Donald Trump a finalement cédé aux pressions, reniant le 17 juillet ses propos «conciliants» à l'égard de Vladimir Poutine. L'évènement était d'importance: le sommet d'Helsinki était la première réunion bilatérale russo-américaine en neuf ans, censée rétablir le dialogue entre deux pays. Mais la question d'un journaliste sur la supposée ingérence du Kremlin dans la campagne présidentielle de 2016 a littéralement mis le feu aux poudres aux États-Unis, où un apaisement des tensions avec la Russie ne semble pas à l'ordre du jour.
«J'ai confiance en mes services de renseignement, mais le Président Poutine a été très convaincant lorsqu'il a nié toute ingérence. Il a dit que ce n'était pas la Russie […] et je vais vous dire, je ne vois aucune raison pour cela le soit»,
Des propos «irréfléchis, dangereux et faibles» a fustigé Chuck Schumer, chef de file des démocrates au Sénat, s'indignant qu'un Président des États-Unis puisse soutenir un «adversaire» de l'Amérique. «C'est de la folie» a condamné pour sa part l'ex-Secrétaire d'État de Barack Obama, John Kerry. «C'est quoi votre problème?» interpellait encore, dans une vidéo rapidement devenue virale, l'ex-gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger.
Des critiques peu surprenantes de la part de partisans d'Hillary Clinton, selon laquelle sa défaite serait justement due à la manipulation — par La Main du Kremlin — d'un électorat américain peu averti.
Une critique d'un opposant notoire à Donald Trump qui, aux yeux des journalistes, finit de parachever la caution républicaine à ces critiques anti-Trump. Pour nos confrères, la classe politique américaine est ainsi «plutôt unanime», ou encore l'Amérique est de nouveau «unie» dans cette condamnation de l'attitude de Donald Trump vis-à-vis de Vladimir Poutine.
À ce florilège de condamnations politiques, particulièrement reprises par la presse, ajoutons celle de James Clapper. L'ex-directeur du renseignement américain de Barack Obama, qui avait tenté de prouver l'implication de la Russie au moyen d'un rapport lacunaire, condamnait au micro de CNN «une incroyable capitulation» de Donald Trump. Même son de cloche du côté de John Brennan, ex-patron de la CIA sous la présidence de Barack Obama, estimant qu'il ne s'agissait ni plus ni moins qu'un «acte de trahison» de la part du Président des États-Unis.
Une ligne éditoriale acerbe envers le Président américain, que l'on retrouve jusque dans la presse européenne: «Trump s'aligne sur Poutine» titre Le Soir (Belgique), «Trump se couche face à Poutine après avoir humilié l'Europe» s'insurge El Mundo (Espagne).
Malgré une couverture dédiée au retour des «Bleus» qui occulte le reste de l'actualité, la presse française n'est pas en reste: «Ingérence russe: Donald Trump aux services de Vladimir Poutine» (Libération), «A Helsinki, Trump s'aplatit devant Poutine» (l'Express), «A Helsinki, Trump prend la défense de Poutine» ou encore «Les liaisons dangereuses de Donald Trump et Vladimir Poutine», retrouve-t-on dans le Le Monde qui dépeint un Trump qui «se range ouvertement du côté de Poutine».
Un suivisme des grands titres de la presse européenne sur leurs homologues outre-Atlantique, concernant un débat de politique intérieure américaine, qui interpelle.
En effet, rappelons que la presse américaine est partisane et avait dans une très large majorité pris fait et cause pour Hillary Clinton durant la campagne présidentielle de 2016. Comme le décomptait alors le correspondant à Washington de BFMTV, la candidate démocrate jouissait du soutien de 200 journaux américains contre 6 pour Donald Trump.
Pourtant, comme nous l'avons déjà souligné à plusieurs reprises, après avoir lu ce «rapport» de 13 pages (dont sept issues d'un rapport de la CIA de 2012 sur les scores d'audience de RT sur les réseaux sociaux aux États-Unis) du Bureau du Directeur du renseignement national, les accusations à l'encontre de la Russie provenant des 17 agences de renseignement de la première puissance militaire du monde ne sont basées que sur leur «intime conviction»… Ces mêmes services de renseignement, dont certains (ex) responsables, s'étaient avérés peu avares en efforts dans l'espoir de déclencher une procédure de destitution de Donald Trump.
S'ajoute à cela la reprise par certains articles des propos d'experts des États-Unis interrogés sur la perception du public américain de la sortie de Trump à Helsinki. Corentin Sellin, Coauteur de Les États-Unis et le monde de la doctrine de Monroe à la création de l'ONU: (1823-1945) (Éd. Atlande, 2018) évoque pour 20 minutes la «vassalisation» de Trump à Poutine. Pour Libération, Martin Quencez, chercheur au German Marshall Fund à Paris lâche:
«Cela a choqué beaucoup d'Américains, certains estiment même que cette conférence de presse mériterait à elle seule de lancer une procédure de destitution».
Des experts qui cependant prennent le contrepied des journalistes, évoquant une base électorale Républicaine plus proche de Donald Trump que les médias ne veulent bien le laisser transparaître.
Fréquemment évoquée par les journalistes, une soi-disant volonté de la Russie de replonger le monde dans la Guerre froide, tout particulièrement à cause du passé de Vladimir Poutine dans les services, la déformation de ses propos sur la chute de l'URSS ou encore la «réhabilitation de Staline» qu'il insufflerait au peuple russe.
Peu de choses en revanche sur les nécessités de la realpolitik, qui ont peut-être poussé Donald Trump à ne pas insulter publiquement son homologue russe lors d'un sommet destiné à apaiser des tensions, quitte à ne pas céder sur le fond des dossiers.
Relevons aussi que peu de commentaires ont relevé la mainmise de l'État profond (Deep state) sur la politique étrangère aux États-Unis et des intérêts qu'il trouve dans la l'exaspération des tensions internationales… Sans parler de la constitution de classe politique américaine elle-même, à l'image d'un Congrès suspendu à l'état de santé de ses membres. Parfois présenté comme une «gérontocratie», le pouvoir américain est entièrement organisé autour de décideurs ayant fait carrière sous la Guerre froide et n'ayant —pour la plupart- jamais abandonné l'état d'esprit qu'ils en ont hérité.