Liberté de la presse: la France chute vers le haut

La France gagne 6 places et pointe au 33e rang du classement de la liberté de la presse 2018 de Reporter Sans Frontières. Mais c’est essentiellement la chute d’autres pays qui fait grimper la France: Dénigrement, concentration aux mains d’oligarques ou refus d’accréditation… RSF a abordé les menaces qui pèsent sur les médias français.
Sputnik

Il y a les abonnés au podium, Norvège et Suède et les habitués de la queue de peloton, Érythrée et Corée du Nord: Reporter Sans Frontières a publié le 25 avril son classement 2018 de la liberté de la presse. Mais d'une manière générale, l'association pointe du doigt la dégradation de la situation pour les médias, y compris dans les démocraties occidentales.

​La Belgique est le premier pays francophone et se hisse à la 7e place, gagnant deux places dans le classement des pays où la liberté de la presse est la mieux garantie. RSF note la diversité de la presse francophone comme néerlandophone et une loi sur la protection des sources journalistiques parmi les «plus protectrices au monde», même si l'association nuance ces bons points en expliquant que la «concentration en termes de propriété des médias est élevée» et que, «dans la pratique, la loi est parfois ignorée».

​Pour la deuxième année consécutive, la France améliore son classement et gagne 6 places dans ce classement 2018. Pas de quoi pavoiser, pourtant, cette progression est essentiellement «mécanique», selon RSF: si la France se hisse à la… 33e place, c'est simplement parce que la situation de plusieurs pays européens se dégrade et qu'ils passent derrière elle. En 2017 déjà, RSF alertait sur le recul de la liberté de la presse sur le vieux continent, «celui qui a connu la plus forte dégradation».

​En réalité, la situation de la presse en France ne connaît aucune évolution significative et plusieurs facteurs demeurent des sources d'inquiétude: L'association fait état d'une presse française «largement dominée par de grands groupes industriels» impliqués dans de nombreux domaines d'activités et relève le risque que cela fait peser sur «l'indépendance éditoriale et même sur la situation économique des médias».

​Selon le site Informaction, une dizaine de personnes contrôleraient en France près de 90% des journaux vendus, plus de la moitié des parts d'audience à la télévision et environ 40% de celles de la radio.

Au-delà du problème que pose la concentration des médias aux mains de grands groupes comme LVMH, Bouygues, Dassault ou Vivendi, pour n'en citer que quelques-uns, RSF pointe du doigt «la mise en cause croissante du travail des médias» par les politiques et les «dénigrements systématiques de certains leaders politiques».

«L'hostilité des dirigeants politiques envers les médias n'est plus l'apanage des seuls pays autoritaires […] De plus en plus de chefs d'État démocratiquement élus voient la presse non plus comme un fondement essentiel de la démocratie, mais comme un adversaire pour lequel ils affichent ouvertement leur aversion.»

Reporter Sans Frontières considère que le «média bashing» qui est devenu la norme et a atteint «son paroxysme» durant la campagne électorale de 2017, a laissé des traces. L'association va jusqu'à nommer Jean-Luc Mélenchon et Laurent Wauquiez, les deux principales figures d'opposition, pour avoir usé de formules particulièrement dures à l'égard des médias.

​Reporter Sans Frontières a également relevé les «refus d'accréditation» de l'administration Macron comme une menace potentielle à la liberté de la presse. Si RSF reste elliptique à ce sujet, on se souvient qu'au-delà du cas de Sputnik et de RT, «blacklisté» de tous les événements de l'Élysée et du ministère des Affaires étrangères, la volonté du Président de choisir quels journalistes avaient le privilège de l'accompagner dans ses déplacements avait beaucoup ému nos confrères.

L'analyse de la situation française conclut sur les «vifs débats» suscités par la loi «anti fake news» voulue par l'exécutif et qui pose de nombreuses questions quant à son champ et à ses modalités d'application, principalement.

Reste à voir ce que donnera cette loi quand elle sera votée et quel impact elle aura sur le classement 2019. Ce qui est certain, c'est que le vote par le Sénat le 19 avril dernier de la loi sur le secret des affaires devrait peser sur le classement de la France au palmarès de RSF. Elle permet en effet à une entreprise de poursuivre en justice tout journaliste, syndicaliste, lanceur d'alerte… qui divulguerait des informations qu'elle considère comme «secrètes». Pourraient rentrer dans cette définition très large et subjective des ententes sur les prix entre sociétés, des affaires de corruption, des malfaçons sur les produits, etc.

L'affaire du Mediator, des Panama Papers ou du bisphénol A auraient-elles vu le jour avec cette juridiction, se sont inquiétées plusieurs sociétés de journalistes dans une lettre ouverte au Président de la République.

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