Dans un article intitulé «La folle Théorie des Russes sur le complot de l'attaque chimique», daté du 13 avril dernier, L'Obs s'en est pris avec véhémence à Sputnik, qu'il accusait de «cynique récupération» pour «alimenter la théorie du complot».
C'est dans ce contexte que, selon L'Obs, Sputnik aurait «exhumé jeudi [12 avril 2018] une vidéo présentée comme datant de mars». Si M. Stoll, l'auteur de l'article, avait des doutes sur les sources de Sputnik, qui reprenait le 13 avril une vidéo de Ruptly datée du 13 mars dernier, se contentant d'y ajouter des sous-titres en français, il aurait aisément pu vérifier l'information, sur Reuters par exemple, plutôt que de sous-entendre que Sputnik ne se plierait pas aux exigences de l'éthique journalistique.
Dans cette vidéo qui date bel et bien du 13 mars dernier, Valery Gerasimov, chef d'État-major des armées russes, affirmait que Moscou possédait des informations «fiables» indiquant la préparation d'une «mise en scène d'une utilisation par les forces gouvernementales d'armes chimiques contre la population civile».
S'agit-il de «paroles prophétiques»? On pourrait en effet plaider coupable d'une mauvaise formulation en effet. Les affirmations de Valery Gerasimov n'ont rien de prophétique, adjectif qui implique une dimension mystique, même si d'autres éléments sont venus depuis appuyer sa thèse. Ces déclarations invitent à s'interroger justement parce qu'elles viennent du chef d'État-major de l'armée russe; un homme dont on peut supposer qu'il possède des informations à l'appui de ses affirmations et qui dispose de ce fait d'une meilleure compréhension du dossier syrien.
Ce n'est pas en tant que «relais de propagande» que Sputnik France a diffusé les propos du Général Gerasimov. C'est que le fait que cet homme ait prévenu un mois avant de ce qui risquait de se produire soulève des questions légitimes. Se les poser ne fait-il pas partie du travail de journaliste? Le gouvernement de Bachar el-Assad, en position de force dans la Ghouta orientale, dont il avait déjà repris plus de 90% au moment des faits, n'avait que peu d'intérêt à franchir la fameuse «ligne rouge» tracée par Donald Trump et Emmanuel Macron.
Partant de ce postulat, il s'agit moins de refléter l'opinion du Kremlin que de poser une question légitime, encore une fois, en l'absence de toute preuve tangible de l'attaque au gaz sur Douma, apportée par une source indépendante. En l'état, nous ne disposons que de témoignages de terrain contradictoires, les uns en faveur du gazage, les autres expliquant qu'il s'agit d'un montage.
Quant aux «vieilles méthodes KGBistes» que l'auteur mentionnait, un éclairage serait utile pour comprendre ce à quoi il faisait allusion, à moins d'accepter comme un travail journalistique sérieux des accusations gratuites comme de parler de L'Obs comme d'un «instrument au service des manipulations de l'OSS».