Les personnes qui s’en prennent aux œuvres d’art sont-elles toujours déséquilibrées? À les écouter, il y a d’autres raisons à leurs actes… En voici quelques exemples.
Défenseurs de droits ou militants antiviolence
«Assez de sang! Non au sang!»
En janvier 1913, le tableau d’Ilia Répine «Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581» également connu sous le nom «Ivan le Terrible tue son fils» a été lacéré de trois coups de couteau, portés par un iconoclaste et vieux-croyant de 29 ans Abram Balachov. Il a crié «Assez de sang! Non au sang!» en frappant la toile de couteau.
Cette toile a été peinte après des attentats terroristes commis en Russie, à leur répression par les autorités impériales et à des exécutions. Au-delà de son intensité tragique, elle est plus qu’une peinture historique, visant à susciter un rejet de la violence juste après l'assassinat de l’empereur Alexandre II.
Au nom des femmes et de leurs droits
En 1914, une suffragette canadienne, Mary Raleigh Richardson, a attaqué avec un hachoir la toile de Diego Velasquez «Vénus à son miroir» à la National Gallery de Londres, y laissant sept entailles.
Elle a expliqué sa tentative de «détruire l’image de la plus belle femme dans l’histoire mythologique» par le désir de protester contre les tentatives des autorités britanniques «de détruire Emmeline Pankhurst», leader du mouvement des suffragettes qu’elle a qualifiée de «meilleur personnage dans l’histoire moderne» dans sa déclaration.
Plus tard, Mme Richardson a affirmé qu’elle avait endommagé le seul nu féminin connu de Vélasquez parce qu’elle ne pouvait pas supporter que les «hommes qui visitaient la galerie en restaient bouche bée toute la journée».
Protestation contre un jugement de grâce
En 1974, un artiste d’origine iranienne Tony Shafrazi a peint à la bombe les mots Kill Lies All sur le célèbre tableau Guernica de Pablo Picasso exposé au MoMA de New York.
Par son attaque contre la toile qui dénonce le bombardement de la ville de Guernica en 1937, Tony Shafrazi aurait protesté contre la décision du Président américain Richard Nixon de gracier le militaire William Calley, reconnu coupable du massacre de Mỹ Lai de 1968 au Vietnam.
Aversion pour l’art abstrait
En 1987, un homme a attaqué plusieurs œuvres abstraites du peintre américain Barnett Newman aux Pays-Bas. Il a lacéré le tableau «Qui a peur du rouge, du jaune et du bleu III».
Après avoir purgé une peine de prison pour cet acte, il s’est rendu dans un musée pour endommager une autre toile de Newman.
La raison de son aversion pour l’art abstrait serait la monographie critique sur l’art contemporain qu’il avait lue.
Raisons politiques ou mépris des femmes?
Le tableau Danaé de Rembrandt conservé à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg a été vandalisé au couteau et à l’acide sulfurique par un Lituanien, Bronius Maygis, le 15 juin 1985.
L’assaillant a expliqué son acte par des raisons politiques, puis par son mépris pour les femmes avant d’affirmer qu’il voulait attirer de l’attention sur lui.
Tirer sur une toile pour protester contre la situation politique
Une œuvre de Léonard de Vinci a aussi été victime d’un acte de vandalisme avec des motifs politiques présumés. En 1987, un certain Robert Cambridge a tiré au fusil sur la toile La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste exposée à la National Gallery de Londres.
Sa balle a brisé le verre protecteur et a fait un trou dans la peinture. Selon les médias, le tireur a exprimé qu’il voulait montrer son dégoût face aux «conditions politiques, sociales et économiques en Grande-Bretagne».
Marqueur noir pour mettre la lumière sur les attentats du 11 septembre
Le 8 février 2013, une tagueuse a laissé une inscription de 10 à 30 cm au marqueur noir sur le tableau «La Liberté guidant le peuple» d’Eugène Delacroix au musée du Louvre-Lens, d'après les médias.
La femme de 28 ans a écrit «AE911», qui ferait référence au groupuscule AE911 (Architects and Engineers for 9/11 truth) qui remet en cause l'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001 à New York et estime que les tours jumelles du World Trade Center auraient été détruites par des explosifs.
