En février 2015, les chercheurs qui observaient en Éthiopie les relations entre les géladas (primates de la famille des cercopithécidés) et les loups d'Éthiopie (encore appelés loups d'Abyssinie) ont émis l'idée que l'initiative de vivre ensemble pouvait avoir été prise non pas par l'homme, mais par l'ancêtre des chiens contemporains.
Contrairement à leurs ancêtres, les chiens domestiques contemporains n'apprécient pas l'homme pour la nourriture gratuite que ces derniers leur fournissent: c'est l'attention et les émotions positives qui leur importent, affirme le neurobiologiste américain de l'université Emory (USA) Gregory Berns dans son livre Comment les chiens nous aiment (How Dogs Love Us). Il s'agit donc avant tout d'un attachement émotionnel.
Un petit cerveau avec beaucoup de neurones
Le cortex cérébral des chiens est plus développé que chez les chats, les hyènes ou les lions. Le golden retriever possède ainsi près de 530 millions de neurones corticaux (rattachés au cortex des grands hémisphères du cerveau), soit deux fois plus que chez l'ours brun dont le cerveau est pourtant trois fois plus volumineux. Par le passé, un cerveau aussi développé faisait des chiens sauvages des prédateurs efficaces, et aujourd'hui il permet à leurs descendants domestiqués d'obéir à des ordres complexes et de comprendre près de 200 mots.
Le scan du cerveau des chiens testés a montré que l'hémisphère gauche responsable de la compréhension des mots s'activait seulement quand ils entendaient un discours sensé. L'activité de la région auditive droite du cerveau augmentait si les phrases étaient prononcées avec une intonation d'approbation — indépendamment de leur sens. De plus, les scientifiques ont découvert que les louanges suscitaient toujours une réaction dans le centre du plaisir du cerveau canin.
Les amis de l'homme, empathiques et attentifs
«En interagissant avec l'homme les chiens utilisent tous leurs sens — auditifs, visuels, olfactifs et tactiles. Évidemment, les changements de physionomie, non seulement du visage, mais également du corps, jouent un rôle immense — c'est ce qu'on appelle la motilité», explique Anna Choubkina du laboratoire de comportement et d'écologie comportementale des mammifères à l'Institut Severtsov des problèmes écologiques et évolutionnels.
Ainsi, les chiens savent reconnaître l'humeur de l'homme en fonction de l'expression de son visage — du maître, mais aussi de ceux qu'ils voient pour la première fois. Les chercheurs supposent que ces animaux associent également le sourire aux émotions positives, et le froncement des sourcils aux émotions négatives.
Cela est possible avant tout parce que les chiens utilisent eux-mêmes les changements de physionomie en communiquant avec d'autres chiens et leur maître. Les chiens ont hérité de cette aptitude de leurs ancêtres les loups, considérés comme des animaux sociables. Dans son livre Les Envahisseurs (The Invaders), l'anthropologue Pat Shipman de l'université de Pennsylvanie écrit que c'est grâce à la domestication du loup et à sa transformation en chien que l'homme de Cro-Magnon a obtenu un avantage sur l'homme de Neandertal qui n'avait pas de tels assistants.
«L'empathie — la capacité de comprendre les sentiments et les désirs d'un autre être — est très importante pour les chiens. L'empathie, qui modère les sentiments agressifs, se trouve à la base du comportement des animaux sociables, y compris avec l'homme — notamment dans le jeu. Il y a une synchronisation (adaptation réciproque) exprimée aussi bien par les expressions faciales que par la motilité», explique le scientifique.
Quand le chien est plus proche que l'homme
Selon les chercheurs de l'université de Princeton, le secret de l'amitié et de la communicabilité des chiens réside dans deux gènes: GTF21 et GTF21RD1. Chez l'homme, les variations de ces gènes sont associées au syndrome de Williams. Les gens atteints de cette maladie souffrent d'un handicap mental, mais se distinguent pas leur gentillesse, leur obéissance et leur crédulité.
Les scientifiques supposent que cette mutation est apparue dans un groupe réduit de loups ancestraux à l'aube de la domestication du chien. Plus amicaux, moins dangereux, ils ont été domestiqués par l'homme.
«L'idée de certains «gènes de domestication» est en contradiction avec les résultats de l'un des plus grands projets scientifiques du XXe siècle, qui a demandé des années de travail à Dmitri Beliaev, ses collaborateurs et ceux qui l'ont suivi sur la domestication des renards et d'autres animaux. Ils ont déterminé que lors de la domestication se déroulait une restructuration locale de tout le génome, et que le lien «un gène — un critère» était pratiquement toujours une abstraction. Il ne fonctionne pas pour la plupart des critères des animaux évolués. Pourquoi? Car nous ne sommes pas la somme de nos gènes, mais le résultat de l'interaction d'une multitude de gènes et de protéines dans le processus d'ontogénèse (développement individuel) dans des conditions uniques pour lui. De plus, la même parcelle d'ADN remplit différentes fonctions chez les représentants de différentes espèces et classes — des êtres qui se trouvent à différents niveaux d'évolution. C'est pourquoi les analogies directes sont inadmissibles», précise Anna Choubkina.
D'autant que les chiens affichent de bons résultats aux tests de capacités intellectuelles. Stanley Coren, professeur de psychologie à l'université de la Colombie-Britannique (Canada), a indiqué que les chiens avaient l'intellect d'un enfant de deux ans et étaient incroyablement loyaux à leur maître. Et ils répondent par la réciprocité. Selon une récente étude de l'université Northeastern à Boston, dans certaines situations les gens compatissent davantage aux chiens qu'à leurs semblables.