Antisémitisme: un manifeste «signé par des Arabes de service», selon Abdallah Zekri

Près de 300 personnalités ont signé un manifeste «contre le nouvel antisémitisme» en France, dénonçant un «silence médiatique» et une «épuration ethnique à bas bruit» dans certains quartiers. Très critiqué, cette tribune serait «contre-productive», selon Abdallah Zekri, secrétaire général Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Entretien.
Sputnik

«Les juifs sont nos cousins, nous sommes aussi des Sémites», rappelle Abdallah Zekri, secrétaire général Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). «Je condamne avec force cette tribune-là», poursuit celui qui est également président de l'Observatoire national contre l'islamophobie: «Faire le lien entre les musulmans et l'antisémitisme est inacceptable.»

«Je pèse mes mots, mais cette tribune n'est pas faite pour améliorer les relations entre juifs et musulman, c'est contre-productif.»

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Rédigé par l'ancien directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val et signé par près de trois cent personnalités, le manifeste publié «contre le nouvel antisémitisme» en France a été publié dans Le Parisien du Dimanche, ce 21 avril. Il dénonce la «radicalisation islamiste», le «silence médiatique» qui l'entoure ainsi qu'une «épuration ethnique à bas bruit» présente, selon eux dans certains quartiers. Près de 50 000 personnes ont récemment été contraints de déménager « parce qu'ils n'étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l'école ».

Ce n'est pas un appel à «la stigmatisation», se défend l'essayiste Pascal Bruckner, signataire, arguant que «nous avons un certain nombre d'imams qui ont signé avec nous et qui sont eux-mêmes horrifiés par ce qui se passe». Un gage qui n'en est pas un, selon M. Zekri:

«Les signataires musulmans qui ont signé sont des imams auto-proclamés! Ils ne sont pas reconnus par la communauté musulmane, ils n'ont pas de mosquée, ils ne prêchent pas. […] Ils sont ce que j'appelle, et je vais être fort dans mes termes, des "Arabes de service" pour faire plaisir à leur maître».

Pourtant, une trentaine d'imams ont également dénoncé, dans une tribune le lendemain au « Monde » l'antisémitisme et le terrorisme présents en France. « Depuis plus de deux décennies, des lectures et des pratiques subversives de l'islam sévissent dans la communauté musulmane, générant une anarchie religieuse, gangrenant toute la société. » peut-on lire. « Que chacun assume sa part de responsabilité », enjoignent-ils.

«L'antisémitisme n'est pas l'affaire des Juifs, c'est l'affaire de tous», insiste le manifeste, rappelant que «dans notre histoire récente, onze Juifs viennent d'être assassinés —et certains torturés- parce que juifs, par des islamistes radicaux».

«On sous-entend que dans l'ADN du musulman, il y a l'antisémitisme, que le musulman est un antisémite potentiel jusqu'à preuve du contraire»,

déplore Anouar Kbibech, ancien président du CFCM, association créée en 2003 par Nicolas Sarkozy. «L'initiative est louable et compréhensible, mais il y a des éléments qui nous interpellent». Au premier rang duquel «la mise en concurrence des actes antisémites et des actes antimusulmans.»

«Les Français juifs ont 25 fois plus de risques d'être agressés que leurs concitoyens musulmans», écrivent en effet les signataires. Une comparaison qui n'a pas manqué de faire réagir: «Comme s'il fallait étalonner la souffrance juive à l'aune d'une supposée quiétude musulmane, et non pas dans la communauté nationale; comme s'il fallait opposer le juif, enfant de la France, au "concitoyen musulman", que l'on soupçonne tellement musulman et si peu concitoyen?», s'emporte Claude Askolovitch, dans Slate.

«Il y a des juifs qui n'aiment pas les musulmans, il y a des musulmans qui n'aiment pas les juifs. Ça existe.»

poursuit Abdallah Zekri:

«La Ligue de Défense Juive passe son temps à taper et casser de l'Arabe, et personne ne dit rien!» s'insurge-t-il, alors qu'en «Israël et aux États-Unis, la LDJ est considérée comme terroriste. En France, elle est tolérée […] Malheureusement, elle continue de traquer les musulmans à travers la région parisienne. Ce sont les alliés de groupuscules d'extrême droite

«Nous demandons que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d'obsolescence par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l'antisémitisme catholique aboli par Vatican II», exhortent également ces personnalités. Un appel qui peut difficilement trouver écho, étant donné que: «nous n'avons pas de Pape pour abroger le Coran […] soupire M. Zekri. Qu'on arrête de dire n'importe quoi sans connaître réellement la religion.»

​Mohamed Guerroumi, musulman pratiquant et militant du dialogue interreligieux à Nantes, qui a paraphé le manifeste, explique cependant dans le Figaro qu' «il faut remettre les pendules à l'heure et revoir l'exégèse du Coran, car il s'agit d'une interprétation qui date de IXe siècle ». «La sourate 9 est très violente, les juifs ou mécréants étant considérés comme des ennemis des musulmans. C'est ce qu'on enseigne en ce moment aux jeunes musulmans en France.»

Pour Anouar Kbibech, «cet effort d'interprétation et de contextualisation des versets du Coran est perpétuel chez les musulmans» et le Conseil Français du Culte Musulman «a mis en place un conseil religieux qui permet de faire ce travail.»

Selon les données du ministère de l'Intérieur, les actes antisémites ont enregistré un léger repli en 2017 (-7%), pour la troisième année consécutive. Mais les faits les plus graves (violences, incendies, tentatives d'homicide…) ont eux augmenté de 26%.

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