«Quand on nous prive de la mer, c'est comme une prison», déclarait en octobre dernier Annick Girardin, ministre des Outre-Mer, en visite à La Réunion.
C'est la région du monde la plus endeuillée par des attaques de requins. Comme le confirme cette étude réalisée par des chercheurs de l'Université de La Réunion: « le taux annuel d'incidence des morsures de requins à La Réunion est parmi les plus élevés au monde». La probabilité de se faire attaquer par un requin « a été multipliée par 23 sur la période 2005-2016 » et la fréquentation du littoral par les surfeurs « a été divisée par 10 entre 2011 et 2016».
La crise dure et déchire les habitants quant à la manière d'y faire face et opère même un « glissement ethnique », selon Jean-François Nativel, président de l'Océan Prévention Réunion (OPR): « les requins ‘réunionnais' seraient devenus des instruments inespérés de châtiment des « néo-colons », accusés maintenant de vouloir « coloniser l'océan » après s'être accaparé les terres ».
«L'homme n'est plus perçu comme un prédateur » explique Jean François Nativel, auteur du livre « Requins à la Réunion, une tragédie moderne », qui se décrit comme « lanceur d'alerte sur cette crise».
«La Réserve marine a été créée sans tenir compte de la présence de ces requins, pourtant connue», déplore-t-il. « À partir de 2011, il y a eu un glissement de ces attaques vers la zone balnéaire».
Il dénonce le «discours bien-pensant de France métropolitaine», qui tente de faire «accepter une approche moderne » reposant sur la cohabitation: «soit on est une proie, soit on est un prédateur. Comme avec le loup ou l'ours, on essaie d'inventer un nouveau schéma: la poule et le renard, l'enfant et le requin de 300 kg», fustige-t-il.
Une interdiction «provisoire», pourtant reconduite huit fois, qui nuit à l'activité touristique de l'île et ne règle pas le problème de fond. Pour les associations, ulcérées par ce blocage, «cette interdiction est illégale puisqu'à force de se prolonger, elle revêt un caractère définitif et bafoue les principes élémentaires de liberté et d'égalité si chers à la France».
«Oui, L'État est responsable. Il a laissé mettre sans aucun garde-fou en 2007 une Réserve en plein cœur d'une paisible zone balnéaire, développée sous sa houlette depuis les années 1980», condamnent-elles.
«Non, cette crise n'est pas une fatalité! Elle est juste l'expression cruelle d'un mépris profond de la France envers ses territoires d'outre-mer», poursuivent-elles, appelant à «une solution simple», «un retour à la pêche traditionnelle, comme chez nos voisins mauriciens ou seychellois».
La question de la chasse fait débat et l'eurodéputé de la France Insoumise d'origine réunionnaise Younous Omarjee en a fait les frais. En s'affichant récemment aux côtés de Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France, il a provoqué une vague d'indignation sur internet, l'ONG étant opposée à la pêche et accusée d'avoir insulté les Réunionnais juste après une attaque mortelle en 2011.
C'est pour étudier l'environnement des requins bouledogues et des requins tigres, jusqu'alors inconnu, que l'IRD a lancé le programme Connaissances de l'écologie et de l'habitat de deux espèces de requins côtiers sur la côte Ouest de la Réunion (Charc), de 2012 à 2015: «Il est néanmoins important de noter que suite à cette étude, il apparaît difficile de développer un outils de prévision opérationnel efficace » peut-on lire en conclusion, « Il reste un travail important d'analyse à mener».