalité qui remet en question le paradis multiculturel canadien. La semaine dernière, une enquête a été ouverte concernant un homme qui a publiquement proféré des menaces contre des citoyens musulmans, une scène qui a été filmée. À son tour, cette histoire a fait les manchettes.
La fin du rêve multiculturel?
Entre 2010 et 2012, environ 200 femmes, en grande majorité musulmanes, ont été mariées de force à des hommes en Ontario. Selon le groupe South Asian Legal Clinic of Ontario, un organisme d'aide juridique destiné aux femmes immigrées, 68% des victimes avaient reçu des menaces, 59% avaient subi des violences physiques et 26% des violences sexuelles.
Âgées de 16 à 34 ans, les victimes étaient surtout originaires d'Afghanistan, de Turquie, du Sénégal et du Royaume-Uni. Certaines de ces jeunes femmes ont quitté leur pays d'origine pour être mariées contre leur gré au Canada. Plusieurs se sont retrouvées à Toronto, métropole de l'Ontario.
Les mariages forcés, une nouvelle réalité canadienne?
«Il faut réfléchir aux impacts du multiculturalisme sur les droits des femmes au Canada, car cette idéologie n'aide pas les femmes qui arrivent des sociétés plus traditionnelles. À Toronto, la situation actuelle doit être vue comme un signal d'alarme», a affirmé Mme Guilbault au téléphone.
Attaques terroristes, violence armée et atteinte aux droits des femmes: autant d'éléments qui n'améliore pas l'image de la Ville Reine.