Comment se déroulent les accouchements en plein vol

Un garçon est né début juillet pendant un vol Och-Ekaterinbourg. Le personnel de bord de l'avion s'est transformé en équipe de sages-femmes pour l'accouchement. La famille a appelé le nouveau-né Ouralbek, en hommage à la compagnie aérienne Oural Airlines.
Sputnik

Bien que les accouchements en plein vol soient considérés comme une situation ordinaire, le personnel y est préparé seulement en théorie. Car cela reste très rare.

Même pas le temps de déjeuner

Tatiana Iourieva, qui vit à Ekaterinbourg, a été embauchée comme hôtesse de l'air il y a seulement trois mois. Comme elle avait travaillé comme médecin jusque-là, elle savait gérer un accouchement — elle avait même déjà dû le faire directement dans une ambulance. Mais à bord de l'avion, les conditions étaient tout de même différentes.

«Chaque membre du personnel de bord effectue un stage de première aide médicale. On y apprend notamment à faire accoucher — c'est-à-dire qu'on informe sur ce qu'il y a dans la trousse de secours et comment l'utiliser. Mais ce n'est qu'en théorie, car en pratique cela arrive rarement. Pour tout l'équipage, y compris les pilotes, c'était une première alors que mes collègues volent depuis des années», raconte Tatiana.

En général, il n'est pas conseillé aux femmes enceintes depuis longtemps de prendre l'avion. Pour pouvoir monter à bord, la future mère doit passer une visite chez le gynécologue pour obtenir une autorisation écrite et prendre avec elle une carte d'échange. C'est une condition obligatoire pour toutes les compagnies aériennes. Svetlana était enceinte et, conformément aux règles, elle a donc passé tous les examens et présenté toutes les attestations, mais elle a ensuite laissé tous les documents dans son bagage en soute. Elle n'était pas préparée pour l'accouchement et attendait son enfant seulement en août, explique l'hôtesse de l'air.

«L'avion prenait de l'altitude, nous avions atteint environ 7.000 mètres quand Svetlana s'est plainte de douleurs. Je suis allée la voir et il s'est avéré que Svetlana avait perdu les eaux. Nous avons compris que la femme était en train d'accoucher. Alors qu'elle n'avait même pas senti de contractions, rien. Étant la plus expérimentée, je me suis portée volontaire pour l'accouchement. Tout l'équipage aidait, même les passagers voulaient aider», rit Tatiana.

Le personnel de bord a rapidement sorti des écrans spéciaux et des couches stériles pour ne pas gêner les autres passagers. Mais comme il est interdit de quitter son siège pendant le décollage et que l'avion était rempli, il a fallu expérimenter. Heureusement que la classe business était pratiquement vide. Pendant que l'avion faisait demi-tour pour revenir à Och, l'équipage a libéré une rangée afin d'y installer une salle d'accouchement pour Svetlana.

«Et si la classe business avait été occupée, on se serait installés dans la pièce du personnel. Ou on aurait inventé autre chose», explique-t-elle. Comme la future mère avait laissé sa carte médicale en soute, elle était interrogée sur le déroulement de sa grossesse directement pendant son accouchement.

«Nous n'avions pas le temps, tout était fait à la va-vite. Mais notre équipe était soudée. Nous avons tout fait correctement. J'ai appris que l'enfant était de sept mois et que la grossesse était anticipée seulement en voyant le nouveau-né: il était tout petit, il pesait 2,5 kg. Je l'ai vu d'un coup d'œil et la mère a confirmé qu'il n'en était qu'à 29 semaines de gestation», raconte Tatiana.

Moins de dix minutes se sont écoulées entre le moment où Svetlana s'est plainte de douleurs et le moment où l'enfant s'est retrouvé dans les bras de l'hôtesse de l'air.

«L'accouchement a été très rapide. Et le garçon était si actif! 15 minutes plus tard il bougeait déjà les bras, il a ouvert les yeux et était très agité, il ne soupçonnait même pas dans quelles circonstances il était né», s'amuse l'hôtesse de l'air.

Le commandant de bord Sergueï Kovalev a averti les contrôleurs aériens d'Och qu'une aide médicale serait nécessaire. Une ambulance attendait l'avion sur la piste d'atterrissage. La mère et le nouveau-né ont été remis aux médecins pour être transportés à la maternité. La compagnie aérienne possède un seul avion, c'est pourquoi aucun passager n'a quitté son siège. L'avion a été ravitaillé avant de repartir à Ekaterinebourg.

«C'est bien que les passagers aient été compréhensifs. Personne n'était fâché, au contraire. Nous avons déjà commencé à suivre la vie du petit. Nous avons téléphoné à l'hôpital pour nous assurer que tout se passait bien. Les sages-femmes nous ont remerciés pour notre travail», se réjouit Tatiana Iourieva.

Prenez le train

L'accouchement de Svetlana, rit l'hôtesse de l'air, s'est déroulé comme dans le manuel: rapidement et sans complications. Néanmoins, bien que les membres d'équipage sachent en théorie comment jouer le rôle de sage-femme, tout le monde n'assumerait pas une telle responsabilité. Olga (qui a souhaité garder l'anonymat), ancienne hôtesse de l'air d'une compagnie aérienne, explique que le personnel est formé pour encadrer un accouchement ordinaire, mais que personne ne sait ce qu'il faut faire si quelque chose ne se déroule pas comme prévu.

