«Je me présente pour la première fois et votre vote me donnera mon identité.» Alors qu'elle sillonne un quartier pauvre d'Islamabad, Nadeem Kashish s'adresse aux passants. Cette transgenre a décidé de se lancer dans la course des élections législatives qui auront lieu le 25 juillet au Pakistan. Les adversaires de sa circonscription? Le Premier ministre sortant Shahid Khaqan Abbasi et le chef de file de l'opposition Imran Khan. Ces deux adversaires de poids ne lui laissent aucun espoir de l'emporter. Mais peu importe. Ce n'est pas la victoire que vise Nadeem Kashish mais une meilleure visibilité pour sa communauté.
Pour les électeurs transgenres, le gouvernement a également fait un geste. Ils «seront libres de voter dans les isoloirs pour femmes ou ceux pour hommes», assure Altaf Ahmad, porte-parole de la Commission électorale pakistanaise. Elles auront même droit à un passe-droit, ou plutôt un coupe-file. Ce dernier leur permettra d'éviter les longues queues attendues le jour du scrutin.
Toutes ces avancées concernant les droits des transgenres ont été acquises grâce à la lutte longue et acharnée des «khawajasiras», le terme désignant un troisième sexe au Pakistan. Nadeem Kashish se montre reconnaissante envers son gouvernement «Il nous a apporté son soutien et de l'espace et nous utiliserons cette opportunité au maximum.» Il faut dire que le combat est loin d'être fini. Dans la vie de tous les jours, les transgenres pakistanais sont régulièrement victimes de discriminations, d'extorsions et cela va parfois jusqu'au meurtre. Beaucoup survivent en mendiant ou en se prostituant.
C'est pour améliorer leurs conditions que Nadeem Kashish arpente les rues d'Islamabad et distribue des tracts à la foule. Elle donne même son numéro de téléphone! Ses slogans? «Préservez l'eau pour la prochaine génération » et «J'ai besoin de votre soutien». Et elle n'est pas seule dans son combat. La minorité transgenre est une des plus politisées du Pakistan. Si sur les 13 khawajasiras qui avaient déposé leur candidature aux élections législatives, 9 ont dû abandonner faute de moyens pour la plupart, quatre candidats sont toujours en lice. Ils mènent notamment campagne sur les réseaux sociaux et participent également aux rassemblements locaux. Une tactique qui pourrait s'avérer payante. Du moins à minima. «Je crois néanmoins qu'ils parviendront à obtenir quelques voix», a estimé Uzma Yaqoob, qui dirige l'ONG du Forum des initiatives pour la dignité (FDI).
D'après plusieurs études, le Pakistan compterait plus d'un demi-million de transgenres. TransAction, une organisation de défense des droits de la communauté, l'estime même à près de deux millions. Reste à savoir s'ils se déplaceront dans les urnes.