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Mayotte: le problème est-il purement migratoire?

L’île de Mayotte est secouée depuis le début de l’année par un mouvement social de grande envergure. Le point sur la situation du plus pauvre département de France avec le journaliste Rémi Carayol et la militante Halima Charaf-Dine, invités des Chroniques de Jacques Sapir.
Sputnik

La grève se poursuit à Mayotte. Entamée le 19 janvier dernier, cette mobilisation massive des habitants n'est pas inédite, mais elle est exceptionnelle par son ampleur. Si la presse met souvent en avant les questions d'immigration clandestine et d'insécurité sur l'île, les problèmes que connaît le 101e département français reposent sur une situation sociale difficile et un contexte historique et régional singulier. Comment Mayotte s'est-elle ainsi retrouvée submergée par un flux de population qu'elle ne semble en mesure ni de prendre en charge ni d'empêcher? Que propose la métropole, et que pourrait-elle mettre en place?

Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Rémi Carayol, journaliste indépendant collaborant notamment au Monde diplomatique et à Mediapart, et Halima Charaf-Dine, porte-parole du collectif "Mayotte en mouvement".

Rémi Carayol souligne que Mayotte n'en est pas à sa première crise, mais que «plus on avance dans le temps, plus ces périodes de crise se rapprochent. C'est une situation très difficilement gérable où l'État français ne répond pas aux attentes des Mahorais. Mais il lui serait difficile d'y répondre vraiment parce qu'on est dans un contexte particulier. En accordant son indépendance par référendum en 1975 au reste de l'archipel des Comores, mais en maintenant Mayotte française par un deuxième scrutin en 1976, on a posé là un îlot de relative stabilité économique qui déséquilibre toute la zone.»

Halima Charaf-Dine décrit la situation comme avant tout un problème de voisinage dans la région: «Il faut savoir que nous avons été réunis avec les autres îles des Comores par le colonisateur. Les Mahorais étaient victimes de nombreuses razzias et ont donc demandé la protection de la France en refusant l'indépendance. Aujourd'hui, l'État a failli dans ce rôle. Nous n'avons rien contre les Comoriens eux-mêmes, mais nos difficultés viennent aussi du fait que nos voisins n'ont rien réussi à construire de leur côté depuis leur indépendance. Et le peu qui a été construit à Mayotte bénéficie donc aujourd'hui à tout l'archipel: l'hôpital de Mayotte, par exemple, est devenu un hôpital régional, tandis que plus de 60% des élèves inscrits à l'école sont d'origine étrangère.»

Pour Jacques Sapir, il faut donc une plus grande intégration régionale, et la solution ne peut passer que par un développement des Comores en parallèle: «Il faut très clairement qu'il y ait un projet de développement qui englobe non seulement Mayotte mais aussi l'Union des Comores. On pense à la pêche, ou encore au tourisme, ce qui nécessiterait de construire des infrastructures. Il va falloir se poser la question de faire au minimum de Mayotte un point d'entrainement pour le développement de l'ensemble de la zone des Comores, voire d'aller jusqu'à Madagascar. Mais ça veut dire que le gouvernement français doit avoir une véritable continuité de projet sur cette question, qui ne serait pas remise en cause à chaque changement politique en métropole, or ça n'est pas le cas.»

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