Des scientifiques russes testent une technologie pour scanner des bâtiments ensevelis

Des chercheurs de plusieurs instituts d'enseignement et de recherche russes ont mené une étude non invasive d'un édifice du IVème siècle après Jésus-Christ enfoui dans le sol de la partie nord-ouest de la forteresse de Naryn-Kala à Derbent, au Daghestan, grâce à un nouveau système de radiographie à muons.
Sputnik

Des chercheurs de l'Université nationale des sciences et technologies MISiS, en coopération avec des collaborateurs de l'Institut de physique Lebedev affilié à l'Académie des sciences de Russie et de l'Université d'État du Daghestan, ont réalisé une expérience pour mener une étude non invasive d'un édifice caché dans le sol dans la partie nord-ouest de la forteresse de Naryn-Kala à Derbent.

Le lieu a pu être examiné grâce à la radiographie par muons, méthode moderne de scannage de la structure interne des substances. Les données recueillies par les capteurs sont en cours d'analyse.

Cette pièce de 12 mètres carrés est presque entièrement cachée sous terre, et seule une partie d'une coupole à moitié détruite est visible à la surface. La construction date d'environ 300 ans après J.-C. Jusqu'à récemment on pensait qu'il s'agissait d'un réservoir d'eau souterrain.

Cependant, de récentes recherches archéologiques ont permis d'affirmer qu'il s'agissait de la plus ancienne église chrétienne sur le territoire russe, qui a été ensevelie par les Arabes après la prise de Derbent aux alentours de l'an 700. En témoignent la section du bâtiment en forme de crucifix, les traces d'entrées murées et la disposition des murs de l'édifice selon les points cardinaux.

Tous les archéologues ne sont pas d'accord avec cette interprétation. Il est difficile de les départager en organisant des fouilles car, premièrement, la forteresse de Naryn-Kala est un site du patrimoine mondial de l'Unesco et, deuxièmement, on ignore ce qui pourrait arriver aux murs de l'édifice, exposés pendant des siècles aux intempéries.

Les chercheurs de l'université MISiS ont eu la possibilité de "scanner" le bâtiment pour comprendre à quoi il ressemblait grâce à la radiographie par muons. Cette méthode a déjà fait ses preuves : elle a notamment permis de retrouver une chambre secrète dans la pyramide de Khéops.

L'université MISiS a élaboré il y a quelque temps, sous la direction du professeur Natalia Poloukhina, docteur ès sciences physiques et mathématiques, des détecteurs qui permettent non seulement de voir les muons, mais également de déterminer avec précision la direction de leur mouvement. L'analyse des données obtenues par ces détecteurs permet de dresser une représentation 3D des différents sites, des vides d'un mètre dans le sol à la carte de grottes dans une montagne.

La méthode de radiographie par muons consiste à enregistrer la densité du flux de muons. Les muons sont des particules élémentaires instables avec une charge négative qui naissent dans les couches denses de l'atmosphère et meurent rapidement, tout en ayant eu le temps de parcourir toute l'atmosphère de la Terre (10 000 muons par minute tombent sur chaque mètre carré de la surface de la planète) et même de pénétrer de 8,5 km sous l'eau ou de 2 km dans le sol.

Plus la substance est dense, plus vite le flux de muons faiblit. C'est pourquoi, quand un objet solide est placé entre le "cosmos" et le détecteur, ce dernier affiche la silhouette de l'objet examiné. La présence de cavités dans l'objet est également visible car les muons qui les parcourent franchissent une couche plus mince de matériau solide.

Le professeur Natalia Poloukhina est l'une des plus grandes spécialistes au monde de cette méthode et elle supervise actuellement l'installation de capteurs à muons dans le cadre de la nouvelle expérience SHiP (Search for Hidden Particles) organisée par le MISiS en collaboration avec 40 grandes universités du monde sur le Grand collisionneur de hadrons.

L'analyse préliminaire de la forteresse, réalisée par les spécialistes de l'université MISiS et de l'Institut de physique Lebedev à partir des cartes topographiques, permet d'affirmer qu'en l'occurrence la méthode est efficace. Ce moyen permet de distinguer la roche avec une différence de densité à partir de 5%, ce qui permettra de "voir" l'aspect extérieur du bâtiment.

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