Déjà bien avant la Révolution, et avant que l'air de la Marseillaise ne berce les premiers chants de l'Internationale, les artistes et interprètes d'alors se plaisaient à chanter en français, particulièrement des pièces d'Opéra. Le chanteur et acteur Fédor Chaliapine, amoureux de la France, qu'il décida de ne plus quitter après une ultime tournée à l'étranger, en est l'exemple. «L'enfant de Kazan» interprète ici l'un des opéras français les plus joués au monde, Faust. Un extrait ici du baryton qui s'éteignit à Paris en 1938, en qualité gramophone:
Difficile d'aborder la musique russe sans parler du célèbre barde Vladimir Vissotsky. Poète, écrivain et acteur, «le Bob Dylan russe» a interprété, dans les années 70 ses propres chansons, adaptées en français par sa femme Marina Vlady, actrice française d'origine russe, et le chanteur Maxime Le Forestier. Interdit de publication de son vivant, il fait partie de ces artistes encensés par le pouvoir après sa mort prématurée en 1980.
Injustement oublié, le groupe Stuk Bambuka v 11 chasov («coup de bambou à 11 h») voit le jour à Ijevsk, en Oudmourtie, terre des chamanes et des kalach, en 1989. Alors que le «rock russe» circule sous le manteau et peine à être contrôlé par les instances culturelles, ces pionniers de la musique trip-hop en Russie vont aller un peu plus à contre-courant de leur génération. Les trois membres d'origine, qui bidouillent des vieux instruments, des bandes magnétiques et tournent leur clip eux-mêmes, vont recruter une chanteuse qui devait impérativement parler français. Ce sera Tatiana Erokhina qui rejoindra le groupe.
Chercher des chansons françaises interprétées par des Russes, c'est s'exposer à une pluie suave et slave de «Je t'aime». Eh oui, Gérard Depardieu n'est pas la seule star tricolore bénéficiant d'une grande popularité en Russie. Lara Fabian, au même titre (sans jeu de mots) que Patricia Kaas ou Mireille Matthieu, sont plus célèbres et adulées en Russie qu'Ivan Rebroff en son temps sur le continent. à l'Eurovision ou pendant les shows de Fabrika Zvezd (l'équivalent de la Nouvelle Star), «Je t'aime» («же тем» pour les russophones), est un des titres les plus… aimés:
Vopli Vidopliassova, ou «VV», manie à la perfection l'ukrainien, le russe, l'anglais et le français. Après être passé par le heavy metal, le chanteur Skripka se lance dans un rock aux accents folkloriques, alors que l'Ukraine est encore soviétique. Ingénieur de formation, il passe 5 ans en France au début des années 1990, à l'initiative du célèbre journaliste et critique musical Artemy Troitsky, à l'occasion d'échanges culturels entre l'URSS et l'Europe. Dans le titre qui suit, «les hurlements de Vidopliassov» rendent hommage à un autre français célèbre en Russie: Alain Delon.
Restons sur les interprètes ukrainiens, qui s'avèrent être d'excellents polyglottes. Ici, le chanteur Andreï Zaporozhets, alias «Sun», est la seconde moitié du duo Ljuk. On reconnaît tout de suite l'intemporalité Jah-jah propre à son groupe initial 5'nizza («Vendredi» en ukrainien) dans le titre Lemon. Parfait pour votre Perrier-rondelle de cet été.
Une autre facette des années 2000: les comédies musicales. Leur âge d'or en France n'aura pas épargné le pays des Tsars. À défaut de retrouver un bossu sous vodka et un prêtre orthodoxe barbu, voici une version tout aussi kitsch, mais avec un côté plus Modern Talking, avec les deux membres du groupe Smash!! Stars du début des années 2000, Sergey Lazarev et Vlad Topalov ont fait partie du groupe Neposedi, aux côtés de Lena Katina et Yulia Volkova, les deux chanteuses de la non moins célèbre formation t.A.T.u. Le groupe Smash!! ne passa pas le cap de 2006. Snif!!
Imaginez Kyo et Pascal Obispo qui font un enfant en 2012. C'est la sensation que vous aurez sûrement en écoutant le morceau Amsterdam de Shortparis, dont le début paroles ressemble à la chanson éponyme de Brel. Collectif fondé à Saint-Pétersbourg «en opposition à la scène musicale contemporaine», Shortparis a heureusement évolué vers un style plus «avant-pop expérimental», qui leur valu le qualificatif de «brilliant Russian band combine post industrial with stunning vocals», par le journaliste John Robb, «le premier à avoir interviewé Kurt Cobain», comme le rappelle Stepan Kazaryan, organisateur du jeune et prospère festival «Bol'», consacré à la musique indépendante en Russie.
Revenons à la grâce, à la douceur… et aux reprises. Jenia Lubich, avant de reprendre sa carrière solo, a chanté un temps aux côtés de «Nouvelle Vague», projet internationalement reconnu des musiciens Marc Collin et Olivier Libaux, qui a pour vocation de rendre des classiques «New Wave» en version bossa nova.
Durant les quinze premières années de son existence, le «Moscow Grooves Institute» qui, comme son nom l'indique, vient de Moscou, a parcouru le monde, de concerts en festivals: Monaco, France, Roumanie, Pologne, Lituanie, Ukraine, Allemagne, Japon. Pas étonnant qu'ils agrémentent leur morceau de français, ici pour nous parler pizza et voyage:
Et pour finir sur le thème de l'évasion et des hommages à la chanson française, voici un bonus: