Suite à la publication de notre article, le site France Diplomatie a modifié ses recommandations de sécurité relatives à la Russie. La mention «Par ailleurs, les frontières terrestres de la Fédération de Russie avec la Biélorussie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan sont fermées aux étrangers» n'apparaît plus sur le site.
Si vous planifiez un voyage dans le Caucase, évitez de prendre au pied de la lettre les informations du Quai d'Orsay. En effet, le site France Diplomatie, qui recèle une multitude d'informations à destination des globe-trotteurs, a pris certaines libertés avec la réalité quand il s'agit de traiter de la Russie:
«Par ailleurs, les frontières terrestres de la Fédération de Russie avec la Biélorussie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan sont fermées aux étrangers», peut-on ainsi lire.
Vraiment? Non.
Concernant la Biélorussie, les dires du ministère des Affaires étrangères manquent de nuance. L'absence de contrôle à la frontière entre le pays et son voisin russe rend le passage facile, mais paradoxalement illégal. Moscou et Minsk ne se sont pas encore mis d'accord sur un système de reconnaissance de leurs visas respectifs. Mais la situation est en voie de changer. Comme nous l'apprend le journal russe Rossiyskaya Gazeta, un tel système a été testé durant la Coupe du monde de football 2018. Il en sera de même pour les Jeux européens qui seront organisés du 21 au 30 juin 2019 à Minsk.
Compliqué, mais loin d'être impossible
L'erreur du Quai d'Orsay devient plus sérieuse au moment de se pencher sur la frontière russo-géorgienne. Il est faux de déclarer qu'elle est fermée aux étrangers. Un point de passage localisé entre le village de Verkhny Lars en Russie et le district de Kazbegi en Géorgie permet de traverser la frontière.
Situé sur une route très prisée des amateurs de nature sauvage, avec ses nombreuses réserves naturelles et autres stations de ski dans les environs, il permet à un étranger détenteur d'un visa russe en règle de se rendre en Géorgie. Certains amateurs de road-trips transitent par Verkhny Lars durant leur périple après avoir profité des merveilles du Caucase russe. Ce point de passage représente en effet une porte d'entrée vers des contrées situées plus au Sud comme l'Arménie, la Turquie ou l'Iran.
Certains touristes placent Verkhny Lars sur leur parcours afin de traverser la Géorgie après avoir profité des merveilles du Caucase russe.
«Nous sommes certains à 100% que n'importe quel citoyen du monde détenteur d'un visa russe, s'il n'est pas recherché par Interpol, ou s'il n'a pas de tampon dans son passeport montrant un séjour en Abkhazie ou Ossétie du Sud (ces territoires sont considérés par la Géorgie comme occupés et ceux qui y ont séjourné peuvent se voir refuser l'entrée en Géorgie), peut librement entrer en Géorgie à travers le point de passage frontalier de Verkhni Lars», expliquent nos collègues de Sputnik Géorgie.
Un Français, Jonathan L. (le nom a été modifié), a confié à Sputnik France avoir voyagé entre Moscou et Tbilissi en 2013. Il est arrivé à Vladikavkaz (au nord sur la route de Verkhny Lars) par le train et a utilisé les services de taxi sur place. Étant titulaire d'un visa russe, il n'a eu aucun problème pour traverser la frontière russo-géorgienne à Verkhny Lars. De plus, un autre citoyen français nous a confirmé avoir voyagé avec sa famille en empruntant le même itinéraire en août 2017.
Plusieurs zones frontalières russes situées dans le Caucase sont soumises à des régimes spéciaux, comme l'interdiction de pratiquer le trekking. Cependant, les bureaux du ministère des Affaires étrangères russe en Ossétie du Nord, où se trouvent Vladikavkaz et Verkhny Lars, confirment bien que les touristes munis d'un visa en règle sont tout à fait autorisés à circuler sur la route reliant Vladikavkaz et Kazbegi en Géorgie: que ce soient pour les citoyens français ou d'autres pays, il n'y a pas de restriction pour l'entrée en Géorgie depuis Verkhny Lars, confirme le ministère de l'Intérieur géorgien, cité par NewsGeorgia. A noter que ces dernières semaines, l'afflux massif de touristes en provenance de Russie vers les pays du sud du Caucase a causé quelques problèmes au niveau du passage depuis Verkhny Lars, pour tous les touristes qu'ils soient Russes ou étrangers.
Afin d'atteindre la République d'Abkhazie depuis la Russie, il faut se rendre à Adler, une localité faisant partie de la ville de Sotchi. Un point de passage existe sur le pont de la rivière Psou et est ouvert aux étrangers détenteurs d'un visa russe. Pour passer de la Russie à l'Ossétie du Sud, il faut transiter par le poste de contrôle de Nijni Zamarag. Il est cependant nécessaire d'envoyer un e-mail au ministère des Affaires étrangères de la République d'Ossétie du Sud avec l'itinéraire et le but du séjour, et ce, trois jours avant de traverser la frontière.
Mieux vaut garder à l'esprit que de tels voyages peuvent avoir des conséquences pour le futur de vos road-trips. Les autorités géorgiennes sont susceptibles de vous refuser l'entrée sur leur territoire si elles constatent que votre passeport contient le tampon de l'une des deux Républiques qu'elles considèrent comme occupées.
Une diplomatie française trop absente de la région?
Tout est beaucoup plus simple dans le cas de l'Azerbaïdjan, ce qui rend l'erreur de France Diplomatie d'autant plus surprenante. Contacté par Sputnik, les autorités locales ont confirmé que deux postes de contrôle autorisaient les étrangers munis d'un visa russe à se rendre dans le pays. Le premier permet de passer du village de Yarag-Kazmalyarh, côté russe, à la localité de Samur au nord-est de l'Azerbaïdjan. Le tout en transitant par le checkpoint SDK. Le deuxième point de passage, toujours situé au nord-est, relie le village de Tagirkent-Kazmalyar en Russie à Yalama ou Khanoba de l'autre côté de la frontière.
Une information confirmée par une source au sein du ministère russe des Affaires étrangères qui nous a assuré que
«tant qu'il y a un check-point équipé pour les passages internationaux, on peut toujours passer la frontière, à condition d'avoir un visa. Si le check-point est fermé, il vaut mieux adresser vos questions aux garde-frontières.»
Le conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie rend toutefois difficile l'entrée dans le pays à tout individu portant un nom à consonance arménienne.
«Un citoyen français a probablement eu un problème à la frontière entre la Russie et l'Azerbaïdjan lié soit à la présence de son nom sur la liste noire du ministère des Affaires étrangères soit à ses origines arméniennes. Dans tous les cas, les mesures appropriées sont appliquées en vue de garantir la sécurité nationale», a déclaré le Service d'État des frontières azerbaïdjanaises.
Reste à comprendre pourquoi la Diplomatie française semble ne pas avoir pris la peine de vérifier la réalité des faits. La raison se trouve peut-être dans les recommandations de France Diplomatie. Le site place le Daguestan, la Tchétchénie, l'Ingouchie, la Kabardino-Balkarie et l'Ossétie du Nord sur la liste «orange» des régions déconseillées, sauf raisons impératives. La sécurité n'y serait pas assez assurée. Il est légitime de penser qu'un tel conseil s'applique encore davantage aux fonctionnaires et membres de la diplomatie française, dont le manque de présence dans la région pourrait les empêcher de suivre sérieusement la situation.