La Petite Sirène contre l’adhésion de la Turquie à l’UE
La célèbre statue en bronze de la Petite Sirène à Copenhague a été vandalisée une dizaine de fois depuis les années 1950. Elle a plusieurs fois perdu sa tête et un bras, a été aspergée de peinture. Ces attaques ont parfois été motivées par des raisons politiques ou religieuses.
En 2004, des inconnus l’ont drapée en burqa en signe de protestation contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. La Petite Sirène a encore une fois essayé des vêtements d’inspiration musulmane en 2007.
Un dollar contre la commercialisation de l’art
Le 4 janvier 1997, un artiste d’origine kazakhe, Alexander Brener, a dessiné le symbole de dollar au marqueur vert sur le tableau de Kazimir Malevitch Croix blanche sur fond blanc exposé au musée Stedelijk à Amsterdam.
Le vandale a affirmé qu’il protestait contre la «commercialisation de l’art».
Un acte d’insoumission politique
Le 13 juin 2012, un homme a vandalisé «Femme au fauteuil rouge», de Pablo Picasso, l’un des chefs-d’œuvre cubistes exposés dans la galerie Menil Collection de Houston, au Texas (États-Unis), pour faire passer un «message».
Uriel Landeros, 22 ans, a reconnu avoir attaqué à la bombe de peinture une œuvre du maître en y traçant grossièrement le dessin d’une corrida flanqué du mot «conquête», en référence aux colonisations espagnoles. Il a expliqué qu’il s’agissait d’un «acte d’insoumission politique».
Déséquilibrés et leurs explications
Un accès de colère inexpliqué
En 1956, un jeune Bolivien, Ugo Ungaza Villegas, pris d’un accès de colère, a jeté une pierre contre le célèbre tableau de Léonard de Vinci Mona Lisa au Louvre.
Il a endommagé le coude gauche de La Joconde. Cet incident a incité le musée à placer le tableau sous la protection d'une vitrine blindée contre les balles et tout jet d’objet.
«Déçu par la tête de Goliath»
Un homme de 22 ans a attaqué en 2007 l’œuvre de 1640, «Le triomphe de David» d’Ottavio Vannini au Milwaukee Art Museum, aux États-Unis. La peinture dépeint la fin du récit biblique de David et Goliath, avec David portant la tête coupée du géant Goliath.
L’assaillant a frappé la toile avant de l’arracher du mur et de la piétiner. Il a surtout donné des coups de pied à la tête de Goliath. Puis il s’est couché sur le sol. Interpellé par la police, il a avoué qu’il ne pouvait pas supporter la vue de la tête coupée de Goliath, d'après les médias américains.
Amateurs d'art et artistes non reconnus
Vandaliser pour devenir aussi un artiste
Le Français Pierre Pinoncelli, 77 ans, a uriné dans la Fontaine de Marcel Duchamp, puis lui a donné un violent coup de marteau le 25 août 1993, au Carré d’art de Nîmes.
Il a récidivé le 4 janvier 2006, en s’en prenant, toujours au marteau, à l’urinoir de Duchamp figurant dans l’exposition Dada au centre Georges-Pompidou à Paris, l’ébréchant légèrement. A chaque fois, il affirmait que ses actes étaient aussi une œuvre d’art et que Duchamp les aurait approuvées.
Se faire connaître en tant qu’artiste
Un Polonais, Vladimir Umanets, a taggé un tableau du peintre abstractionniste américain d’origine russe Mark Rothko exposé à la Tate Modern, le 7 octobre 2012, le plus grand musée d’art contemporain de Londres.
Sur la toile, intitulée Noir sur marron, il a écrit à l’encre noire: «Vladimir Umanets’12. A potential piece of yellowism» (Vladimir Umanets 2012. Une œuvre potentielle de jaunisme). Interpellé, l’homme a affirmé avoir ajouté de la valeur au tableau.
Vandaliser par… amour d’art
En 2007, une Française d’origine cambodgienne, Rindy Sam, a embrassé une toile monochrome blanche du peintre américain Cy Twombly, exposée dans la collection Lambert à Avignon.
Elle a laissé des traces de rouge à lèvres sur la toile qui fait partie d’un triptyque inspiré du Phèdre de Platon. La femme, qui se dit elle-même artiste, a déclaré qu’il s’agissait d’un «témoignage du pouvoir de l’art».
Et «le tableau est encore plus beau» marqué de cette «tache rouge sur l’écume blanche». Selon elle, l’auteur du tableau aurait aimé sa réaction.