Le maréchal soviétique Boris Chapochnikov qui a empêché la blitzkrieg d'Hitler

Il y a 100 ans, Boris Chapochnikov rejoignait les rangs de l'Armée rouge. Cet officier impérial talentueux récompensé par la Plus haute faveur de l'empereur a été l'un des créateurs des forces armées soviétiques.
Sputnik

RT revient sur l'histoire du maréchal Chapochnikov, officier impérial qui était d'ailleurs particulièrement apprécié par Joseph Staline, selon les contemporains, et qualifié d'éminent organisateur militaire par les historiens. Il a été l'architecte de la défaite des forces hitlériennes près de Moscou — la première grande défaite de la Wehrmacht.

Boris Chapochnikov

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Boris Chapochnikov est né le 2 octobre 1882 près de Zlatooust dans la famille d'un responsable d'usine de vin et de tabac et d'une enseignante. Il était originaire des cosaques d'Orenbourg. Diplômé de l'école technique de Krasnoufimsk et de l'école réelle Alexis, Boris a choisi la carrière militaire. Mais il n'a pas réussi à devenir élève-officier du premier coup à cause d'une maladie.

Après avoir travaillé pendant plus de six mois en tant qu'employé de bureau à l'entrepôt de vin, Chapochnikov retente sa chance dans l'armée et cette fois le destin lui a souri. En 1903, il devient major de promotion à l'Académie militaire Alexis et il est promu sous-lieutenant.

Après avoir servi pendant quatre ans à Turkestan, Chapochnikov intègre l'Académie militaire impériale Nicolas. Par la suite il parlait assez froidement de cette période dans sa vie en soulignant l'importance des liens familiaux dans l'armée et l'insolence des personnes issues de la noblesse. D'après le futur maréchal, il ne parlait même pas avec le baron Wrangel qui effectuait sa formation avec lui.

En 1910, Chapochnikov termine l'académie et obtient le grade de capitaine en second. Il est revenu pendant deux ans à Turkestan. Pendant que d'autres officiers passaient leur temps à faire la fête et à jouer aux cartes, le futur maréchal lisait deux heures par jour des livres sur la tactique.

En 1912, Chapochnikov est muté en Pologne avec le grade d'adjudant-chef au QG de la 14e division de cavalerie, à laquelle il était attaché quand la Première Guerre mondiale a commencé. Il a reçu une commotion pendant les combats. La guerre a contribué à sa progression de carrière — il est rapidement devenu assistant de l'adjudant-chef du service de renseignement du QG de la 12e armée, puis chef du QG du détachement de cosaques. Par la suite il remplissait les fonctions de commandant du QG de la division de Turkestan. Pour ses mérites l'officier a reçu la Plus haute faveur de l'empereur.

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Contrairement à bien d'autres militaires, après la révolution Boris Chapochnikov n'a pas subi les répressions des nouvelles autorités et n'a pas été victime de ses propres soldats. En 1917, sous le Gouvernement provisoire, il a été promu colonel et nommé chef de régiment. En novembre de la même année le congrès des comités militaro-révolutionnaires l'a élu commandant de la Division des grenadiers du Caucase.

Mais en mars 1918 déjà Boris Chapochnikov a été démobilisé — l'armée impériale avait de facto cessé son existence.

Au service des Soviets

Peu de temps après sa démission l'ancien commandant de division a occupé le poste de secrétaire du tribunal populaire de Kazan, mais ce nouveau travail ne lui plaisait pas. Il a commencé à consulter d'anciens collègues pour pouvoir entrer dans l'Armée rouge. Le gouvernement soviétique a appris son aspiration et l'initiative de l'ancien officier de l'armée impériale a été perçue positivement.

Le 22 mai 1918, Boris Chapochnikov a rejoint l'Armée rouge.

«Beaucoup d'officiers impériaux savaient parfaitement que l'Entente détruit la Russie. Plus tard les Anglais se souvenaient cyniquement: «Les Blancs pensaient que nous les aidons à combattre les bolcheviks, mais en réalité c'est eux qui nous aidaient — à diviser la Russie en morceaux». C'est pourquoi des officiers prônaient l'intégrité du pays, la renaissance de l'empire même s'il était rouge», déclare l'historien militaire Iouri Knoutov.

D'après l'expert, le mouvement blanc n'avait pas d'idéologie et de vision claire de l'avenir du pays, alors que les bolcheviks laissaient clairement entendre qu'avec eux la Russie serait unie. Selon les estimations des historiens, au début de la Guerre civile entre 70 et 75 mille d'anciens officiers impériaux se sont rangés sous les étendards rouges. Cela représentait près de 30% du corps officier et plus de 40% de deux qui étaient restés dans les rangs (un tiers des commandants impériaux ont refusé de rester dans l'armée en principe). Parmi les officiers de l'état-major près de la moitié avait décidé de servir aux Soviets, soit 639 personnes, dont 252 généraux.

