«Confusion totale»: Nicolas Bay sur les objectifs de la France en Syrie

Quel signal la France voulait-elle envoyer à la Russie en se joignant aux frappes américano-britanniques contre la Syrie? Quel intérêt pouvait-elle avoir à participer à la campagne antirusse déclenchée par le Royaume-Uni dans le cadre de l'affaire Skripal? Interview de Nicolas Bay, vice-président du Front national.
Sputnik

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Venu pour la première fois en Crimée pour participer au Forum économique de Yalta, le vice-président du Front national Nicolas Bay a fait part à Sputnik de sa vision concernant le rôle que son pays joue actuellement sur l'échiquier syrien, notamment après avoir participé aux tirs de missiles américano-britanniques. Selon lui, en se joignant aux frappes menées par Washington et Londres contre Damas, Paris s’est aligné sur la position  américaine «très belliqueuse», ce qui n'est pas conforme à la tradition politique et diplomatique de la France.

​Ainsi, Paris a «envoyé un message qui est nuisible aux peuples français, européen et syrien», et ceci dans une période où l'objectif principal est de s'unir contre Daech* et d'autres groupes islamistes:

«Il [Emmanuel Macron, ndlr] a finalement cédé à une volonté de guerre-spectacle sans efficacité militaire réelle, ce qu'il a reconnu lui-même, et dans le seul objectif de désigner le régime de Bachar el-Assad comme un ennemi», a-t-il estimé en marge du Forum économique. «Et dans ce contexte-là nous devons unir nos forces à la Russie et développer un partenariat militaire avec l’armée syrienne pour venir à bout des groupes islamistes. Je crois que c'est un très mauvais signal et c'est aussi un signal de défiance à l'égard de la Russie alors qu'on devrait considérer la Russie comme une grande puissance voisine et amie.»

Ici, une disparité: d'un coté le gouvernement français affirme vouloir établir un dialogue avec ses homologues russes, mais de l'autre, prend part aux frappes contre Damas. Ce qui démontre en fait qu'il manque à Emmanuel Macron «une vraie stratégie de défense de nos intérêts» et n’ajoute en rien de clarté dans la position française, a souligné M.Bay.

«En souhaitant rétablir les relations avec la Russie, puis en s'alignant sur la position américaine en Syrie dans un second temps, je crois que ça donne un sentiment de confusion totale et d'incohérence de la position française, ça nuit à la crédibilité de la France.»

Un remède possible à cette situation brouillée consisterait en «un changement d'orientation politique» laquelle ne semble pas répondre à l'étape actuelle aux intérêts d'aucun des peuples concernés.

«Au lieu d'envisager la question des pays du Moyen-Orient uniquement à l'aune de la considération morale sur les régimes qui sont en place, on devrait réfléchir ensemble aux intérêts de nos peuples. C'est-à-dire est-ce que l'intervention française en Libye était conforme aux intérêts de la France? La réponse est non, ça a provoqué des vagues massives d'immigration. Est-ce que c'est conforme aux intérêts des Libyens? Non, parce que ce sont les islamistes qui en ont été bénéficiaires. Aujourd’hui en Syrie c'est la même chose: est-ce que c'est conforme aux intérêts de la France? Non, la France doit avoir dans les pays qui sont à proximité quand même de l'Union européenne, ça doit être des zones de stabilité. Et est-ce que c'est conforme aux intérêts syriens? Non, parce que là aussi ce sont les Syriens qui sont sous le joug des groupes islamistes.»

Par conséquent, on peut y trouver «une similarité dans les faits: la situation en Syrie est la reproduction des fautes politiques qui ont été commises en Libye par la France et les Britanniques, et en Irak par les Britanniques et les Américains», a mis en exergue l'interlocuteur de Sputnik.

Quant aux conséquences possibles de ces erreurs, Nicolas Bay en a énuméré plusieurs.

«La conséquence c'est d'abord de permettre aux islamistes de continuer à se déployer, à prospérer. C'est aussi un signal de laxisme à l'égard des puissances qui soutiennent les fractions islamistes. Je pense au Qatar, à l'Arabie saoudite qui sont aujourd'hui les bénéficiaires de cette situation. Donc la position ambiguë de la France, hostile au régime au pouvoir à Damas, renforce évidemment les pays qui financent et qui soutiennent les islamistes comme par exemple l'Arabie saoudite.»

En même temps, à l'échelle des principales chancelleries européennes des propos très durs visant la Russie ont suivi l'empoisonnement de l'ex-agent double Sergueï Skripal, et ce «sans aucun contrôle, sans aucune vérification, sans aucune véritable enquête». Pour M.Bay, cette campagne suit la logique d'une guerre froide contre la Russie. Pourtant, le principal intérêt de Paris consisterait en une désescalade, qui n'est toujours pas mise en place par le Président de la République, même des mois après son élection, a-t-il déploré.

«Il est complètement soumis aux positions américaine et britannique. Et c'est très dommageable parce que je pense que la France, par sa position géographique d'abord, par son histoire aussi, pourrait être un point d'équilibre, devrait adopter une position équilibrée dans sa relation entre la Russie et les pays de l'Europe, également entre la Russie et les États-Unis.»

Finalement, évoquant la perspective indésirable que les groupes d'extrémistes implantent un jour un État autonome avec l'aide des USA dans le sud de la Syrie, le vice-président du FN a estimé que l'analyse du ministère russe des Affaires étrangères se trouve «validée par les faits».

«Le fait d'avoir en Syrie l’État islamique qui n'est pas encore totalement détruit d'une part et d'autre part les groupes islamistes principalement soutenus par les Saoudiens qui sont bénéficiaires des frappes des États-Unis contre la Syrie, ça aboutit en effet à permettre à ces groupes islamistes de prospérer, de s'installer, et donc même si ce n'est pas l'objectif initial, c'est le résultat en tout cas de la politique menée par les États-Unis», a-t-il résumé.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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