«En principe il est interdit de voler quand on est enceinte. En début de grossesse, cela peut provoquer une fausse couche, au milieu également une fausse couche mais avec de forts saignements. Or l'avion ne pourra pas se poser immédiatement: il a besoin d'au moins 20 minutes pour atterrir. Il y a plus de chances d'accoucher avec une grossesse avancée, mais il n'est pas garanti que tout se déroulera normalement. A moins qu'une sage-femme se trouve à bord», explique Olga.

Un cadeau céleste pour Haven, ce bébé né dans un avion
Chaque compagnie aérienne a ses propres règles de transport vis-à-vis des futures mères. Sur leur site internet, elles formulent des recommandations pour les passagers, y compris pour les femmes enceintes: le plus souvent, il leur est suggéré de s'abstenir de voler. Certaines interdisent officiellement de voler après la 36e semaine de grossesse ou préconisent de ne pas voyager pendant les derniers mois. L'hôtesse de l'air précise que les femmes enceintes signent un document stipulant que la compagnie aérienne se dégage de toute responsabilité en cas de conséquences éventuelles. Et souvent, les jeunes mamans font les gros yeux.

«On nous dit: mais pourquoi, qu'est-ce qui ne va pas? Il existe une science, la physique, qui montre que pendant le vol l'organisme est soumis à différents facteurs qui ne peuvent pas être nivelés par la compagnie, l'avion ou le personnel de bord. C'est avant tout l'accélération, les changements de pression, le bruit et les vibrations. Pourquoi, si une passagère faisait une fausse couche, d'autres devraient prendre un risque? Si j'étais directrice d'une compagnie aérienne, j'interdirais de voler indépendamment du mois de grossesse. Cela ne sert à rien de prendre des risques pour soi et pour l'enfant. Qu'elles restent à la maison ou prennent le train», estime Olga.

C'est également l'avis d'Anastasia Doronina, ancienne hôtesse de l'air. Selon elle, si un cas de force majeure se produisait pendant l'accouchement, le personnel de bord et la compagnie aérienne n'assumeraient aucune responsabilité.

«La jeune femme a décidé elle-même de prendre l'avion. En plus, il y a un médecin qui la suit. Les médecins donnent toujours des recommandations concernant tel ou tel moyen de transport à différentes périodes de la grossesse. Mais seule la future mère assume la responsabilité», ajoute-elle.

Le droit du sol

Hormis les nuances liées à la santé, la famille pourrait rencontrer des complications juridiques concernant la citoyenneté du nouveau-né après l'accouchement. La famille de Svetlana est originaire d'Ouzbékistan, mais elle vit depuis longtemps dans la région de Tcheliabinsk en Russie. Cet été, elle s'est rendue chez ses proches et revenait déjà à la maison quand elle a accouché au-dessus du Kirghizistan.

Dans la plupart des pays du monde existe le principe du droit du sol: l'enfant devient citoyen de l'État où il est né indépendamment de la citoyenneté de ses parents.

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Une nuit du Nouvel an en 2009, une citoyenne de l'Ouganda a accouché dans un avion survolant le Canada en direction des USA: les autorités canadiennes ont reconnu le nouveau-né comme leur citoyen.

Cependant, d'après l'avocat Vladimir Starinski, la naissance à tel ou tel endroit n'influence pas toujours la citoyenneté. Par exemple, selon la législation russe, l'enfant reçoit la citoyenneté russe si au moins l'un des deux parents est citoyen du pays. De plus, si l'enfant est né en Russie et que l'État de ses parents n'accorde pas à l'enfant sa citoyenneté, alors il peut aussi devenir Russe.

«Par conséquent, si l'enfant est né dans un avion à destination de n'importe quel pays, mais que ses parents veulent que l'enfant ait la citoyenneté russe, il faut correspondre aux normes législatives. Cela ne se ferait pas aussi facilement», explique l'avocat.

Pour l'instant, on ignore quelle sera la citoyenneté du nouveau-né Ouralbek. L'État et la compagnie aérienne sont régis par leurs propres lois, poursuit l'avocat.

«Par exemple, la naissance à bord d'un avion peut être considérée comme la naissance sur le territoire d'un État. Mais l'appartenance de l'avion ou du pays survolé par l'appareil ou de son aéroport dépend des compagnies concrètes», précise Vladimir Starinski.

Un passager de plus

Certaines compagnies aériennes accordent aux enfants nés à bord de leurs avions le droit de voler gratuitement à vie — c'est notamment le cas de l'indienne Jet Airways.

Les transporteurs russes peuvent, mais ne sont pas tenus d'accorder ce droit. «Le plus souvent ces droits sont limités par un nombre de vols gratuits et l'utilisation de certains services seulement — pour éviter les abus», souligne l'avocat.

L'hôtesse de l'air Tatiana, qui a été la première à prendre Ouralbek dans ses bras, a déclaré que la compagnie aérienne préparait également un cadeau pour le garçon. Lequel? C'est un secret pour l'instant.

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