«Durant toute la période de la Guerre civile le nombre d'anciens officiers impériaux dans les rangs de l'Armée rouge a dépassé le nombre de ceux qui combattaient pour le mouvement blanc», souligne Iouri Knoutov.

En rejoignant l'Armée rouge Chapochnikov a rapidement gravi les échelons. Dans un premier temps il était assistant du chef du QG de commandement opérationnel du Conseil militaire suprême, mais quelques mois plus tard il est déjà devenu chef du service de renseignement du QG du Conseil militaire révolutionnaire et collaborateur de l'Inspection militaire suprême de l'Armée rouge. Un an plus tard Chapochnikov était déjà à la tête de la Direction opérationnelle du QG de campagne.

L'ex-officier impérial a été l'un des auteurs du plan pour défaire les troupes de Denikine et de la campagne de 1920. En 1921, Chapochnikov a reçu l'une des plus grandes récompenses soviétiques — l'Ordre du Drapeau rouge — a été promu au poste de premier assistant du chef d'état-major de l'Armée rouge.

la Place Rouge le 1er mai 1918

Dans les années 1920, Chapochnikov a d'abord commandé les districts militaires de Leningrad et de Moscou, et en 1928 il a été nommé chef d'état-major de l'Armée rouge. Il a occupé les plus hautes fonctions dans l'armée, en parallèle il travaillait sur son œuvre fondamentale dans le domaine de l'art militaire — le livre «Le Cerveau de l'armée». Dans celui-ci Chapochnikov a livré un pronostic précis sur la nature des futures guerres et a formulé plusieurs propositions en matière de gestion des troupes et de fonctionnement de l'état-major général du pays.

Bien que Chapochnikov ait été au service des Soviets qui menait une politique d'athéisme belliqueux dans les années 1930, il n'a pas renoncé à ses convictions religieuses. Il était issu d'une famille très croyante et, même en étant un officier rouge et maréchal soviétique, il portait la croix et une amulette, ce qui lui valait des critiques. Pendant un certain temps les médias faisaient circuler un mythe familial des Chapochnikov comme quoi Joseph Staline en personne aurait protégé le maréchal contre les malveillants en lui demandant démonstrativement: «Alors, Boris Mikhaïlovitch, allons-nous prier pour la Patrie?»

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Au début des années 1930, le futur maréchal s'est retrouvé brièvement en disgrâce et a été dégradé à la fonction de commandant des forces du district militaire de la Volga, mais il est rapidement revenu sur l'Olympe militaro-politique. Il est devenu le chef de l'Académie militaire Frounze, puis il a commandé à nouveau le district de Leningrad, et en 1937 — l'état-major général de l'Armée rouge. En 1940, il est promu maréchal de l'Union soviétique, après quoi, pour des raisons de santé, Chapochnikov a été muté au poste de commissaire adjoint du peuple à la défense pour construire les fortifications et de membre du Comité de la défense auprès du Conseil des commissaires du peuple.

La blitzkrieg déjouée

Au tout début de la Grande Guerre patriotique Chapochnikov était chargé de l'évacuation, et le 21 juillet 1941 il était à la tête du QG du commandant en chef du Front Ouest. Le 29 juillet, le maréchal Chapochnikov a repris le poste de chef d'état-major général de l'Armée rouge.

«Chapochnikov s'est retrouvé à la tête de l'état-major au moment décisif de la Grande Guerre patriotique — entre l'été 1941 et le printemps 1942. La controffensive de Moscou dont il était l'architecte a marqué un tournant dans la guerre. En dépit de tous les problèmes de munitions, de transport et de chars, les forces soviétiques ont réussi à infliger une lourde défaite à la Wehrmacht qui ne s'en est jamais remise», déclare l'historien et écrivain Alexeï Issaev, candidat ès sciences historiques.

Iouri Knoutov remarque que «l'échec de toute la blitzkrieg hitlérienne est un grand mérite de Chapochnikov personnellement».

En 1942, Chapochnikov revient au poste de commissaire adjoint du peuple à la défense. Un an plus tard il est nommé chef de l'Académie militaire d'état-major.

Malgré le cancer de l'estomac le maréchal Chapochnikov s'efforçait de remplir ses fonctions jusqu'au bout.

défense antiaérienne, Moscou

L'éminent chef militaire est décédé le 26 mars 1945. 44 jours plus tard il aurait assisté à la victoire. Le pays a dit adieu au maréchal par 24 coups de 124 canons d'artillerie. Ses cendres ont été enterrées dans le mur du Kremlin.

«Chapochnikov n'avait pas beaucoup d'occasion de faire ses preuves en tant que chef militaire qui commande directement ses troupes. Cependant sans l'ombre d'un doute c'était un excellent organisateur et théoricien de l'art de guerre qui a apporté une immense contribution au développement de l'Armée rouge et à la victoire dans la Grande Guerre patriotique», conclut Iouri Knoutov.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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