«Le besoin de renouveau de la politique de cohésion urbaine répond à une nouvelle donne: celle d'une géographie de la pauvreté, qui recouvre aujourd'hui des réalités très différentes (banlieues, centres anciens paupérisés, anciennes cités industrielles) et qui appelle des modes d'intervention différenciés» (extrait du manifeste de la cohésion urbaine et sociale).
Très régulièrement pointée du doigt comme l'épicentre de la radicalité religieuse et de la délinquance, la banlieue est souvent perçue comme hors de la République. Certains y voient un territoire à reconquérir, comme Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, qui expliquait vouloir déployer sa police de sécurité du quotidien (PSQ), dans 60 quartiers de «reconquête républicaine». D'autres, un potentiel vivier de voix électorales, donc une population à choyer par des politiques parfois clientélistes. Néanmoins, reste un constat: l'échec relatif des différentes «politiques de la Ville» mises en place depuis les années 1980, malgré les sommes astronomiques englouties dans les différents plans de rénovation ou de sauvetage des banlieues: rien que pour la période 1989 à 2012, on parle de 90 milliards! 50 milliards d'euros de 1989 à 2002, puis 40 milliards supplémentaires avec le plan Borloo —déjà lui- de 2003 à 2012.
Malgré ses résultats plus que mitigés quand il était ministre de la Ville, Jean-Louis Borloo veut croire qu'il est l'homme de la situation et qu'il pourra vaincre cette spirale négative. Ce dernier, missionné par Emmanuel Macron en novembre 2017, a contribué à l'élaboration d'un grand plan pour les banlieues en collaboration avec France urbaine et l'Assemblée des communautés de France. Ce «Pacte de Dijon», présentée ce vendredi 6 avril à l'occasion des journées nationales France urbaine à Dijon, sonne, selon son porte-parole, comme la «dernière chance» ou plus modestement une énième tentative de créer une «meilleure cohésion urbaine et sociale».
Un des enjeux de ce «plan de bataille» est de redynamiser la politique de la Ville, qui se «trouve aujourd'hui en voie d'essoufflement et en quête de refondation», selon ses auteurs du manifeste, qui vont même plus loin. Ils affirment qu'elle «doit également faire face à de nouveaux phénomènes de repli communautaire et confessionnel qui transcendent la vie de nos territoires, se manifestent dans de nombreuses villes européennes, mais prennent, dans certains de nos quartiers populaires, une dimension préoccupante».
Ce pacte de Dijon a-t-il pour autant les moyens de ses ambitions et peut-il réellement faire renaître l'espoir dans les banlieues? Possible, mais il aura un coût très important. En effet, les propositions du «big-bang» de Jean-Louis Borloo s'élèvent à hauteur de 48 milliards d'euros. À titre de comparaison, le budget 2018 du ministère des Armées était, lui, de 34,4 milliards d'euros.
Des associations comme Ville et banlieue sont soulagées après ces différentes annonces comme en témoigne leur communiqué: «Il a raison: il faut mettre sur la table 50 nouveaux milliards pour la "qualité urbaine"; il faut un élan pour les mobilités, géographiques et professionnelles, et contre l'illettrisme et tout autant "l'illettronisme"; il faut que la réforme de l'apprentissage ne passe pas à côté des banlieues; la question des femmes et des mères des quartiers prioritaires dans l'espace public est un sujet majeur de travail; l'enjeu central, c'est la réconciliation nationale et il faut un big-bang institutionnel. Il n'est plus temps de faire des constats.»
Reste que pour l'instant ces différentes mesures ne sont qu'une série d'engagements. Les associations espèrent ainsi que les collectivités signeront le manifeste et que l'État s'impliquera. Si tant est que le problème soit soluble dans des lignes budgétaires, l'avenir des banlieues est donc, à nouveau, conditionné par une décision gouvernementale.